A l’occasion de la journée mondiale pour la liberté d’instruction, nous avons voulu en savoir plus sur l’IEF (instruction en famille) et sur les parents qui ont pris la décision de faire l’école à leurs enfants à la maison. Anaïs, maman de trois enfants nés en 2006, 2008 et 2012, professeur des écoles de formation et blogueuse « Montessori mais pas que » a répondu à toutes nos questions pour en savoir plus sur ce mode d’apprentissage et ce mode de vie !

Anaïs, pouvez-vous vous présenter et vos enfants ?

J’atteindrai dans quelques années la quarantaine, je suis professeur des écoles de formation (je n’ai pas enseigné depuis la naissance des mes enfants), et j’ai un long passé de musicienne derrière moi. Pour accompagner au mieux mes enfants dans leur développement, j’ai suivi des formations en portage, en langue des signes, en pédagogie Montessori. Je me passionne pour la pédagogie, l’accompagnement au développement de l’enfant, et dans ma vie, en général, j’aime beaucoup transmettre. Je suis plutôt une « touche à tout » et je vis mes passions jusqu’au bout, … avant de passer à de nouvelles ! Mes trois enfants, Zoé, Milo et Luce ont respectivement 10, 8 et 4 ans.

instruction en famille

Quand avez-vous choisi l’instruction en famille avec vos enfants ?

Luce a connu la pédagogie Montessori dès la naissance, et quand nous avons vu à quel point elle était à l’aise avec son corps, son langage, les apprentissages et avec les autres, nous avons longuement hésité à la scolariser de peur de casser son élan naturel pour les apprentissages et sa spontanéité. Des problèmes répétés à l’école avec nos aînés ont fini par nous décider : difficile pour des enseignants non formés aux spécificités de gérer une enfant à haut potentiel hétérogène et un garçon présentant des troubles de l’attention. Je ne leur en veux plus, c’est parfois difficile pour moi aussi !

Cette décision de ne plus scolariser a donc été prise en juin 2015. L’IEF, c’est un mode de vie tout récent pour nous, et pourtant,  j’ai l’impression désormais que nous ne sommes jamais passés par la case « école » ! Nous entamons donc notre deuxième année avec des enfants qui devraient suivre s’ils étaient scolarisés des niveaux de CM2, CE2 et Moyenne section.

Quels types de méthodes pédagogiques utilisez-vous ?

 Je n’applique pas de méthode à proprement parler : une méthode implique des résultats, un cadre fixe, une progression … alors que chez nous, la pédagogie est très évolutive et tient également compte des envies et besoins de chacun. Vivre l’instruction en famille et gérer une classe sont aux antipodes : désormais, je ne suis plus éducatrice, ni enseignante, je suis juste une maman qui essaye de créer un environnement adapté aux besoins du moment de chacun de ses enfants.

Alors oui, certes, j’utilise certains matériels issus de la pédagogie Montessori, surtout en mathématiques (je rêverais de l’appliquer en globalité, mais impossible avec trois enfants et un environnement restreint à un salon). Je m’inspire également de très loin à d’autres pédagogies, dont je suis loin de maîtriser les ficelles, mais s’il faut les nommer, effectivement : un peu de Reggio et un soupçon de Steiner, le tout saupoudré de langue des signes depuis leur naissance et de bienveillance, évidemment. (Anais a d’ailleurs co-écrit le livre « Bébé s’exprime par signes »).

J’utilise néanmoins malgré tout des « méthodes » très traditionnelles, réadaptées à ma sauce, d’où le titre de mon blog « Montessori … mais pas que ! ».

Pour le reste, nous nous contentons de vivre, tout simplement. Avant d’avoir des enfants, nous sortions beaucoup, allions à de nombreux concerts, avions une vie sociale très riche, voyagions beaucoup … Rien n’a changé ! Certains nommeront ça le « unschooling« , nous, nous appelons tout naturellement ça : répondre à notre enfant et le nourrir tant que l’intérêt pour un sujet est présent.

L’instruction en famille a l’énorme avantage de nous permettre de prendre le temps, de passer des notions pour s’attarder sur d’autres, d’individualiser les apprentissages, de suivre leurs envies, de respecter leur rythme naturel (je pense en particulier à celui du sommeil !)

Comment s’organisent vos journées ?

Nous travaillons le matin, en général de 10 h à 13 h en français et en mathématiques. J’ai toujours un emploi du temps en début d’année pour me rassurer, mais l’improvisation prend vite le dessus. L’après-midi, il nous arrive de travailler sur les sujets du moment qui nous passionnent (en histoire, en géographie, en sciences …). Les fins de journées sont consacrées aux multiples activités des enfants : Zoé et Milo font partie d’une troupe de danse et chants polonais, ils font tous les deux de la musique (violoncelle et batterie) et chacun un sport (équitation et hockey), Luce se contente de l’équitation pour le moment, mais elle nous suit partout, depuis toujours, n’en perdant pas une miette ! Nous participons assez régulièrement à des sorties organisées par une association regroupant des familles en IEF et une association qui met en place des activités autour de la nature.

Instruction en famille

Faites-vous l’objet de contrôle pédagogiques de la part de l’éducation nationale ? Devez-vous suivre un programme spécifique ?

 Les familles sont contrôlées une fois par an par l’Education Nationale, à partir du moment où leur enfant atteint l’âge de 6 ans (Luce n’y est donc pas encore soumise). Pour le moment, nous avons la seule obligation d’amener nos enfants à maîtriser le socle commun à 16 ans. Malheureusement, des projets de lois et décrets pourraient bien nous obliger à suivre les programmes des cycles de l’Education Nationale bientôt et à soumettre nos enfants à des tests écrits (que nous sommes libres de refuser pour le moment). Les associations IEF et les parents se battent pour continuer à faire valoir leurs droits et leur liberté.

Rencontrez-vous des difficultés au quotidien ?

 Evidemment, sinon notre vie manquerait de piment ! Dans une famille lambda, les difficultés sont déjà quotidiennes, ajoutez un temps partagé à 100 % avec 3 enfants ayant des spécificités (mais quel enfant n’a pas sa spécificité, n’est-ce pas ?) : vous obtiendrez parfois des journées au climat très électrique où j’ai envie de baisser les bras !

Par exemple, chaque geste du quotidien est très long pour mon fils. Il faut sans cesse, malgré les outils mis en place, lui rappeler l’enchaînement des actions à réaliser. Il se perd très vite dans ses pensées et a du mal à se concentrer quelques minutes quand un sujet ne le passionne pas. Mais l’instruction en famille m’a beaucoup appris, et mes capacités de patience se sont décuplées !

Mon mari, pleinement impliqué dans notre projet, prend le relais dès qu’il rentre du travail, proposant des activités complètement différentes et complémentaires des miennes, il prépare le repas tous les soirs, c’est vraiment très appréciable et cela me permet de continuer à travailler. Les tontons/tatas et la mamie des enfants sont très présents et nous soutiennent. Et puis, il y a aussi les amies, et les copines virtuelles d’IEF, qui prennent le temps de m’écouter et de m’aider et ce au moindre message, elles se reconnaîtront.

instruction en famille

Quels sont vos souvenirs les plus marquants ?

Je n’ai plus d’anecdote précise en tête, mais plutôt le sentiment de vivre en harmonie avec ma famille et mes valeurs. Le climat s’est beaucoup détendu, nous avons beaucoup appris les uns des autres, nous prenons le temps de profiter de chaque instant de la vie. Un peu comme si vous étiez en vacances tout au long de l’année, vous percevez ce bien-être ? Ce que je retiens, c’est la fierté dans le regard de mes enfants, les yeux qui brillent quand ils réussissent une tâche complexe, le lien fraternel unique qui s’est créé au fil du temps, le temps que nous prenons au lit chaque matin pour se câliner, la joie de les voir à l’aise avec les membres de la société dans laquelle ils évoluent en liberté.

Quels conseils donneriez-vous aux parents intéressés par l’IEF ?

 Croire en leurs enfants, ils sont leur force et leurs guides, ne pas hésiter à se remettre en question, c’est la base, et puis, aussi, de bien s’entourer afin de ne pas vivre en vase clos (ce conseil étant complètement subjectif et correspondant à ma façon de vivre l’IEF !).

Vous pouvez aussi en option opter pour un casque antibruit et une femme de ménage !

Un message à faire passer ?

J’espère de tout cœur que nous pourrons continuer d’exercer nos droits et libertés en matière d’instruction pour que chaque parent puisse continuer à vivre l’IEF de la manière qu’il trouvera la plus appropriée pour sa famille.

 

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