Alexandra est l’auteur du blog « Les Tribulations d’un Petit Zèbre », où elle traite de la douance et  » Les Tribulations d’une Aspigirl » qui aborde le Syndrome d’Asperger. Et elle sait de quoi elle parle ! Son garçon, Elijah, 12 ans, a été identifié EIP, enfant intellectuellement précoce, à l’âge de 4 ans et quant à elle, le diagnostic du syndrome d’Asperger a été identifié à ses 29 ans.

Alexandra, parlez-nous du blog « Les Tribulations d’un Petit Zèbre » ? 

Le blog a vu le jour au début 2009. Mon fils venait, quelques semaines plus tôt, d’être identifié à très haut potentiel intellectuel ; il avait 4 ans. De mon côté, je ne connaissais strictement rien du monde de la douance, ni à la psychologie à ce moment-là.

J’ai par conséquent brièvement recherché sur Internet de quoi il retournait lorsqu’on parlait d’enfants surdoués, alors qu’il passait ses tests ; et ce que j’ai entrevu à l’époque m’a estomaquée. Ce n’était qu’une succession de sites plutôt médiocres, laids, sombres, qui dramatisaient le surdouement et en faisait une croix à porter. Ou à l’inverse des forums de parents, à l’ambiance de compétition malsaine. J’ai vraiment espéré à ce moment précis que mon garçon ne soit pas de ces enfants-là, car ce que je venais d’apercevoir était plus pathétique qu’enchanteur ! En tous cas, cela ne nous correspondait pas, du tout, dans la manière de regarder notre fils et de l’éduquer.

Mais comme je l’ai écrit dans mon livre, Les Tribulations d’un Petit Zèbre. Episodes de vie d’une famille à haut potentiel intellectuel, paru début juillet 2016 chez Eyrolles, « On ne choisit pas qui l’on est. On est, c’est tout ». Aussi, lorsque le verdict est tombé, trois semaines plus tard, ce fut un grand choc pour moi. Au point d’en perdre ma voix.

Bien décidée à ne pas accepter ce que l’on me servait comme « vérités » tristounettes et beaucoup trop théoriques sur ces sites, j’ai pris le taureau par les cornes et j’ai très vite lu tout ce que je pouvais trouver sur le haut potentiel intellectuel, en français comme en anglais. Le blog s’est imposé à moi, comme une évidence. Quant à son nom, il se voulait décalé, doux et pacificateur, en dehors des querelles sémantiques, aussi nombreuses que stériles. Zèbre étant un terme de substitution au sulfureux surdoué, inventé quelques années plus tôt par la psychologue Jeanne Siaud-Facchin. Sa volonté d’apaiser, de sortir de ces batailles inutiles autour des mots correspondait bien à mon désir de créer quelque chose d’inédit dans ce domaine, qui ne ressemble à aucun autre site, mais qui soit pleinement à l’image de ma famille rayée.

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Et les « tribulation d’une Aspigirl » ?

J’ai été dans un premier temps été identifiée à très haut potentiel intellectuel, à 29 ans, suite au bilan de mon fils. Puis trois ans plus tard, diagnostiquée comme présentant aussi le syndrome d’Asperger. La révélation s’est imposée à moi en 2009 lors de la lecture, par hasard, du livre de Daniel Tammet « Je suis né un jour bleu », mais il m’aurait fallu attendre relativement longtemps entre le début de mes démarches auprès du CRA (Centre ressources autisme) de notre région, et le moment du bilan-diagnostic.

J’avais un peu parlé de tout cela sur quelques billets de Tribulations d’un Petit Zèbre, mais recevais de très nombreuses demandes par e-mails et MP (via Facebook) de personnes se questionnant sur le syndrome d’Asperger. L’idée a pris du temps à cheminer et puis je me suis décidée, fin 2013, à créer ce second blog dédié au SA, en particulier lorsqu’il est décelé à l’âge adulte, afin d’aider plus efficacement les lecteurs qui s’intéressaient au sujet.

Quelle maman êtes-vous ?

Mon fils a toujours été ma priorité, parce que je considère qu’avoir un enfant est la plus belle chose qui me soit arrivé dans la vie. Mais cela impliquait à mes yeux de l’accompagner pleinement, et donc, de tout organiser dans notre quotidien pour être disponible pour lui.

Je n’ai qu’un enfant, par choix, et j’étais moi-même fille unique. Ayant grandi à l’étranger auprès de parents originaux qui ne se formalisaient pas de mes innombrables « bizarreries », j’ai eu beaucoup de libertés, et j’ai me semble-t-il transmis ces valeurs à mon zébrillon.

Depuis sa naissance, j’ai toujours été une maman très instinctive et à la fois très tranquille quant à son rythme de développement. Je n’ai jamais été rigide ou directive sur ses goûts, ses apprentissages ou ses activités. Ce qu’il voulait ou aimait, il était libre de le faire, autant qu’il le souhaitait. Rien ne m’étonnait jamais, ou ne me posait souci, même lorsqu’il semblait aller bien plus vite – ou plus « loin » – que ses copains d’école par exemple.

A mes yeux, chaque enfant avance a sa cadence et selon sa personnalité propre, aussi il ne me serait jamais venu à l’esprit qu’il puisse être surdoué. Il était tout ce qu’il y a de plus normal, dans mon monde : il cadrait avec mes points de référence, correspondait à ma norme.

Le faire bilanter (c’est à dire lui faire consulter un psychologue pour passer des tests) fut le fruit de l’insistance durable de ma mère, qui est enseignante. Et le choc des conclusions a été immense. J’ai subitement compris qu’il était hors norme, au vrai sens du terme, mais que j’avais moi-même été une enfant intellectuellement précoce. Ces tests nous ont mis en main une nouvelle carte du territoire, et ont bouleversé notre vie, à tous les trois.

Comment va votre fils Elijah ?

Il va bien ! Il a aujourd’hui 12 ans et s’apprête à entrer au lycée en septembre, en classe de seconde !

Il a vécu des choses difficiles, au collège notamment où il est arrivé en 6ème à 9 ans, avec déjà deux sauts de classe derrière lui (celui du CP, puis du CM1). Les souffrances et les incompréhensions ont été telles que nous avons pris la décision en fin de 5ème de le scolariser une année entière à domicile. L’idée étant que l’inscription au CNED et la troisième accélération lui permettraient de souffler, de se tenir à distance des interactions sociales vraiment très délicates pour lui à cette période qui étaient en train de le détruire. Parvenir à le remobiliser et en finir avec le collège, voilà ce que nous visions.

Il est souvent une période très compliquée pour les garçons intellectuellement doués (souvent les filles surdouées craquent plutôt à la période du lycée). Mais il n’est pas simple de se relever d’agressions (dans son cas, physique comme verbales), de tourner la page du harcèlement, d’oser de nouveau aller vers les autres sans craindre qu’ils nous blessent ou nous attaquent. C’est un travail de longue haleine !  Reprendre confiance en soi demande du temps, de l’amour et des soutiens.

Aujourd’hui Elijah est véritablement heureux, et même impatient, de retourner en classe ! Il attend beaucoup de cette rentrée et espère que ses camarades de seconde seront plus matures, et tout simplement plus accueillants que les collégiens qu’il a croisé. Comme chaque année, il passe son été à buller. Que ce soit dans la piscine, en lisant, en faisant des petits séjours chez ses grands-parents dont il est très proche ou en jouant (étant un gamer depuis déjà quelques années). Mais je le sens plus confiant, plus serein aussi que les étés précédents. Et rien que pour cette raison, je ne regrette pas notre choix de le protéger durant l’année qui vient de s’écouler.

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Quelles sont les principaux challenges des enfants « Très haut potentiel intellectuel » ?

Il y a tellement de profils différents qu’il serait particulièrement réducteur de donner un portrait fermé des enfants (T)HPI !

Comme je le développe dans mon livre, certains EIP ont des difficultés sociales, d’autres pas du tout ; certains détestent l’école, d’autres y brillent ; certains sont gauches et peu intéressés par le sport, d’autres s’y épanouissent ; certains sont exubérants, d’autres se fondent dans la masse, etc. La douance est une caractéristique qui n’entame en rien l’unicité de l’individu, chaque surdoué est un cas d’espèce.

Il faut aussi bien comprendre qu’elle sera vécue de manière très différente selon qu’elle soit ou non associée à ce que l’on appelle des comorbidités, comme des troubles des apprentissages (DYS), un trouble déficitaire de l’attention, avec ou sans hyperactivité (TDA/H), un trouble du spectre autistique (TSA). Elles vont pouvoir donner un profil cognitif dit hétérogène, c’est à dire avec des scores inégaux et largement minorés dans certaines sphères explorées par les tests, du fait de ces troubles.

De plus, la manière dont les adultes autour d’eux, au sens large (parents, famille, amis, enseignants, encadrants dans les activités extra-scolaires) perçoivent le surdouement et regardent l’enfant conditionnera la façon dont ce dernier vivra son haut potentiel intellectuel !

Cependant, par delà les différences on trouve également des caractéristiques communes, qui devraient être autant de chances, mais sont malheureusement régulièrement transformées en difficultés par un environnement non-adapté, par un déni de l’entourage. Comme une pensée fulgurante et très riche, qui fonctionne par associations d’idées, telle une arborescence qui peut être difficile à contenir, voire à mettre sur pause (y compris la nuit). Ou encore une sensibilité exacerbée qui fait vivre des montagnes russes émotionnelles aux personnes (T)HPI. C’est l’hypersensibilité, souvent confondue par les non-connaisseurs avec un manque de « maturité » (mot fourre-tout qui est malheureusement souvent opposé aux parents et aux psychologues qui suivent ces enfants lorsqu’ils demandent un saut de classe).

Cette sensibilité extrême s’exprime également au niveau des sens, leur faisant repérer et/ou ne pas supporter bien plus vite et plus fort certaines odeurs, textures, matières. Cette hyperesthésie passe régulièrement, de l’extérieur, pour des caprices, pour la conséquence qu’un manque d’éducation des parents. Pourtant, il n’en est rien.

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Parlez-nous de votre livre ! 

Je suis fière d’avoir suscité l’intérêt de grandes maisons d’édition, et honorée de la confiance qu’Eyrolles a placée en moi en publiant un livre (disponible ici) que j’ai véritablement écrit et construit à mon image. Celle que j’ai imposé sur le blog depuis plus de sept ans.

C’était important à mes yeux que les lecteurs habitués du blog retrouvent tout ce qui en fait son originalité et son caractère, et en même temps, que ce soit un vrai livre écrit avec soin. J’ai longtemps hésité avant de sauter le pas, je m’en explique d’ailleurs dans un chapitre de l’ouvrage, avant de souligner que : « pour que les choses puissent changer, il faut oser parler et s’exposer ».

Je ne doutais pas que conter notre histoire, humblement, avec les hauts comme avec les bas que nous avons connus au fil des années pourrait aider des familles, des adultes qui ne sont pas forcément connectés ni plongés dans le monde du surdouement. Mais nourrissais également l’espoir de contribuer à faire bouger les lignes du côté des enseignants qui liraient nos péripéties ! C’est aussi l’un de mes objectifs.

Connaissez-vous la société Hop’Toys ?

Bien sûr, c’est un site que je connais et conseille depuis quelques années à des lecteurs qui m’écrivent, également via mon second blog, Les Tribulations d’un Aspergirl, consacré au syndrome d’Asperger, une forme d’autisme que je présente.

Je suis devenue une conseillère zélée de vos colliers et autres accessoires à mâcher qui sont source de soulagement pour les enfants avec troubles autistiques, comme chez ceux d’enfants surdoués ou avec un TDA/H. Ces objets aident et rassurent véritablement les enfants très anxieux… et puis ils sauvent chaque année des centaines de stylos, crayons et câbles de casque audio !

Un mot pour conclure ? 

J’aimerais que les différences, quelles qu’elles soient, puissent enfin être acceptées dans notre société française. Pour que ces enfants exceptionnels, comme vous les qualifiez chez Hop’Toys, soient regardés comme des enfants à part entière, et non plus des enfants que l’on exclue, que l’on regroupe ensemble et dont on se débarrasse, finalement.

Je plaide, sur mes blogs comme dans le livre, pour une école inclusive, qui accueille en son sein tous les élèves, sur un pied d’égalité. En considérant et en respectant leurs différences, mais surtout, en les acceptant, sans les juger ou chercher à les gommer.

Mon message se veut positif, et confiant. En dépit de toutes les difficultés que nous pouvons tous rencontrer en tant que parents, je suis persuadée qu’il faut y croire et ne pas baisser les bras. Nos enfants ont besoin de nous, car nous sommes leurs meilleurs alliés.

 

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