Chez Hop’Toys, nous savons à quel point la structuration du quotidien grâce aux routines peut faire des miracles. Particulièrement chez les personnes TSA, TDA/H et même AuDHD (Personne autiste et TDA/H) et plus généralement chez les personnes et les enfants présentant un trouble neurodivergent (TND).
Aussi, nous sommes allés à la rencontre d’Ingrid Delfolie, fondatrice d’EduEveil, et SENco (coordinatrice pour les élèves à besoins éducatifs particuliers) dans une école internationale anglaise.

Nous avons souhaité parler avec elle de l’importance des routines et avoir son expertise et son expérience de terrain vis-à-vis de leur utilisation chez les enfants neuroatypiques.
A travers 3 grandes questions, elle dresse un état de lieux et des pistes de réflexion particulièrement pertinentes.
>> A lire aussi : Inclusion scolaire : bâtir une école pour tous (rédigé en collaboration avec Ingrid Delfolie)
Pourquoi les routines sont essentielles pour les enfants neuroatypiques (et comment les mettre en place sans s’épuiser) ?
Quand je parle de “routine” aux parents, je vois souvent leurs réactions : soupir, petit sourire, parfois même un air découragé. Et je comprends ! Dans notre imaginaire, la routine est associée à quelque chose de pesant, de mécanique, de répétitif. Le Larousse lui-même définit la routine comme un “train-train”, une habitude “mécanique, irréfléchie”… bref, rien de très enthousiasmant.
Pourtant, dans un autre sens, moins connu mais tellement plus juste, la routine désigne aussi un cadre bien établi, où s’enchaînent de manière ordonnée des actions répétées chaque jour. Et c’est exactement ce dont les enfants et plus encore les enfants neuroatypiques ont besoin : des repères clairs, stables et sécurisants.

Les routines ne sont pas seulement un outil d’éducation. Comme l’a montré Markus Becker, économiste spécialiste des organisations, elles constituent une manière universelle pour les humains de structurer leurs actions en séquences prévisibles et partagées (Becker, 2008). Autrement dit, les routines ne sont pas un carcan, mais un soutien : elles organisent nos journées, nous évitent une surcharge de décisions, et donnent un rythme commun.
Les routines visuelles, alors ?
C’est là que les routines visuelles prennent tout leur sens. Elles rendent visible et concret ce qui, pour l’enfant, reste trop abstrait. Comme le souligne John Hattie dans Visible Learning (2009), les enfants progressent mieux quand ils savent où ils en sont, où ils vont, et comment y aller. Même si Hattie parle du cadre scolaire, on peut transposer ce principe à la vie quotidienne : une routine visuelle offre exactement ce type de clarté. Elle permet à l’enfant de situer ce qui est fait, ce qui reste à faire, et dans quel ordre avancer.
Dans cet article, je voudrais montrer pourquoi les routines sont essentielles pour les enfants neuroatypiques, et surtout partager des pistes concrètes pour les mettre en place sans s’épuiser.
Pourquoi les enfants n’arrivent pas toujours à suivre les consignes ?
On parle souvent des fonctions exécutives comme du “chef d’orchestre du cerveau”. Elles regroupent la mémoire de travail (retenir et manipuler plusieurs informations), l’inhibition (résister aux distractions ou aux impulsions), et la flexibilité (changer de plan, passer d’une tâche à une autre). Ces fonctions ne sont pas innées, elles se développent tout au long de l’enfance et, comme le rappelle Russell Barkley, elles ne sont pas matures avant l’âge adulte, avec un décalage moyen de 30 % chez les enfants TDAH (Barkley, 2013).
Concrètement, cela donne des situations du quotidien que beaucoup de parents me racontent. Par exemple :
« Je demande à mon fils : va chercher dans ta chambre ton cahier bleu posé sur le bureau, mets-le dans ton cartable, descends ton cartable et pense à prendre ta casquette sur ton lit.»
Et l’enfant redescend uniquement avec… sa casquette.

Pris isolément, ce n’est pas dramatique. Mais quand ce genre de scènes se répète 20, 30, 50 fois par jour pour s’habiller, préparer les devoirs, descendre à table, cela devient épuisant pour tout le monde. Les parents ont l’impression d’être “derrière leur enfant en permanence”, à répéter, répéter, répéter… et l’enfant, lui, se sent vite incompris ou jugé.
C’est là que les routines jouent un rôle essentiel : elles viennent suppléer les fonctions exécutives encore fragiles. Une routine visuelle, avec un enchaînement d’étapes concrètes et visibles, permet à l’enfant de savoir exactement quoi faire sans dépendre d’une suite de consignes orales qu’il ne peut pas toutes retenir. C’est une manière de rendre tangible ce que son cerveau n’arrive pas encore à coordonner seul.
Les routines comme guide et soutien ?
Le chercheur Shimon Ullman (1984, 1996) a montré que notre cerveau fonctionne lui-même à travers de véritables “routines visuelles” : il enchaîne de petites étapes de traitement pour comprendre l’espace et organiser l’action. C’est exactement ce que permettent les routines proposées aux enfants : découper une tâche en étapes visibles, claires et accessibles.
Barkley insiste aussi sur la posture parentale. Dans Your Defiant Child (2013), il propose trois changements concrets :
- “Know your priorities” – Connaître vos priorités : ne pas chercher à tout corriger, mais choisir vos batailles.
- “Be proactive, not just reactive” – Être proactif, pas seulement réactif : anticiper les situations à risque plutôt que courir derrière les problèmes.
- “Act, don’t yack” – Agissez, ne négociez pas : poser des actions simples et cohérentes plutôt que de longues explications ou débats.

Ces conseils ne parlent pas spécifiquement de routines, mais ils mettent en évidence ce dont les parents ont besoin : clarifier, anticiper, agir sans s’épuiser dans des discussions infinies.
Et c’est exactement à ce moment-là que les routines visuelles deviennent un outil précieux. Elles traduisent ces principes de manière concrète :
- Choisir ses priorités (on affiche seulement les étapes vraiment essentielles)
- Anticiper (la routine est visible avant que le chaos n’arrive)
- Agir sans négocier (il suffit de renvoyer à l’affichage, sans réinventer les règles chaque matin)
Autrement dit, les routines visuelles ne sont pas une “recette miracle”, mais un support pratique qui incarne la posture décrite par Barkley : moins de paroles, plus d’actions claires et prévisibles.
Ce qui fonctionne dans la vraie vie
Une routine n’est jamais parfaite du premier coup. Elle s’ajuste, elle se personnalise, elle évolue avec l’enfant et la famille. L’essentiel est de la voir comme un soutien, pas comme une contrainte.
Trois leviers concrets peuvent aider à la mettre en place :
- Utiliser des supports visuels simples : tableaux, pictogrammes, Time Timer, photos
- Impliquer l’enfant : lui permettre de cocher, coller, déplacer un pictogramme, pour qu’il s’approprie la routine
- Ajuster au fil du temps : garder ce qui marche, modifier ce qui coince, sans viser la perfection
Prenons un exemple très courant : la routine du matin. Plutôt que de répéter 15 fois
“habille-toi, lave-toi, descends déjeuner”, on affiche une suite d’images claires. L’enfant peut suivre pas à pas, et les parents n’ont alors plus besoin de jouer au haut-parleur.

Conclusion
Une routine bien pensée est donc un appui, une structure qui sert de guide. Elle soutient alors les fonctions exécutives encore immatures de l’enfant, elle allège les tensions dans la famille, et favorise autonomie et coopération.
Pour les enfants neuroatypiques, la routine visuelle devient ainsi un véritable outil d’inclusion au quotidien : un cadre sécurisant pour elles et eux, et un souffle pour les parents.

Ingrid Delfolie Accompagnement parental Edueveil
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Source
- Barkley, R. A. (2013) Your Defiant Child: Eight Steps to Better Behavior. 2nd edn. New York: Guilford Press.
- Becker, M. (2008) Handbook of Organizational Routines. Cheltenham: Edward Elgar Publishing.
- Hattie, J. (2009) Visible Learning: A Synthesis of Over 800 Meta-Analyses Relating to Achievement. London: Routledge.
- Ullman, S. (1984) ‘Visual routines’, Cognition, 18(1–3), pp. 97–159.
- Ullman, S. (1996) High-Level Vision: Object Recognition and Visual Cognition. Cambridge, MA: MIT Press.