Un diagnostic tardif de trouble du neurodéveloppement[1] établi à l’âge adulte résulte trop souvent de longues années d’incompréhension et d’errance médicale, parfois aggravées par l’attribution d’un autre trouble ou d’une maladie mentale. Nous avons produit tout au long de notre vie des efforts démesurés pour « être convenable » et « faire comme les autres ». Avec, en arrière-plan, le sentiment profond d’un décalage impossible à nommer. Les remarques blessantes qu’on encaisse, nos « maladresses » qu’on ne cesse de ruminer, la fatigue morale qu’on ne s’explique pas nous donnent la sensation d’être en permanence « à côté de la plaque ».
Et puis, un jour, le diagnostic tombe. Le soulagement d’avoir enfin la clé pour mieux comprendre son histoire se teinte alors parfois de ressentiments. On aurait voulu savoir plus tôt. On regrette le temps perdu à essayer de se conformer à quelque chose qui ne nous correspond pas. Puis, On repense avec tristesse à des situations douloureuses passées, pour lesquelles nous n’étions pas correctement armés. Se découvrir neuroatypiques à l’âge adulte donne certes le vertige, mais, au milieu de ce tumulte d’émotions, apparaît une force extraordinaire : celle de la réappropriation de soi.

La reconnaissance et la légitimation de nos différences grâce au diagnostic d’un trouble neurodéveloppemental
À la fois choc et révélation, ce nouveau terme vient tout bousculer dans notre existence, éclairant au passage des zones d’ombre et de doutes. On revisite son passé sous un angle neuf, en prenant conscience de notre fonctionnement atypique et de notre authenticité. Nos singularités portent un nom. Encore mieux, nous découvrons que d’autres personnes vivent et vibrent avec la même intensité que nous. Leur reconnaissance, ainsi que celles des souffrances qu’elles ont pu provoquer, active le processus d’acceptation et d’affirmation de soi.
Une meilleure connaissance de soi pour s’accepter pleinement
Bien au-delà d’un simple certificat médical, le diagnostic est un véritable outil : une grille de lecture cohérente qui permet d’identifier et de définir nos besoins, nos ressources et nos manques.
L’alignement avec son fonctionnement atypique pour avancer plus sereinement dans la vie
Bien se connaître et comprendre les mécanismes qui induisent nos comportements est essentiel. Nous devons prendre conscience de nos forces, mais aussi apprendre à pointer nos faiblesses. Exprimer nos limites, pour ne plus les dépasser. Anticiper les situations de surcharges (sensorielle, émotionnelle ou même physique), afin d’éviter les crises, comme les shutdowns, fréquents chez les personnes autistes.
Dorénavant plus lucides et mieux équipés, nous multiplions les chances d’améliorer notre qualité de vie future, avec une vision éclairée de nos capacités réelles et de nos besoins spécifiques.

Les évolutions positives à la suite d’un diagnostic tardif
Un diagnostic tardif de TND[2] ne sert pas uniquement à nommer nos particularités. Il offre aussi des solutions concrètes pour dénouer des problématiques récurrentes, ainsi que des pistes à suivre pour atteindre un certain bien-être.
- Expliquer avec les bons mots nos différences (et non plus nos « défauts ») à notre entourage pour mieux se faire entendre.
- Arrêter de culpabiliser et trouver du soutien dans les moments difficiles.
- Réduire nos tensions internes et externes en cessant de nous battre contre nous-mêmes, après une vie passée à camoufler notre véritable personnalité.
- Oser stimmer pour s’autoréguler dans des situations stressantes.
- Appréhender avec lucidité les incompréhensions et les souffrances subies pour ne pas répéter les schémas délétères.
- Réussir à s’affranchir des injonctions sociétales et s’accepter tel que l’on est, avec nos forces et nos faiblesses.
- Redéfinir nos compétences et nos attentes afin de s’ancrer dans notre réalité.
- Retrouver et conforter une certaine estime de soi.
De fait, il n’est pas étonnant que la notion de soulagement reste la plus fréquente à l’annonce d’un diagnostic de trouble du neurodéveloppement. Il vient valider des émotions anciennes et apporter des outils pour faire face à l’avenir et ses éventuels obstacles.
L’impact du diagnostic sur notre quotidien d’adultes neuroatypiques
Une fois les mots posés et acceptés, des portes s’ouvrent devant nous. Jusqu’ici, nous n’avions pas forcément conscience de nos ressources personnelles ni des aides extérieures que nous aurions pu recevoir.
Avoir accès aux soins de santé mentale et physique
Difficultés sociales, perception différente de la douleur, méconnaissance du système et des droits aux soins, mais aussi errance médicale et expériences traumatisantes. Autant de raisons qui tiennent éloignées les personnes neurodivergentes des parcours classiques de soins de santé mentale et physique.

L’identification précise de notre trouble nous servira ici à faciliter la mise en place d’un accompagnement individualisé, avec une prise en charge psychologique et l’orientation vers des dispositifs médicaux adaptés à nos vécus particuliers.
Améliorer notre qualité de vie en fonction de notre TND
D’une manière plus globale, l’accès à des ressources propres à notre mode de fonctionnement va étoffer notre perception du monde, fluidifier nos rapports sociaux et pallier certains comportements qui nous portent parfois préjudice.
Vous voulez des exemples concrets de stratégies pratiques ?
- Une personne autiste pourra rejoindre un groupe d’entraînement aux habiletés sociales pour apprendre à déchiffrer les codes relationnels implicites et vivre des interactions plus riches et moins coûteuses.
- Un adulte avec un trouble déficit de l’attention pourra utiliser une application dédiée à l’organisation, conçue pour capter son attention et améliorer sa concentration.
- Quelqu’un qui souffre de fortes sensibilités sensorielles pourra se munir d’accessoires, tels qu’un casque antibruit des lunettes filtrantes ou des vêtements lestés.
Ces ressources nous permettent de nous réapproprier notre quotidien en réduisant le stress et la fatigue : trouver un confort que l’on pensait jusque-là inaccessible.
Ajuster notre environnement professionnel
Le monde du travail est pensé par et pour les cerveaux qui fonctionnent selon des codes neurotypiques. Se conformer à ces règles (souvent implicites) demande donc une énergie folle aux adultes neurodivergents. Si nous n’y parvenons pas, nous pouvons nous sentir honteux ou défaillants, jugés par nos collègues et collaborateurs.

Notre diagnostic invite au dialogue constructif et à des ajustements de notre environnement professionnel pour qu’il réponde à nos besoins spécifiques. L’amélioration de notre qualité de vie passe aussi par de bonnes conditions sur notre lieu de travail, elles-mêmes indispensables pour rester performants.
Voici quelques idées d’aménagement pour nous soulager :
- accès à un espace sensoriel pour se reposer si besoin ;
- augmentation des heures de télétravail ;
- instauration d’un temps partiel thérapeutique ;
- remaniement et clarification des consignes de travail ;
- ajustement de la forme de communication appliquée au sein de l’entreprise ;
- mise à disposition de matériel ergonomique.
Avez-vous déjà entendu parler de la RQTH ? Il s’agit de la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé fourni par la MDPH[3]. Cette reconnaissance officielle ouvre de nombreux droits quant à l’insertion professionnelle, l’obtention d’une place adaptée à notre fonctionnement neuroatypique, le maintien dans l’emploi et les aménagements de poste.
Sortir de l’isolement non choisi et obtenir du soutien moral
Si beaucoup de personnes autistes apprécient la solitude et en ont besoin pour se ressourcer, l’isolement subi est en revanche une expérience douloureuse et épuisante. Notre diagnostic d’un trouble neurodéveloppemental résonne alors comme la première fois que l’on entend cette phrase attendue depuis si longtemps : « Tu n’es plus seul(e). »
Il ne se réduit pas à un mot posé sur une différence. Étape clé vers l’acceptation, il permet aussi de rejoindre une communauté solidaire, par exemple un GEM[4] ou un collectif composé d’adultes qui partagent un fonctionnement similaire au nôtre et où nous pourrons évoluer sans filtre.
Il s’avère en effet bien plus aisé d’échanger librement sur ses ressentis, ses difficultés, ses stratégies et son parcours avec des pairs. Cette reconnaissance mutuelle doublée d’un soutien moral sincère crée en outre un sentiment d’appartenance fort, que nous n’avions jamais expérimenté avant notre diagnostic.

Découvrir enfin que l’on n’est pas seul à se sentir « bizarre » et ne plus avoir à se justifier ou à masquer procurent un profond apaisement. Exit cette sensation de décalage permanent qui nous rongeait tant, faisons place nette à la libre expression de notre véritable identité.
Recevoir une aide adaptée à notre trouble du neurodéveloppement
Quel que soit l’âge auquel nous le recevons, un diagnostic de trouble du neurodéveloppement permet de solliciter des dispositifs d’aide adéquats. Chacun de nos profils est unique et nous nécessitons un accompagnement sur mesure : suivi médical, soutien psychologique, aménagements dans la sphère professionnelle, appuis logistiques ou matériels pour faciliter le quotidien.
La reconnaissance officielle de notre handicap ouvre également la voie aux aides proposées par la MDPH. Cette institution organise entre autres la mise en place de système d’assistance après une évaluation de nos besoins en tant que bénéficiaires concernés par un TND. Elle offre différents soutiens, tels que l’AAH[5], destinée à assurer un revenu minimal aux personnes en situation de handicap.
Déposer un dossier à la MDPH octroie aussi l’accès à divers avantages sociaux :
- réductions du coût des transports publics ;
- tarifs réduits, voire gratuité, dans de nombreux lieux culturels ;
- priorité dans les files d’attente ;
- aide à l’aménagement du logement.
Ces dispositifs compensent en partie les obstacles liés aux TND et contribuent de façon significative à une meilleure inclusion sociale.
La nécessité des témoignages d’adultes neuroatypiques pour encourager les personnes en questionnement ou récemment diagnostiquées.
Derrière chaque diagnostic, il y a une personne avec son histoire singulière. Chacun de nous entame ce nouveau chapitre à sa manière, parfois avec de la colère, plus rarement du déni, en général l’apaisement. Nous partageons cependant ce moment charnière de notre vie, celui où la lumière se fait soudain, mettant fin aux questionnements et aux incertitudes.

Comme Laetitia, Flo et moi-même, vous traversez peut-être des difficultés en rapport avec votre trouble du neurodéveloppement. Nos témoignages ont pour objectifs de rompre le sentiment de solitude et le silence sur les diagnostics tardifs, de vous aider à mieux appréhender le vôtre. Quel qu’il soit, gardez à l’esprit que vous méritez d’être aimé et respecté pour ce que vous êtes réellement.
Laetitia, diagnostiquée autiste avec TDA/h à 30 ans
Laëtitia, aujourd’hui âgée de 34 ans, est médiathécaire responsable du rayon BD, passionnée de livres, d’histoires et de broderie (entre autres…). Elle vit avec son mari, ses deux enfants et sa carlin, Willow.

Comment s’est déroulé ton parcours et qu’as-tu ressenti à l’annonce de tes diagnostics ?
Je suis tout d’abord allée consulter une psychologue, face à ce que je pensais être un burn-out. J’étais à l’époque de nouveau maman pour la seconde fois, je venais de perdre mon papa d’une leucémie et la charge mentale du poste de directrice de médiathèque me pesait au quotidien.
Ma psy m’a alors orientée vers un psychiatre et j’ai pu découvrir mon TDA/h et mon autisme à 30 ans. Tout d’abord, j’ai eu une période de colère immense, d’avoir dû m’adapter, compenser, ne pas être comprise, être toujours « trop » ou « pas assez » pour mes pairs.
Comment ta démarche et tes diagnostics ont-ils été perçus par ton entourage ?
J’ai mis du temps à faire un véritable coming out, tant les premières réactions ont été violentes pour moi : on invalidait encore 30 ans de douleurs.
Qu’est-ce que cela t’a apporté dans ta vie, ton quotidien ?
J’ai appris à mieux me cerner, respecter mon rythme et mes besoins, m’organiser différemment en me fixant des challenges au quotidien. J’ai appris à déculpabiliser d’avoir mille passions créatives, mais de ne toujours pas réussir des actes classiques, comme passer mon permis ou me lever le matin. Je comprends aussi mieux mes hyperfocus.
Que conseilles-tu aux adultes qui viennent de recevoir un diagnostic de troubles du neurodéveloppement ?
Prenez le temps nécessaire pour digérer vous-mêmes l’information avant de vous ouvrir aux autres. Entourez-vous de personnes compréhensives et des acteurs du handicap, qui sont des ressources précieuses.
Flo, 56 ans, diagnostics en cours de TSA & TDA/h
Flo, cracheur de feu, poète, médiateur numérique et président fondateur de l’association « Creuse ta rue », est suivi au CRA[6] de Limoges. Sa couleur préférée ? Le bleu !

Quel est ton parcours ?
Après plus de deux ans d’attente pour un premier rendez-vous, des infos élastiques, etc., on s’achemine peut-être sur un TSA et un TDA/h.
Qu’est-ce que le ou les diagnostic(s) t’apporteraient ?
Un diagnostic expliquerait bien des choses sur mon passé scolaire et professionnel. TSA, j’en avais l’intime conviction, TDA/h, pas du tout. Cela m’apporterait la quasi-certitude d’être dans le spectre TSA, et pas seulement un « asocial solitaire » au « mauvais caractère ».
Un diagnostic éclairé me permettrait de trouver un fonctionnement plus adapté, peut-être, et de discuter autrement avec les instances sociales et départementales.
J’ai envie de fouiller sur les droits et les avancées technologiques concernant les autistes : être « officialisé » m’enlèverait le sentiment de faire de « l’autiste-exploitation ».
As-tu des projets, des envies, à la suite de ce diagnostic ?
Certainement rejoindre ou créer une structure militante et revendicative s’occupant de l’accès au diag. Dans mon cas, avec du partage d’informations pertinentes et de vitrines de créations artistiques et textuelles d’autistes.
Élisabeth, auteure de cet article, diagnostiquée autiste à 39 ans
Comme Laetitia, c’est une suite d’événements douloureux qui m’a récemment conduite au diagnostic de TSA.

Identifier mes limites et mes besoins
Le burn-out autistique m’a fait perdre une partie de mes capacités de camouflage (dont je n’avais pas vraiment conscience jusque-là) et a aggravé mes particularités sensorielles. Il ne m’est plus possible de dissimuler certains de mes fonctionnements, et je comprends mieux pourquoi j’ai tant besoin de repères fiables, d’objets précis et de consacrer autant de temps à mes centres d’intérêt pour « aller bien ».
Apprendre à m’accepter
Aujourd’hui, grâce à cette reconnaissance, j’essaye de lâcher prise et de déculpabiliser de ne pas « être à la hauteur ». Je cherche un équilibre entre mes aptitudes, mes besoins réels, et les obligations sociétales pour continuer d’évoluer plus ou moins sereinement dans le « monde normal ».
Je me rends malheureusement compte à quel point je manque d’outils pour exprimer mes différences, mes limites et pour pouvoir les faire respecter, notamment dans mes collaborations professionnelles. En prendre conscience à travers ce diagnostic et bénéficier d’un suivi médical adapté me permet néanmoins d’avancer, petit à petit.
Trouver dans la pair-aidance et la sensibilisation aux TND des ressources très précieuses
De plus, pouvoir discuter avec des gens qui rencontrent des difficultés semblables aux miennes, ressentent certaines émotions avec la même intensité, comprennent mes « tempêtes intérieures » sans que j’aie à me « justifier » sans fin, m’aide et m’apaise beaucoup.
Je prône donc la pair-aidance (au sein de GEM, de collectifs, d’associations), la communication et le partage d’expériences dans le but de lutter contre la mauvaise estime de soi, le sentiment d’être inapte et l’isolement social, encore trop répandus chez les personnes neurodivergentes.
Pour aller plus loin dans la compréhension du diagnostic des adultes neuroatypiques, nous avons interrogé une professionnelle de santé mentale spécialisée dans les évaluations de TND chez les enfants et les adultes.

Entretien avec Gaëlle Foucard[7], psychologue depuis 2002
Ce regard professionnel sur le diagnostic tardif nous apporte des informations supplémentaires utiles pour avancer à notre rythme sur notre chemin de vie.
Comment expliquez-vous la forte augmentation, voire la « vague », des diagnostics de personnes adultes ces dernières années ?
Ces dernières années, nous, les professionnels de santé mentale, avons vraiment affiné nos connaissances en matière de diagnostic, par exemple pour les formes d’autisme dites « d’intensité légère ».
Grâce aux CRA, il y a eu une diffusion des connaissances sur l’autisme et notamment sur la notion de « spectre ». De leur côté, les enseignants ont été de plus en plus sensibilisés aux TND. Dans un premier temps, on a donc diagnostiqué de plus en plus d’enfants. Puis, cela a conduit des adultes, les proches et les parents de ces enfants, à se poser la question pour eux-mêmes.
Si on observe effectivement une « vague », nous restons toujours méfiants vis-à-vis des faux diagnostics : tout le monde n’a pas un TSA ou un TDA/h (présents dès l’enfance). Parfois, il s’agit d’un trouble anxieux ou d’un trouble dépressif qui peut présenter des aspects similaires.
Pensez-vous qu’il y a une réelle nécessité à diagnostiquer les adultes neuroatypiques ?
Oui, les adultes autant que les enfants. Il faut comprendre que le diagnostic ne stigmatise pas et que le fait de poser des mots sur des fonctionnements neuroatypiques ne peut qu’aider à avancer.
Qu’est-ce qu’un diagnostic de TND peut apporter de positif aux adultes qui le reçoivent ?
Savoir qu’on est différent, se sentir « étrange » depuis toujours, sans pouvoir se l’expliquer, peut induire une grande culpabilité, une grande chute d’estime de soi. Le diagnostic, à mon avis positif à n’importe quel âge, permet alors de donner un sens à un parcours compliqué, mieux se comprendre, avoir accès à une relecture de son histoire avec de nouvelles données, pouvoir se dire :
« Ce n’est pas parce que je suis nul, c’est parce que je fonctionne autrement. »
« Il y a des endroits où je suis bon, il y a des endroits où je ne suis pas bon. »
Y a-t-il des risques de retombées négatives après un diagnostic tardif ?
Oui, lorsque l’entourage n’a pas la même représentation des TND, et donc n’y croit pas. Cela peut devenir très compliqué, car la personne diagnostiquée continue d’évoluer dans un environnement où son fonctionnement n’est pas reconnu.
Il arrive aussi que la personne concernée éprouve du stress, soit à l’idée de se rendre compte qu’elle a toujours eu un TDN sans le voir, soit parce qu’elle ne se reconnaît pas entièrement dans les descriptions des personnes neurodivergentes.
Pour certains, cela passe par une incompréhension et un refus du diagnostic, ce qui reste très rare. En général, les ressentis négatifs résultent des clichés et des stéréotypes qui perdurent sur les TND.
Que remarquez-vous chez vos patients adultes qui viennent de recevoir un diagnostic de TND ?
Les réactions sont le plus souvent positives. Le premier ressenti est presque systématiquement le soulagement : pouvoir enfin se comprendre et avoir une confirmation de ce qu’on savait déjà, de ce qu’on sentait déjà, avec l’impression d’avoir trouvé une clé pour déverrouiller quelque chose et revisiter toute son histoire avec cette nouvelle donne.
Que pourrait-on dire aux adultes récemment diagnostiqués pour les aider ? Avez-vous des conseils spécifiques postdiagnostiques ?
Dans l’accompagnement, il est nécessaire de resituer que la personne est certes porteuse d’un TND et qu’il faut en avoir conscience, mais que toute son identité ne se résume pas à cela.
Il faut travailler sur l’affirmation de soi, tel qu’on est, bien se connaître, savoir vers où on va et comment on va réussir à s’épanouir avec ce fonctionnement particulier.
Après un diagnostic, qu’on le vive positivement ou négativement, on conseille avant tout la psychoéducation. Pour la personne avec TND elle-même, mais aussi, par exemple, pour son ou sa conjoint(e). Travailler l‘insight en se posant les bonnes questions se révèle très intéressant. Qui suis-je ? Quelles sont mes limites ? Quelles sont mes ressources ? Comment je peux parler de mes limites ? Comment je peux mettre en avant mes ressources ? Vers quoi je vais ? Comment m’épanouir avec mon TND, en acceptant mon fonctionnement ?
Je conseille aussi à ceux qui ont envie d’avoir une boîte à outils pour différentes situations sociales de participer à des groupes d’entraînement aux habiletés sociales. On y rencontre des personnes avec un peu la même histoire, ce sont de vrais lieux d’écoute et de partage.
Il y a également les groupes d’entraide qui se créent de plus en plus, autogérés par les personnes en situation de TND. Bien que cela ne corresponde pas à tout le monde, cela peut faire énormément de bien de pouvoir rencontrer des gens qui ont un peu les mêmes fonctionnements, partagent des passions envahissantes, rencontrent des difficultés sociales.
C’est important de pouvoir rencontrer des personnes qui nous ressemblent, pas seulement pour créer des liens avec eux, mais aussi pour trouver enfin un groupe d’appartenance. Pendant leur scolarité, leurs études, et même après, ces adultes ont pu voir les autres agir en groupe, sans avoir eux-mêmes « leur » groupe, ce qui est pourtant essentiel.
Y a-t-il une tendance qui ressort dans les réactions de l’entourage privé et dans la sphère professionnelle des personnes diagnostiquées sur le tard ?
J’observe surtout deux types de réactions de la part de l’entourage. Soit le soulagement, soit le déni, plutôt pour les adultes dont les parents âgés pensent que « c’est la mode » et que les personnes neuroatypiques « vont dans des instituts ».
Dans la sphère professionnelle, en général, l’annonce du diagnostic a des impacts positifs. Par contre, j’ai vu des personnes non diagnostiquées être en grande difficulté, en raison de leurs impairs sociaux ou de leur « maladresse ». Sans une grille de lecture appropriée, ces personnes passent parfois pour « hautaines » ou « en dehors des clous », alors qu’avec le bon diagnostic, on comprend tout de suite mieux. On peut discuter et se rendre compte qu’il s’agit souvent d’impairs au niveau de la communication.
À partir du moment où on donne les règles et les codes, ça roule !

Que trouvez-vous important de communiquer de plus sur ce sujet ?
Dans mon travail, et personnellement, j’apprends tous les jours beaucoup des personnes avec qui je discute et que j’accompagne, dans des rapports sincères et sensibles.
On a encore un grand chemin à faire au sujet des TND.
Sources :
- https://handicap.gouv.fr/sites/handicap/files/2025-04/Document-preparatoire-strategie-nationale-TND%202023-2027.pdf
- https://centre-imind.fr/enjeux-du-diagnostic-tsa-a-lage-adulte/
- https://www.sante.fr/la-sante-mentale-avec-un-trouble-du-neurodeveloppement
[1] Les troubles neurodéveloppementaux décrits par les DSM-5 et CIM-11 regroupent le TSA (Trouble du Spectre de l’Autisme) ; le TDI (Trouble du Développement Intellectuel) ; le TDA/h (Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) et les troubles Dys (dysphasie, dyscalculie, dyslexie, dysgraphie et dyspraxie).
[2] Trouble du NeuroDéveloppement
[3] Maison Départementales des Personnes Handicapées
[4] Groupe d’Entraide Mutuelle
[5] Allocation aux Adultes Handicapés
[6] Centre Ressources Autisme
[7] Gaëlle Foucard a d’abord exercé dans des services de pédopsychiatrie, puis dans un CRA de 2009 à 2015. Elle y a acquis les compétences nécessaires pour les évaluations des TSA (ADOS 4, système des anamnèses pour adultes). Et a ensuite continué à se former sur les divers TND. En parallèle de son emploi principal, elle pratique en libéral dès 2014 en proposant des évaluations pour les adultes. Ainsi que des séances en groupe d’entraînement aux habiletés sociales. Un accompagnement encore trop peu connu en France il y a 10 ans, mais qui fonctionnait déjà très bien dans les pays anglo-saxons.
Article rédigé par Élisabeth WEBER, passionnée par l’écriture et la langue française, auteure de Be positive, un guide à destination des adolescents et jeunes adultes. Éditions Merci Les Livres.
Libraire reconvertie dans la rédaction pour le Web, j’exerce aussi en tant que lectrice-correctrice indépendante. J’ai une appétence particulière pour les sujets tels que l’art et la culture, les droits des femmes et des minorités, l’environnement et la protection animale. Sensible à tout ce qui touche aux handicaps, visibles ou non, je m’intéresse aux enjeux sociétaux qu’ils impliquent et aux solutions efficaces à mettre en œuvre pour une société inclusive. Suivez Élisabeth sur son profil LinkedIn.


