Publié le 27 aout 2019, mis à jour le 15 octobre 2019

Entre l’âge de 18 mois et de 6 ans, l’enfant peut vivre des périodes de craintes et de refus alimentaires nommées « néophobie alimentaire » : l’enfant refuse la nourriture qu’il ne connaît pas et pose des restrictions alimentaires. S’apparentant souvent à ce que certains appellent des « caprices » d’enfant, la néophobie alimentaire est une étape du développement qui apparaît lors de la diversification alimentaire. Explications.

La néophobie alimentaire, qu’est-ce que c’est ?

Le terme « néophobie alimentaire » vient du grec neos, nouveau et phobein, craindre. Cette phobie se caractérise par un refus de goûter certains aliments ou groupes d’aliments. Ce refus est provoqué par une forme de peur face aux nouveaux aliments et aux nouvelles saveurs. Alors non, votre enfant n’est pas « difficile » et il ne fait pas de caprices. Il a juste peur de l’aliment au point de déclarer qu’il ne l’aime pas avant même de l’avoir goûté. Même si cela peut paraître particulièrement inquiétant lorsque les premiers signes de néophobie alimentaire apparaissent, celle-ci n’est pas alarmante ou menaçante : c’est une phase parfaitement normale du développement de l’enfant. La néophobie alimentaire touche en effet 77 % des enfants âgés de 2 à 6 ans. Elle apparaît pendant la transition du lait maternel aux aliments solides.

La néophobie alimentaire coïncide avec la phase du « non » chez l’enfant. Elle coïncide aussi avec tous les apprentissages que l’enfant est en train de faire. Sa vie en est bouleversée et il a besoin d’avoir des repères, d’être rassuré. Le fait de découvrir de nouveaux aliments prolonge ce bouleversement et entraîne donc la néophobie alimentaire.

Comment reconnaître la néophobie alimentaire ?

Si votre enfant connaît une phase de néophobie alimentaire, son comportement vous le dira. Voici les attitudes les plus répandues chez ces enfants :

  • Il examine longuement les aliments
  • Il trie attentivement les aliments
  • Il détourne la tête, grimace ou repousse l’assiette
  • Il sent les aliments avant de les mettre en bouche
  • Une fois qu’il a les aliments en bouche, il mâche très longuement
  • Il recrache les aliments ou les vomit
  • Il refuse catégoriquement l’aliment et refuse même d’ouvrir la bouche

Il existe trois niveaux de néophobie alimentaire :

  1. 39 % des enfants demandent à goûter le plat avant de le consommer.
  2. 32 % des enfants ont besoin d’être fortement stimulés pour essayer de nouvelles saveurs.
  3. Jusqu’à 6 % des enfants refusent tout aliment nouveau.

Quelles conséquences ?

Si la néophobie persiste, elle peut engendrer des conséquences physiques dûes à un apport alimentaire insuffisant, une carence nutritionnelle, un retard staturo-pondéral ou même un surpoids, compromettant ainsi la croissance et le développement.
Au-delà des conséquences physiques, il peut aussi y avoir des conséquences morales. Comme nous l’avons dit, votre enfant n’est pas difficile, ni capricieux : il a juste besoin durant cette période de néophobie d’être accompagné et rassuré. Cela induit donc que le chantage n’est pas la solution et surtout, que cela aurait forcément des conséquences néfastes sur votre enfant. Dans certains cas, la néophobie alimentaire peut persister jusqu’à l’âge adulte et elle peut entraîner des carences, mais aussi une exclusion sociale.
Mais pas de panique ! Ces cas sont exceptionnels et la néophobie de votre enfant va très probablement s’estomper quand il grandira.

Quelles solutions ?

Les nutritionnistes du site « Nos petits mangeurs », centre de référence de l’alimentation lors de la petite enfance, donnent dans l’article « La néophobie alimentaire »1 quelques solutions pour accompagner au mieux votre enfant dans cette phase de rejet des aliments inconnus. Nous vous la présentons ici.
Avant d’appliquer des solutions pour contrer cette néophobie, il est important d’essayer de comprendre que l’enfant n’est pas difficile et qu’il ne rejette pas ces aliments pour vous embêter.

La familiarisation

Il ne faut pas vous résigner à son premier refus. Même si votre enfant montre quelques réticences, n’hésitez pas à lui proposer de nouveau l’aliment en question quelques temps plus tard, et ce plusieurs fois pour qu’il se familiarise avec celui-ci. Soyez patients : le processus demander de 15 à 20 expositions !

Le mimétisme

Votre enfant vous regarde manger et par mimétisme, il vous imite. Montrez-lui de façon expressive combien les aliments que vous goûtez sont délicieux ! En exagérant, vous allez éveiller sa curiosité et augmenter son envie d’en manger à son tour.

Mettre l’enfant au cœur des activités culinaires

N’hésitez pas à faire des ateliers cuisine « plaisir » avec votre enfant pour qu’il soit, par l’amusement, confronté à de nombreux aliments, à leur odeur, leur matière, leur couleur, etc. Pourquoi ne pas imaginer avec lui des ateliers de dégustation ? Vous trouverez sur le site d’Hop’Toys des livres de cuisine adaptés aux grands comme aux tout petits.

Je cuisine avec des images : 19 recettes faciles à comprendre et à exécuter grâce aux explications en pictogrammes. En suivant chaque étape en images, les jeunes lecteurs pourront réaliser de bons petits plats et les plus petits pourront également mettre la main à la pâte. Bonne cuisine !

La cuisine pour tous : ce livre de cuisine est entièrement illustré et facile à lire et à comprendre. Le seul outil de mesure dont l’enfant aura besoin, c’est un pot de yaourt. Le livre est adapté à tous, que l’enfant soit porteur d’un handicap ou tout simplement, s’il n’a pas encore appris à lire. Ce livre propose des recettes goûteuses facilement réalisables grâce à ses explications simples à comprendre et grâce à ses illustrations.

La néophobie alimentaire par Marie Ruffier, ergothérapeute et spécialiste des troubles sensoriels et de l’alimentation

Marie Ruffier, ergothérapeute, est revenue pour nous sur le sujet de la néophobie alimentaire. Elle est spécialisée depuis plus de 15 ans dans les troubles sensoriels et dans les troubles de l’alimentation en pédiatrie chez les bébés et les jeunes enfants. Elle est auteure d’un blog et tient une page sur Instagram concernant l’ergothérapie.

La néophobie alimentaire n’est pas alarmante en elle-même, et est très répandue. Y-a-t-il néanmoins des cas à risques? Quand faut-il consulter?

La néophobie alimentaire est une période normale dans le développement de l’enfant. Elle est située entre 2 et 11 ans dans la littérature et elle peut toucher jusqu’à 75% des enfants. Elle peut également durer plusieurs années.

Les cas à risques sont les enfants sensibles ou ceux qui présentent un trouble de l’alimentation (Trouble de l’oralité alimentaire). En effet, les outils sensori-moteur de ces enfants sont moins performants pour aborder le stade de néophobie et surtout il n’ont pas eu de découverte alimentaire avant l’âge de deux ans avec un panel alimentaire varié.

Je pense qu’il est important de consulter dès qu’on en ressent le besoin. En effet, il est important que le repas ne vire pas au rapport de force et ne devienne pas un moment redouté par les parents mais aussi vécu comme un traumatisme par l’enfant. Un thérapeute formé aux troubles de l’alimentation pourra accompagner la famille de façon ponctuelle pour passer cette étape en souplesse.  Mais ATTENTION ! dans la majeure partie des situations, cette période ne nécessite pas un accompagnement thérapeutique.

Vers quel spécialiste se tourner quand la néophobie alimentaire ne passe pas ?

J’aime parler de thérapeute en alimentation, comme aux États-Unis par exemple, pour accompagner les enfants qui ont des troubles de l’alimentation. En France, culturellement, on va se tourner vers un orthophoniste. Au Canada, ce sont les ergothérapeutes qui suivent les enfants qui ont des difficultés lors de l’activité quotidienne du repas. Au-delà de la question « quel est le thérapeute qu’il faut » en termes de profession, je dirais plutôt qu’il est important de trouver un thérapeute formé (ergothérapeute, orthophoniste, psychologue, psychomotricien…).

Quelles sont les conséquences d’une néophobie alimentaire qui n’a pas été gérée ou « soignée » ?

La néophobie n’a pas à être soignée car en soi, elle n’est qu’une étape, elle n’est pas pathologique. C’est souvent chez les enfants sensibles et ayant des troubles de l‘alimentation (troubles de l’oralité alimentaire) que les conséquences peuvent être plus importantes avec une restriction du panel alimentaire, développement d’une rigidité importante (alimentaire ou dans le « packaging »). Du coup, un casse-tête quotidien encore plus important pour les parents afin de faire manger leur enfant.

Quelles sont les solutions possibles pour calmer les crises de néophobie alimentaire ?

Je vous livre quelques petites astuces pour passer cette sacro-sainte période avec le moins d’encombres. En plus, vous trouverez sur mon compte Instagram Ergomums une vidéo où je vous explique TOUT sur la néophobie alimentaire.

  • Un aliment copain à chaque repas pour entretenir le plaisir alimentaire
  • Présenter l’aliment plusieurs fois. On estime qu’il faut entre 10 et 20 expositions pour connaître et reconnaître un aliment.
  • Attention au visuel : on va privilégier les repères constants et stables. Une fois que l’enfant s’est approprié l’aliment au niveau gustatif on peut diversifier un peu le visuel (pomme – tarte aux pommes – pomme au four…)

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux parents désespérés ?

  • « Keep cool », on reste zen et on rend le contexte agréable. En effet, on sait maintenant que les acquisitions se font plus facilement et se transfèrent mieux dans un contexte agréable et de plaisir.
  • On délaisse les punitions, on ne laisse pas l’enfant 1 heure devant son assiette, on ne l’exclut pas du repas. Des études ont montré l’inefficacité de ces stratégies éducatives.
  • Soyez exemplaire : les enfants apprennent en miroir « je le mange donc tu peux le manger en toute sécurité ».
  • Attention à votre vocabulaire : on ne dit pas « on n’aime pas un aliment » mais on peut dire qu’on ne le connait pas. Au lieu de donner un avis sur un aliment, on peut s’amuser à le décrire en terme visuel, de goût, de texture…
  • On propose des renforçateurs à chaque exploration alimentaire : on félicite, on gagne des jetons, on gagne des choses qui entrainent du plaisir.
  • Proposer des activités culinaires en famille : faites participer les enfants au choix des légumes quand vous faites les courses (un aliment qui fait envie avec les yeux), recherchez ensemble des recettes, préparez-les avec eux en accompagnant leur autonomie. La prévisibilité des menus de la semaine peut également être un élément apaisant pour l’enfant qui se trouve dans cette période.

Alors, rassuré ? Même si votre enfant fait partie des 77% de néophobiques alimentaires, pas d’inquiétude ! Cette phase s’estompera d’elle-même avec le temps. La seule solution est par ailleurs d’accompagner au mieux votre enfant pour la dépasser. Toutefois, si vous ne constatez aucune amélioration, si votre inquiétude persiste, n’hésitez pas à vous rendre chez votre médecin ou votre pédiatre. 

Sources :
1. Les nutritionnistes de nos petits mangeurs, La néophobie alimentaire, 18 avril 2013
Wikipédia, la néophobie alimentaire 

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