Lorsque l’on pense à l’autisme, c’est souvent l’image d’un jeune garçon qui vient à l’esprit, pas celle d’une petite fille. Les femmes autistes sont-elles inexistantes, moins nombreuses… ou simplement moins visibles ? Depuis, les témoignages de femmes sous-diagnostiquées ou victimes de stéréotypes ont fait de la question de l’autisme au féminin un sujet d’étude, de recherche et de réflexion clinique. On a découvert que ces femmes présentent souvent un profil différent, aux symptômes plus discrets, une expression plus adaptée socialement, et des stratégies de camouflage qui rendent leur détection plus difficile.
Cet article a pour objectif, à travers des exemples concrets et des témoignages, de fournir une meilleure compréhension des caractéristiques et spécificités du TSA chez les femmes.
Ce que disent les études actuelles sur les manifestations de l’autisme chez les femmes
Historiquement, l’autisme a été détecté et étudié à partir de cas masculin. Jusqu’à récemment, les médecins et psychologues pensaient que l’autisme ne touchait quasiment que les garçons. Heureusement, le sexe-ratio observé dans les études a progressivement évolué pour inclure les femmes : selon une publication de 2017, on compterait entre 3,25 et 4,2 hommes autistes pour 1 femme.
Comme le rappelle la chercheuse Adeline Lacroix qui a publié un ouvrage de référence sur l’autisme au féminin en 2023 : “les symptômes fondamentaux [entre les hommes et les femmes] sont les mêmes”: difficultés dans la communication sociale, intérêts restreints ou spécifiques, comportements répétitifs, et troubles sensoriels. Cependant, plusieurs études montrent que les femmes TSA présentent des compétences socio-communicationnelles plus développées, ce qui rend leur comportement moins perceptible.
Enfin, des différences au niveau des troubles associés ont été décrites : les femmes autistes sont plus souvent concernées par le TDAH, l’anxiété, les troubles de l’humeur (notamment la dépression) ou les troubles alimentaires tels que l’anorexie. Ces troubles et leurs symptômes peuvent brouiller les pistes et retarder le diagnostic et la prise en charge du TSA.

Un diagnostic de TSA plus tardif pour les femmes
Chez les femmes autistes, le diagnostic arrive souvent tardivement, parfois à l’âge adulte. Pourquoi ? Parce que les critères cliniques, les outils de dépistage, et même les représentations sociales de l’autisme restent largement influencés par les biais de genre de la société. On attend d’une fille qu’elle soit discrète, empathique, polie. Alors, quand elle est silencieuse, en retrait, ou qu’elle manifeste un intérêt intense pour un sujet, on n’y voit pas forcément un signe d’autisme.
Le reportage “L’autisme au féminin” diffusé sur la RTS illustre bien cette invisibilité. Plusieurs femmes de tous âges y sont interviewées, dont Noémy Julmy, diagnostiquée à 33 ans. Passionnée par les biographies et les animaux, elle a grandi dans un certain isolement social. Ses problèmes sensoriels, sa timidité, ou ses routines étaient interprétés comme des TOCs ou des signes de timidité.
Ce type de parcours n’est pas rare. Sur notre blog, Laly Dugelay et Virginie Gallien racontent elles aussi un diagnostic tardif, à 43 ans et au-delà. Laly écrit :
Lorsque le diagnostic d’autisme est tombé alors que j’avais 43 ans, j’ai été envahie par une vague de soulagement. (…) Le diagnostic permettait de donner un sens à tout ce que j’avais vécu et m’offrait la perspective d’un nouveau départ.
Citons également Mireille, 73 ans au moment du diagnostic, qui peut enfin comprendre ses besoins et adapter son quotidien.
J’ai toujours su que j’étais différente. Toute ma vie, j’ai eu l’impression d’être un peu décalée, comme si je regardais le monde à travers une fenêtre légèrement embuée. Mais ce n’est qu’à 73 ans que j’ai enfin compris pourquoi.

Les femmes TSA et le camouflage social
Le camouflage social, aussi appelé masking, désigne une stratégie d’adaptation couramment utilisée par les personnes autistes. Il s’agit de masquer ses comportements autistiques pour se conformer aux attentes sociales : imiter les gestes des autres, copier des expressions faciales, forcer le contact visuel, ou encore cacher ses intérêts spécifiques et ses sensibilités sensorielles.
Lire : Stop au masking pour mieux vivre sa neurodiversité
Chez les femmes, cette stratégie est souvent mise en place dès l’enfance, parfois de manière inconsciente, pour éviter d’être rejetée ou harcelée. Cela donne l’illusion d’une adaptation sociale réussie, tout en masquant une réelle souffrance intérieure. De plus, le camouflage peut retarder le diagnostic du trouble du spectre de l’autisme, voire empêcher une prise en charge adaptée. Avec le temps, cette stratégie de compensation peut mener à un état d’épuisement, un burn out autistique.
Comme le rappelle le Professeur Marie Schaer, médecin au centre de consultation spécialisé en autisme à Genève, dans le reportage « L’autisme au féminin » diffusé sur la RTS :
On rencontre beaucoup d’adultes qui disent qu’elles n’auraient jamais pensé à un diagnostic de TSA, parce qu’elles avaient de bonnes capacités à compenser sur le plan social, à camoufler leurs difficultés.
Le témoignage de Valérie Jessica, diagnostiquée à 45 ans, illustre avec force ce camouflage construit dès l’école primaire :
J’ai décidé d’imiter une camarade de classe. Je calquais tous ses gestes. (…) Ensuite, j’ai imité un autre camarade, puis un autre encore. C’était épuisant, cela me demandait beaucoup d’attention et ne me permettait pas d’accéder à qui je suis réellement.

Le rôle de l’entourage et des professionnels : un soutien essentiel
Être bien entourée peut faire toute la différence. Famille, enseignants, professionnels de santé : chacun peut aider à mieux détecter les signes de l’autisme et à accompagner les personnes concernées avec bienveillance. Le témoignage de Marie en est l’exemple :
Mon contexte familial, non soutenant, a fait que je n’ai pu faire les études de bibliothécaire dont je rêvais depuis le lycée pourtant. À la place, ils [mes parents] m’ont fait subir une pression pour que je trouve rapidement du travail suite à mes premiers échecs dans les études (résultant de dépression, hospitalisation et tentative de suicide) : je me suis alors retrouvée caissière. J’ai commencé à entrevoir le bout du tunnel lorsque j’ai obtenu une RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé). De là, j’ai pu élaborer un projet professionnel cohérent.
Dans ce cheminement, la pair-aidance peut aussi jouer un rôle clé. Diagnostiquée autiste Asperger à 29 ans, Véronique Barathon utilise aujourd’hui son vécu pour accompagner d’autres personnes concernées. Formée à l’Université des Patients, elle conçoit des outils accessibles (fiches illustrées, vidéos, animations) pour sensibiliser, informer et valoriser les forces de l’autisme.
Une meilleure reconnaissance de l’autisme au féminin
Depuis quelques années, les lignes bougent. Grâce aux témoignages de femmes concernées, aux recherches qui se développent, mais aussi au travail de nombreuses associations et professionnels engagés, l’autisme au féminin gagne enfin en visibilité.
Consulter la brochure sur l’autisme au féminin du GRoupe d’Action Autisme au Féminin et d’Autisme Info Service à destination des professionnels de santé.
Des comptes Instagram, des livres, des podcasts, des conférences permettent aujourd’hui de mieux comprendre les spécificités de l’autisme chez les femmes.
Chez Hop’Toys, nous participons à cette dynamique en proposant des ressources concrètes pour accompagner les filles et les femmes autistes, mais aussi leurs proches et les professionnels. Vous trouverez sur notre site :
- des fiches pratiques pour mieux comprendre les signes de l’autisme au féminin,
- des outils visuels pour aider à la communication et à la gestion des émotions,
- des témoignages, pour valoriser les parcours et lutter contre l’isolement.
Retrouvez notre sélection de ressources à télécharger gratuitement sur hoptoys.fr
En conclusion
Mieux connaître l’autisme au féminin, c’est permettre à des milliers de femmes et de filles de poser enfin des mots sur leur vécu. C’est aussi offrir des repères à celles qui se sentent en décalage depuis l’enfance, sans jamais avoir trouvé de réponse. Que l’on soit parent, enseignant, soignant ou tout simplement concerné, prendre en compte les spécificités de l’autisme chez les femmes est une étape essentielle vers une meilleure détection et un meilleur accompagnement du TSA.