Le 27 octobre, c’est la Journée mondiale de l’ergothérapie. Pour Hop’Toys, c’est l’occasion de mettre en lumière cette profession – encore méconnue en France – et la passion qui habite les ergothérapeutes. L’occasion aussi de rappeler qu’en intervenant auprès d’un public extrêmement large pour lui permettre d’améliorer son autonomie dans ses occupations quotidiennes, qu’en adaptant son environnement, l’occupational therapist (comme on nomme ce praticien aux États-Unis) joue un rôle majeur dans l’inclusion des personnes sur le plan moteur, cognitif ou sensoriel. 

Nous avons demandé à Marie-Laëtitia de Pennart, Adeline Kuhn Tref, Flora Yahiaoui et Isabelle Babington de répondre à nos questions sur leur métier. Voici les réponses croisées de ces quatre professionnelles de l’ergothérapie, dont vous avez l’habitude de découvrir les conseils sur ce blog.

Pour mieux faire comprendre le métier d’ergothérapeute au plus grand nombre, téléchargez notre infographie, à afficher dans vos établissements !

>> À télécharger : « La profession d’ergothérapeute en une infographie »

Pour vous l’ergothérapie, c’est…

« Un métier extraordinaire qui permet d’aider les patients à dépasser leurs difficultés et à déployer le maximum de leur potentiel » pour Marie-Laëtitia de Pennart, « passion dévorante depuis l’âge de 12 ans » chez Adeline Kuhn. L’ergothérapie pour Flora Yahiaoui consiste à :

  • « aider les personnes dans toutes les occupations de leur quotidien. Par exemple pour le repas, l’habillage, la toilette, les loisirs, les déplacements, les apprentissages scolaires, les interactions sociales, la gestion des émotions et du comportement, les gestes professionnels…
  • Accompagner la personne à devenir le plus autonome possible. On utilise en séance le jeu et des activités qui ont du sens pour elle.
  • Proposer une intervention basée au plus près des besoins de la personne en s’appuyant sur une vision globale de son développement, afin de déterminer ses capacités et ses déficits dans toutes ses performances quotidiennes.
  • Mettre en place des moyens de compensation, tels que des installations spécifiques, des outils adaptés, un réaménagement des lieux de vie… »

Ergothérapie : motricité globale

L’avis d’Isabelle Babington

« Beaucoup de non-ergothérapeutes pensent que les ergothérapeutes font essentiellement de l’adaptation et de l’aménagement de l’environnement, mais avant d’adapter ou de proposer des compensations, l’ergothérapeute a pour objectif que l’individu/l’enfant fasse des progrès, améliore ses compétences, apprenne« .
Les ergothérapeutes accompagnent la personne afin qu’elle puisse fonctionner dans toutes les activités/occupations de sa vie quotidienne (à la maison, au travail, à l’école, dans la vie sociale, etc.). L’ergothérapeute en pédiatrie accompagne l’enfant à former des réponses adaptées aux diverses situations de son quotidien.
Et ajoute d’ailleurs : « Ces principes, que nous avons toujours eus dans notre démarche, sont confirmés par les recherches en neurosciences, qui démontrent l’énorme potentiel de neuroplasticité cérébrale. »

Ergothérapie : balle sensorielle

Les ergothérapeutes interviennent aussi bien auprès de jeunes enfants, de bébés, que de personnes en situation de handicap ou âgées. Quel est le lien entre toutes ces pratiques ?

Le lien, c’est l’objectif : l’autonomie !

Flora Yahiaoui :

C’est le même métier si on garde comme objectif principal l’amélioration de l’autonomie dans les performances du quotidien. La différence va être dans les activités proposées lors des séances. Par exemple, pour les plus petits, les jouets sensoriels seront privilégiés, alors que les jeux de société seront plus appréciés des plus grands.

Marie-Laëtitia de Pennart :

L’autonomie ! Une personne âgée dépendante ou une personne paraplégique subissent une perte d’autonomie évidente. Même si c’est moins flagrant au premier abord, un enfant qui n’arrive pas à se concentrer, à gérer ses émotions au sein d’un groupe ou à écrire sans douleur présente aussi une perte d’autonomie. Mais si nous poursuivons le même objectif, nous avons parfois des pratiques très différentes et c’est en raison de cette diversité qu’il est parfois difficile pour le grand public de bien comprendre notre métier !

Adeline Kuhn Tref  :

Oui c’est le même métier, on vise toujours l’autonomie, quelle que soit la population rencontrée. Évidemment, on se spécialise en fonction du milieu dans lequel on évolue et de nos formations continues. 

Infographie sur le métier d'ergothérapeute

Y- a-t-il une différence entre le métier tel qu’il existe aux États-Unis (occupational therapist) et sa conception en France ?

Flora, comme ses consœurs, explique que « la grande différence est qu’en France, les études sont moins longues et moins reconnues ». Cette question de la connaissance et de le reconnaissance de la pratique de l’ergothérapie par le grand public est soulignée par toutes.

Pour Isabelle Babington, ergothérapeute et formatrice en IS ayant également longtemps pratiqué aux États-Unis, il s’agit pourtant bien du « même métier avec ce même objectif commun : acquérir ou retrouver l’autonomie dans et à travers ses activités/occupations. Ce qui peut différer cependant, précise-t-elle, ce sont les lieux et formes de pratique. Par exemple, il y a des postes d’ergothérapeutes/occupational therapist dans les écoles, ce qui n’existe pas encore en France ».

Travail de la motricité fine

Vous intervenez surtout avec…

Adeline, Fora, Marie-Laëtitia comme Isabelle Babington, interviennent principalement auprès d’enfants.
Comme l’explique Adeline, « l’ergothérapeute va intervenir face à t
oute difficulté développementale perturbant les performances occupationnelles de l’enfant. Autrement dit, lorsqu’une difficulté empêche l’enfant d’avoir une autonomie satisfaisante pour son âge et gêne son quotidien ».

Flora travaille essentiellement avec des tout-petits et des enfants avec troubles du spectre autistique ou retard de développement. « Beaucoup de mes petits patients ont des troubles sensoriels, des difficultés dans leurs interactions (troubles du comportement, absence de communication verbale, difficultés de gestion des émotions) et/ou une déficience intellectuelle associée.
Je me suis de fait formée à plusieurs approches sensorielles (Snoezelen, intégration sensorielle, troubles de l’alimentation pédiatrique) et à des méthodes de communication alternatives (Makaton, PECS). J’interviens aussi auprès de l’entourage avec des ateliers de guidance parentale. »

« Je travaille principalement avec des enfants et des adolescents présentant des troubles des apprentissages, tout type de difficulté impactant leur fonctionnement, au plan moteur, cognitif, ou émotionnel« , explique également Marie-Laëtitia. Elle reçoit aussi des bébés à partir de 3 mois pour des ateliers de prévention, de stimulation sensorielle et d’accompagnement au développement sensorimoteur. « Enfin, j’ai commencé récemment à accompagner des adultes, souvent des parents d’enfants déjà suivis au cabinet… c’est très précieux de pouvoir accompagner les familles dans leur ensemble ! »

Un bébé observe un jouet en forme de pingouin

Cette implication des parents est d’ailleurs pour Isabelle Babington l’une des principales évolutions du métier “La participation de plus en plus active des parents : ils échangent sur les réseaux sociaux, ils cherchent des réponses à leurs questions, beaucoup souhaitent être impliqués dans l’accompagnement thérapeutique, et c’est vraiment une belle évolution. »

>> Découvrir la charte du parent extraordinaire

Pouvez-vous nous décrire une séance d’ergothérapie type ?

Rendre l’enfant disponible

Marie-Laëtitia de Pennart explique : « Quand je prépare ma séance, j’ai toujours un plan en tête avec différentes étapes clés. Mais si un enfant arrive stressé, fatigué ou très envahi au plan sensoriel, je vais d’abord m’atteler à le rendre “disponible” pour les différents défis que je vais lui proposer. La pratique en intégration sensorielle est un très bon outil pour cela ! Je peux utiliser le hamac cocon, des massages profonds, des parcours avec de fortes stimulations proprioceptives… C’est intéressant de voir l’impact immédiat du travail proprioceptif au niveau émotionnel. »

Flora détaille aussi ces deux premières étapes à l’arrivée de l’enfant

  • L’enfant entre dans le bureau, on se dit bonjour (geste, mot, câlin…), puis il va accrocher son « totem émotion » dans la case correspondante (joie, colère, tristesse). S’il est verbal, je vais lui demander de raconter ce qu’il ressent, ce qu’il s’est passé pour qu’il choisisse cette case.
  • Il va ensuite s’installer dans le coin Snoezelen et y rester 10 minutes, décomptées avec un sablier coloré. Ce temps permet d’établir une relation thérapeutique en douceur et de stimuler progressivement ses sensations tactiles, visuelles, auditives, proprioceptives, vestibulaires, gustatives et olfactives. S’il est agité ou ressent une émotion négative (tristesse, colère), c’est  aussi un moment d’apaisement.

Une petite fille enlace une colonne à bulles dans une salle sensorielle

Travailler plusieurs objectifs

« Ensuite, poursuit Flora, il va choisir entre 2 activités, stimulant au moins 2 modalités sensorielles, que j’aurais préalablement déterminées et en lien avec mes objectifs thérapeutiques. L’enfant va gérer l’activité de la façon la plus autonome possible, en étant en interaction avec son environnement (exploration du matériel, regard vers moi…). Ce temps est variable car l’enfant va gérer son ou ses activités à son rythme, en s’aidant de ses acquis et de ses expériences ».

Pour Marie-Laëtitia de Pennart, « ce qui est sûr, c’est qu’au cabinet, au moins 80% de la séance se passe en mouvement ! Et on travaille toujours plusieurs objectifs à la fois. Par exemple, si je propose un jeu de motricité fine, ce sera toujours associé à une posture ou un mouvement qui me permettra de travailler également le tonus et le contrôle postural, la coordination entre les différents systèmes sensoriels, la maturation sensorielle et l’intégration des réflexes primitifs et posturaux. Mon outil préféré est le hamac avion. L’enfant s’y allonge sur le ventre sur toute la largeur et utilise la force de ses bras pour se balancer d’avant en arrière ou en rotation. On peut l’utiliser pour réaliser n’importe quel jeu ou presque ! Même du graphisme… » 

Une séance d'ergothérapie à Ergosévrier

L’implication des parents

Adeline Kuhn Tref démarre souvent par un point avec la famille sur la semaine écoulée. Souvent le parent est invité dès le début de la séance ou quelques minutes après à venir participer à la séance. Et après le travail sur table, on finit par les explications des exercices à faire quotidiennement pour transférer les acquis. 

Marie-Laëtitia dédie presque toujours 5-10 minutes à la fin de la séance pour montrer aux parents le « jeu de la semaine« , un petit défi ou mouvement ludique à faire en famille à la maison.

Pour clore la séance avec Flora, « l’enfant va aider à ranger le matériel puis se reposer quelques minutes dans l’espace Snoezelen. On discute alors de la séance : difficultés rencontrées, réussites, émotions ressenties… »

Un parcours moteur en ergothérapie

Pour vous l’avenir de l’ergothérapie passe par…

Pour Flora, l’avenir de l’ergothérapie passe par :

  • les formations basées sur des certifications bien spécifiques à notre métier et validées par des données probantes.
  • L’intervention auprès des tout-petits car l’ergothérapeute à toute sa place auprès de cette population, l’autonomie se développant dès les 1ers mois de vie.
  • La guidance de l’entourage, comme la guidance parentale.

Selon Marie-Laëtitia de Pennart, le métier doit emprunter une « dynamique tournée vers l’innovation. Si chacun et chacune d’entre nous continue de se former et de se mettre régulièrement à jour des dernières découvertes scientifiques, notre métier continuera d’évoluer et de s’enrichir ». 

Ce sont là les aspects d »évolution du métier soulignés également par Isabelle Babington :
« Ce qui bouge aussi, c’est que les ergothérapeutes tendent plus à se spécialiser (par exemple en pédiatrie) en faisant des formations complémentaires. Cela aussi est une tendance qui a commencé bien plus tôt aux États-Unis ». Et Isabelle d’ajouter qu’en ce qui concerne l’évolution du métier : « Il faut aussi noter que le libéral, qui était quasi inexistant il y a 30 ans en France mais fonctionnait déjà bien aux États-Unis à l’époque, s’est considérablement développé ces dernières années. »

C’est d’ailleurs par cet exercice en libéral que passe, d’après Adeline, l’avenir de l’ergothérapie… mais elle reconnaît n’être pas être objective sur cette question 😉

Enfant sur tapis sensoriel Senso

>> Lire aussi : Ergothérapie et petite enfance par Adeline Kuhn Tref

En quoi l’ergothérapeute a-t-il un rôle majeur à jouer dans une dynamique d’inclusion des personnes en situation de handicap ?

Adeline Kuhn souligne qu’en tant que spécialistes du quotidien, les ergothérapeutes agissent sur la personne, sur l’activité et sur l’environnement et sont donc au carrefour de l’inclusion.

En effet, pour Flora Yahiaoui, c’est cet accompagnement dans les lieux de vie de la personne qui va permettre à l’ergothérapeute un accompagnement inclusif dans la société. L’ergothérapeute intervenant dans les occupations du quotidien, il peut être amené à accompagner un enfant dans une classe ordinaire ou un adulte dans un supermarché pour faire ses courses.

Marie-Laëtitia de Pennart invoque, elle, l’importance de participer à une meilleure connaissance du handicap :

« Plus on parlera du handicap, moins on aura peur du handicap ! Et plus les personnes handicapées se sentiront comprises, acceptées, intégrées… Il y aurait bien sûr d’autres points à évoquer, mais, en participant à une meilleure connaissance du handicap, nous remplissons déjà un rôle fondamental. »

>> Téléchargez nos affiches pour une société plus inclusive

Notre rubrique consacrée au métier d’ergothérapeute

Article publié le 26 octobre 2020. Mis à jour le 26 octobre 2021.


Les ergothérapeutes rédactrices de cet articleReconvertie à l’ergothérapie après cinq années de journalisme de terrain, Marie-Laëtitia de Pennart a obtenu son diplôme en 2013 à l’IFE de Créteil. Elle a découvert le potentiel immense de l’approche de l’intégration sensorielle à la fin de son cursus. Après quoi, convaincue par cette approche, elle a décidé de se former pour monter un cabinet spécialisé en INS et en réflexes primordiaux et posturaux. C’est ainsi que le cabinet Ergosevrier a vu le jour. Il est situé non loin d’Annecy et a récemment changé de nom pour refléter son évolution : Cabinet Tremplin. 

Adeline Kuhn Tref est ergothérapeute libérale en Moselle (57), diplômée d’État de l’Institut de Formation en Ergothérapie de Nancy en 2008. En 2009, elle crée son cabinet : le cabinet AK Ergothérapie.

Flora Yahiaoui est ergothérapeute libérale à la maison médicale du Miroir d’Eau de Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne). Elle est spécialisée dans l’accompagnement des enfants avec des troubles du spectre autistiques. Elle est formée à la méthode TEACCH, l’intégration sensorielle, au Snoezelen, aux troubles alimentaires, au PECS et Makaton et au guidage parental auprès des tout-petits (repérage des signes précoces de TSA, troubles sensoriels et retard de développement).

Isabelle Babington est ergothérapeute, elle a exercé en France et aux États-Unis, où elle s’est formée à l’intégration neurosensorielle (INS). Elle a été la première à enseigner cette approche en France. Cofondatrice de la MEEX (Maison des enfants extraordinaires) où elle consulte, coordonne des programmes et forme des professionnels, elle est aussi l’auteure de l’ouvrage L’enfant extraordinaire.

2 Commentaires

  • nanou dit :

    Bonjour,
    La description que vous faites des ergothérapeutes décrivent principalement des champs décrits dans le décret de compétences des psychomotriciens et non des ergothérapeutes.
    cordialement

  • pol dit :

    Salut,
    Je rejoins Nanou, en effet, les médiations psychomotrices, sensorimotrices font davantage appel au métier des psychomotriciens que des ergothérapeutes, attention au glissement de poste !

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