Le handicap ou les troubles du comportement sont parfois difficiles à expliquer aux autres, mais aussi à soi-même, car il peut être difficile à assumer. Si l’on parle tôt ou tard de maladie, de syndrome, de pathologie, le terme «handicap » entre souvent bien plus tard dans le vocabulaire de la famille. Un terme qui dérange fortement certains parents, parce qu’il dépasse la sphère médicale et annonce la discrimination sociale dont leur enfant pourrait souffrir dans l’avenir.

Il peut être assez longtemps difficile, émotionnellement, de parler de la déficience, du handicap. Et les parents semblent être assez d’accord avec l’idée largement répandue selon laquelle on n’accepte jamais le handicap de l’enfant, mais on peut petit à petit arriver à le reconnaître, à dépasser le stade du déni, de la révolte et de la souffrance aiguë. Le choix, par la suite, d’inscrire l’enfant dans le réseau ordinaire (crèche, école, loisirs) va souvent confronter les parents à la nécessité de pouvoir s’exprimer sereinement sur ce sujet, notamment pour rassurer les instituteurs mais aussi et surtout pour aider leur enfant et son entourage à répondre aux inévitables questions qui leur seront posées.

FAUT-IL PARLER DU HANDICAP A LA FRATRIE ?

C’est au moment où il acquiert, physiquement ou intellectuellement, un avantage sur son aîné qu’un enfant entrevoit la réalité du handicap. Il entre alors dans une étape délicate car l’identification est au premier plan des relations qui se nouent dans la fratrie. Et comme l’explique Régine Scelles, psychologue clinicienne, dans son ouvrage sur le sujet « Ressources », le miroir de l’autre peut être une source d’angoisse:

« De nombreux frères et sœurs se demandent en quoi leur pair déficient est « comme eux » et en quoi il est « différent d’eux ». Pas de panique si le cadet se met parfois à « singer » l’aîné, en mimant les gestes saccadés d’un infirme moteur cérébral, en reprenant les particularités de langage d’un trisomique ou en répétant les tics d’une grande sœur autiste. « Il veut sentir dans son corps ce que ressent son frère, pour mieux comprendre qui il est, pouvoir enfin se différencier complètement de lui et acquérir la certitude qu’il n’est pas, qu’il ne sera jamais comme lui ».

Les frères et sœurs peuvent en effet exprimer leur attente d’explications par certains signes d’appel, ainsi que par d’autres comportements : conduites à risque, recherche de punition, sur-adaptation, plaintes somatiques, tics, bégaiements, …

Le sentiment de culpabilité

Les frères et sœurs de personnes handicapées ont souvent du mal à assumer leurs sentiments contradictoires. L’enfant peut parfois se sentir coupable de ne pas toujours avoir envie de défendre sa sœur ou son frère handicapé contre les méchantes remarques. Il parle aussi de l’obsession qu’il avait de devoir être gentil avec elle (ou lui). Comment venir en aide à un enfant qui souffre d’avoir eu plus de chance que ses frères au loto de la génétique ? Principalement en favorisant son désir ou son besoin d’expression. C’est pourquoi la plupart des associations proposent désormais des groupes de paroles destinés à la fratrie.

Le sentiment de jalousie

Le « chanceux» se sent coupable d’être sain, ou d’éprouver de la jalousie, même s’il sait que la situation de son ou ses frères et sœurs est peu enviable. L’enfant qui n’est pas porteur d’un handicap peut aussi souffrir de se sentir moins intéressant, objet de moins d’attentions de la part de ses parents. La solution est de laisser vivre la relation fraternelle, en offrant à chaque enfant la possibilité d’exprimer la palette de ses sentiments : de l’affection à l’agressivité.

Comment l’aider dans cette étape?

  • Vous pouvez l’aider en désamorçant son inquiétude sur son avenir et sa normalité. L’enfant d’âge préscolaire envisage souvent le handicap comme une punition, et il se demande avec terreur s’il est assez sage pour y échapper. Il faut lui assurer qu’il n’ira pas dans un centre pour personnes handicapées lorsqu’il sera grand, qu’il n’y a aucune raison pour qu’il se déplace en fauteuil ou perde la parole en prenant de l’âge.
  • Ne pas exclure l’enfant valide de la prise en charge du handicap en cherchant à le protéger à tout prix. La réalité est toujours moins effrayante que l’imagination. Il vaut mieux, au contraire, lui proposer d’être présent ou de participer à sa façon à la séance de kiné, ou encore l’amener visiter l’établissement où leurs frères et sœurs passent leur journée. Cela permet de « banaliser » la situation et donne l’occasion de discuter des réalités et des contraintes du handicap.

Témoignage de la maman de Jade atteinte du syndrome de Rett :

Jade est prise en charge dans un IME en semi internat. Depuis qu’il est né, son petit frère Martin est amené à fréquenter régulièrement l’établissement lorsque nous y amenons Jade. Je reverrai toujours Martin s’amuser comme un petit fou avec les énormes ballons de rééducation, d’escalader les plans inclinés et d’actionner gaiement les différents outils de stimulation sensorielle. Pour lui, l’espace dans lequel sa sœur polyhandicapée passe ses journées doit représenter un véritable paradis où les jouets sont omniprésents. Balles multicolores, sonores, piscine sensorielle…

Les enfants qu’il y croise sont évidemment un peu moins mobiles que ses camarades d’école, mais quand il quitte la pièce, il n’oubli jamais de leur adresser à tous un « Au revoir les copains !!! ». Des copains un peu exceptionnels mais à ses yeux, tous ces visages lui sont si familiers ! Ils font partie de son quotidien. C’est important qu’il voit à quoi ressemble l’école de sa sœur, une école peu particulière.

En effet nous lui avons toujours parlé de la situation et du handicap de sa sœur avec des mots simples, et compréhensibles pour lui. Nous lui avons toujours transmis par notre attitude et nos paroles les valeurs d’amour et de respect à son égard. Il nous paraît primordial d’expliquer à notre enfant pourquoi sa sœur rencontre telle ou telle difficulté que ce soit sur le plan de la communication ou de la motricité. Cela va lui permettre de mieux comprendre et d’accepter sa différence, ses limites et ses difficultés et ainsi d’adapter son comportement et ses gestes pour garantir une meilleure relation. Le fait de lui expliquer les choses clairement est aussi une preuve de notre considération. Inutile de vouloir cacher les choses, les enfants ressentent et comprennent eux-mêmes lorsque leurs parents sont tristes ou inquiets ou lorsqu’il y a un malaise.

Un jour, Martin me demande:
-Jade elle ne parle pas?
– Jade ne parle pas avec sa bouche, par contre elle parle avec ses yeux. Tu la comprend quand elle est contente ou pas contente n’est-ce pas?
-oui, elle le dit avec ses yeux, et moi quand je parle, je parle avec ma bouche.
(ça, pour parler, il parle… et même pour deux!!!)
-Dis maman, Jade elle voudrait regarder un petit dessin animé maintenant.
-Ah bon, c’est elle qui te l’a dit?
-Oui, elle me l’a dit avec ses yeux !!!

FAUT-IL PARLER DU HANDICAP A L’ECOLE ?

Notre société où se côtoient des individus de conditions, de cultures, d’origines très diversifiées, etc., est le théâtre de rapports humains parfois très difficiles. La peur de l’autre souvent fruit de la méconnaissance est génératrice de ces mauvaises relations.
L’école joue un rôle essentiel en accueillant tous les enfants, en les aidant à se construire une culture commune, en leur offrant des règles de vie en collectivité et des valeurs pour mieux vivre ensemble. Toutefois, nous constatons en début d’année scolaire qu’il est toujours difficile pour un nouvel élève ou pour un élève un peu différent de s’intégrer pleinement au groupe formé par les élèves déjà installés. Cette peur de l’autre qui à l’école parvient à se dépasser rapidement en raison de la spontanéité des enfants, de leur plaisir fédérateur à jouer, devient un peu plus difficile à gérer à l’échelle de la société des adultes.

Ne peut-on pas imaginer qu’en aidant les enfants à réfléchir sur l’autre (ce en quoi il nous est différent mais aussi ce en quoi il nous ressemble) dès les premières années de l’école élémentaire, on pourrait aider les individus à limiter la peur de l’autre ? Et, de fait, aider à réduire de nombreuses difficultés relationnelles elles-mêmes à l’origine des malaises qui divisent la société : racisme, mise à l’écart de certaines catégories de personnes, violence…

Témoignage de l’intervention d’une maman dans une école:

Maman de Sébastien, scolarisé en classe de CM1 et dont les copains de classe devenaient de plus en plus friands d’informations concernant cette petite fille, si jolie mais si peu communicative: sa sœur Claire, atteinte du Syndrome de Rett. Pourquoi à cinq ans ne marchait-elle pas? Ne parlait-elle pas? Sans aucun doute, il y avait un « truc »! A l’occasion d’une rencontre avec la maîtresse, celle-ci m’a généreusement proposé d’intervenir dans sa classe un samedi matin pour exposer aux enfants la maladie de Claire et répondre à leurs questions. Certaines questions fort bien amenées m’ont impressionnée car réfléchies. Certaines autres m’ont fait sourire et même rire. Comme je leur expliquais la prise en charge de Claire en balnéothérapie, équithérapie entre autres, un gamin s’est levé et m’a fait remarquer: « Claire a de la chance, elle fait plein de chose que moi je ne fais pas ». Sans en avoir l’air, je l’ai simplement amené à m’énumérer tout ce qu’il fait et qu’elle ne peut pas faire. Evidemment l’équation était déséquilibrée!! J’avoue avoir pris beaucoup de plaisir à faire découvrir aux enfants ma fille et son syndrome; je pense avoir réussi à leur inculquer que « la différence ne fait pas l’Homme, elle n’est pas l’essentiel, la générosité, elle, le construit et l’enrichit ». Source Rett Info Hivers 2005.

FAUT-IL PARLER DU HANDICAP A LA FAMILLE?

Le simple fait de verbaliser, d’exprimer le mot « handicap » peut nous aider à l’apprivoiser un peu et peut-être un jour à l’accepter. Il semble essentiel d’informer son entourage, sa fratrie, sa famille et ses amis sur le handicap de l’enfant. Nos informations leur permettent alors de mieux comprendre la situation et petit à petit de mieux accepter sa différence.

Témoignage du papa de Jade polyhandicapée:

« L’enfant handicapé fait part intégrante de la famille, au même titre que ses frères et sœurs, il est important pour qu’il soit intégré, compris, aimé de donner un maximum d’informations à nos proches. C’est l’occasion pour eux de suivre l’évolution, leurs progrès, mais aussi de partager nos joies, nos peines et notre vie au quotidien. C’est une vie un peu à part, nous vivons à un autre rythme, celui de l’enfant handicapé. Souvent l’entourage remarque même des progrès que nous n’avions pas forcement noté car ils voient Jade moins souvent, et c’est alors très encourageant pour tout le monde. « 

Témoignage de Michèle Marongui est la maman de Frédéric, 9 ans, qui présente un syndrome de Lesch-Nyhan.

« Mon entourage a été averti progressivement du syndrome de Frédéric, comme nous-mêmes. Le 24 décembre, au moment de passer à table, j’ai demandé à prendre la parole pour expliquer à tous que Frédéric avait une maladie neurologique, sans en connaître l’ampleur. J’ai gardé ensuite cette habitude de dire ouvertement ce que je découvrais sur le syndrome. Je crois que cela nous a fait du bien à tous, comme si nous transmettions notre peine à toute notre famille… Le handicap de Frédéric est lourd: il ne parle pas et ne marche pas. Parler me soulage, même pour aborder les aspects les plus difficiles à assumer. » Source : Déclic, le magazine de la famille et du handicap – Juin 2002

PARLER DU HANDICAP A L’AIDE DE LA LITTÉRATURE JEUNESSE ET DE JEUX

Il existe des livres et des jeux destinés à tous les enfants afin d’expliquer le handicap, mais aussi plus généralement, la différence. Il vont également aider les enfants à changer leur regard sur le handicap:

laisse-moi-t-expliquer-la-dyslexie[1]

 

laisse-moi-t-expliquer-la-dyspraxie[1]alex-est-handicape[1]

Les handispensables

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Les hinvisibles

Pour en savoir plus, découvrez notre sélection : pour parler de la différence.

2 Commentaires

  • CLAUDE dit :

    bonjour, dans le cadre d’une MESP pour le CRPE, j’aurais besoin de l’auteur de cet article SVP? Merci

  • Alexandra Valette dit :

    Bonjour Cindy,

    Cet article a été rédigé par Hop’Toys.

    Bonne journée et très bonne année 2021 !

    Alexandra Valette

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