Loïc Noël est professeur en Enseignement Secondaire Spécialisé, près de Liège en Belgique. Il est à l’initiative de plusieurs projets concernant la pédagogie différenciée. Dans ses classes, il met en places des méthodes inclusives pour chacun des enfants ayant des besoins particuliers, dont le Mind-Mapping. Cette technique de hiérarchisation des idées permet alors aux élèves une meilleure acquisition des informations et le plaisir d’apprendre, sans en avoir l’impression ! Une idée inspirante pour tous, que nous partage Loïc dans ces lignes…

Je suis professeur à l’IPES depuis 5 ans. Rapidement, je me suis aperçu que tous les élèves n’étaient pas égaux face à la mémorisation et les apprentissages. Une fois ce constat dressé, j’avais pour unique objectif de réagir adéquatement face à cette situation : je devais à la fois trouver une solution idéale pour aider les élèves dans le besoin sans pour autant négliger ceux pour qui les méthodes actuelles fonctionnaient. Ainsi, je souhaitais trouver une méthode capable de convenir à chacune des personnalités de la classe en permettant un apprentissage différencié sans toutefois creuser d’écart.

J’ai donc décidé d’introduire dans mes classes le Mind Mapping. Cette technique de hiérarchisation des idées, placées sur des branches, autour d’un centre thématique, a considérablement changé leur vie. Si les plus âgés étaient, aux premiers abords, réticents, l’ensemble des élèves des différentes formes de l’établissement est maintenant convaincu par l’utilité et la pertinence de cette façon d’organiser les informations. Les avantages sont nombreux mais ceux qui sont généralement avancés lorsque je pose la question concernent la diminution de la fatigue, la meilleure acquisition des informations sans / avec moins d’effort, la réduction des mots écrits (principalement les élèves atteints de troubles moteurs, difficultés de préhension, etc.), et enfin, le plaisir « d’apprendre sans en avoir l’impression ».

 

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Le Mind-Mapping, pour qui ?

Ainsi, il est tout à fait possible de palier de nombreux handicaps grâce à cette méthode. Avec les élèves, nous avons mis en place de nombreux moyens d’échanges afin de rendre la méthode davantage pertinente vis à vis de leur situation personnelle. Par conséquent, plusieurs adaptations furent créées : collages, découpages, gabarits, peintures, etc.

Vous l’aurez compris, le Mind Mapping est une technique adaptable aux niveaux des élèves (du CP jusqu’aux études supérieures) et exploitable dans l’ensemble des disciplines scolaires (mathématiques, français, gymnastique, langues, couture, etc.). De plus, elle permet également de travailler à propos des comportements, autorise la réflexion et développe les aspects artistiques et de synthèse. Bref, c’est un ensemble considérable de compétences que votre enfant ou élève développera sans même sans rendre compte (et en éprouvant du plaisir !).

Généralement, si je résume énormément les possibilités de la technique, deux types de Mind Maps sont couramment utilisées : une première faisant appel à l’imagination (la Mind Map se construit à partir du cheminement des idées autour d’un sujet), tandis que la seconde permet de structurer des informations venant d’une source extérieure (résumé de cours, synthèse de documents, un discours, une vidéo, une présentation d’informations issue de sources variées, etc.).

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Comment faire du Mind-Mapping ?

Beaucoup me demandent « comment faire du Mind Mapping ? ». En réalité, c’est assez simple. Il s’agit d’effectuer un premier travail vis à vis des informations à traiter (lecture, compréhension, tri, par exemple.) pour ensuite déterminer les informations de premières importances, celles qui sont complémentaires et celles qui ne sont qu’accessoires. Une fois cela réalisé, la disposition de mots-clefs choisis sur les branches permet de faire des liens indispensables tant pour l’encodage en mémoire que pour la restitution future. Les informations principales se placent sur les grosses branches, les autres types d’informations se placent sur les plus petites branches selon les liens désirés entre les informations. Si l’on réalise une Mind Map à partir d’idées (imagination, réflexion, etc.), il est tout à fait possible d’utiliser la technique pour trier et organiser les informations en mémoire, ou bien de passer par une étape intermédiaire consistant à écrire, de manière plus ou moins désordonnée les idées pour, ensuite, effectuer un premier tri avant de débuter la carte.

Parmi les nombreux avantages du Mind Mapping se retrouvent, sans hésiter, les nombreuses possibilités mnémotechniques : les réseaux de branches (grosse branches et branchioles associées) comportent une couleur identique. Des pictogrammes et/ou des dessins personnalisés peuvent être évidemment ajoutés, et ce ne sont que des exemples : tout est possible !

Pour les enseignants ou les parents qui souhaitent se lancer dans cette technique, je ne leur dirais qu’une chose : « osez vous lancer ! ». Si l’élève ou l’enfant n’est pas encore autonome, l’adulte endossera alors le rôle de facilitateur. Il aura donc pour mission de veiller à favoriser l’autonomie de l’utilisateur. C’est une condition sine qua non pour que le potentiel de la méthode soit libéré. Si beaucoup de personnes avancent l’idée que cette méthode est magique, détrompez-vous ! Elle n’est qu’un révélateur des compétences sous-estimées que chaque enfant extra-ordinaire possède en lui. C’est en eux que la véritable magie se trouve et non dans la croyance erronée en une méthode magico-utopique.

Je ne donnerais que deux exemples qui me semblent à la fois émouvants et éloquents :

1. La première carte mentale a été réalisée par une élève de forme 2 qui possède un TOC de répétition. Presque sans interruption, elle répétait la litanie suivante : « Mon papa, il vient quand ? Il vient à 4 heures ! ».

L’élève, ses condisciples et moi-même avions décidé de réaliser une carte mentale afin de tenter de diminuer cette répétition qui la fatiguait et empêchait les autres élèves de se concentrer. Ne sachant pas écrire, nous avions donc proposé à l’élève des pictogrammes afin de signifier chaque mot des deux phrases qu’elle prononçait sans cesse. Une fois ce choix effectué, elle a choisi un dessin de petite fille pour se représenter, c’était le centre de la Mind Map. Les branches furent dessinées à la peinture ; la couleur rouge signifiait « ne pas faire » et le vert signifiait l’inverse. Les branches, associées aux pictogrammes, étaient placées à des endroits précis du centre représenté par le dessin de la petite fille.

Exemple de verbalisation : je ne peux pas dire (la branche est placée sur la bouche) « Mon papa vient à 16h » mais je peux le penser (la branche verte démarre de la tête).

Ainsi, à chaque tentative de question ou lorsque l’élève initiait sa litanie, je lui donnais son référent représenté par la carte mentale. Progressivement, j’ai constaté une diminution d’environs 60% des répétitions ; un vrai soulagement pour l’élève et pour le bien-être dans la classe !

 

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2. Dans une classe de niveau analogue, j’étais constamment frappé par le manque de cohésion et de relations entre les élèves. Ne maitrisant pas l’écriture, seul le langage oral autorisait une communication : tous étaient logés à la même enseigne. Pourtant, les échanges étaient si rares qu’il était presque impossible d’effectuer des ateliers communs ou des travaux de groupes.

J’ai donc réalisé une séquence sur les 5 sens, en partant d’expériences concrètes (exercice initiaux) que l’on a, ensuite, synthétiser sous forme de Mind Maps grâce à des pictogrammes (poinçonné ou découpé, avec ou sans aide).

Suite à cela, ce que j’ai vu dans la classe a conforté l’idée selon laquelle je voulais absolument continuer de travailler dans l’enseignement spécialisé. Ils avaient adopté une forme de « langage commun » en utilisant, d’une façon insoupçonnée, la technique du Mind Mapping. Tout à coup, une élève expliqua qu’elle préférait toucher un oreiller plutôt qu’une pièce de monnaie car le premier était doux tandis que l’autre était froid tandis qu’un autre rétorqua que, pour lui, c’était l’inverse : il aimait ce qui était froid.

Le plus impressionnant fut sans doute lorsqu’une élève, en l’absence du visuel de sa Mind Map, se remémora son contenu en levant la main, mimant l’endroit précis où se situaient les informations, alors que ces mouvements psychomoteurs étaient pénibles à effectuer à cause de son handicap. Légère et éprouvant un plaisir non dissimulé, elle m’a confié qu’elle ne savait pas qu’elle était capable de retenir autant d’informations.

Vous l’aurez compris, suite à cela, il est complexe de ne pas souhaiter poursuivre sur cette voie et tenter d’améliorer sans cesse la technique pour développer, au maximum, les possibilités d’autonomie des personnes atteintes de troubles ou en situation de handicaps. J’en suis toujours ému en y repensant et en écrivant ces quelques lignes.

 

mind_mapping_inclusion_loic_noelLoïc Noël est titulaire d’un Master en Histoire de l’art et archéologie. Il a été consultant en art auprès d’un cabinet à Singapour et s’est lancé dans la formation didactique et pédagogique. Depuis 5 ans, il est également professeur à l’IPES Spécialisé de Micheroux (Type 4 & 5A, formes 1, 2, 3 & 4), près de Liège, en Belgique.

Il réalise des capsules vidéos pour sa page Facebook La Boite à Outils des Enseignants dont il est le créateur et porteur du projet MindTab, un outil permettant de réaliser des Mind Map avec davantage d’autonomie grâce à des facilitations ergonomiques.

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