Depuis plusieurs années, Hop’Toys est membre du jury des Girafes Awards. Nous étions d’ailleurs présents le vendredi 8 octobre, pour remettre le prix spécial du jury à l’Institut des jeunes aveugles de Lille pour son projet « Histoires Sens’ationnelles ». L’occasion d’interroger les gagnants sur la création de ce projet !
Les Girafes Awards : qu’est-ce que c’est ?
Une fois par an, sur le thème de l’année proposé par l’association Agir pour la Petite Enfance, les professionnels de la petite enfance sont invités à participer à un concours de créativité. Professionnels de la petite enfance, étudiants et professionnels venus de l’étranger associent parents et enfants dans leur réflexion. Ensemble, tout au long du processus de création, ils élaborent un atelier-jeu.
Dans cette édition 2021, sur le thème « Drôles d’histoires », plus de 150 dossiers ont été déposés par des professionnels engagés. Parmi eux, 24 lauréats ont été récompensés dont l’Institut des jeunes aveugles de Lille qui a reçu le prix du jury.
Découvrez ci-dessous le témoignage de Jennifer Barbaste, éducatrice spécialisée/de jeunes enfants, Noémie Mouret, psychomotricienne ; Régine Eloy, orthophoniste : l’équipe de l’Institut des Jeunes Aveugles de Lille qui a présenté ce projet :
Comment l’idée de ces « Histoires Sens’ationnelles » vous est-elle venue ?
Le service 0-6 ans de l’IJA-ASRL (Institut des Jeunes Aveugles – Association d’action sociale et médico-sociale) de Lille travaille à domicile et sur les lieux d’accueil du jeune enfant atteint de déficience visuelle. Notre partenariat avec les équipes des crèches est essentiel pour répondre aux besoins des enfants et des familles.
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La genèse des « Histoires Sens’ationnelles »
La crise sanitaire a eu un impact sur les activités de groupe, le partenariat et les ateliers à l’intention des familles organisés par notre service.
La semaine nationale de la petite enfance était donc un bon « prétexte » pour réunir les équipes autour d’un projet qui sort de l’ordinaire. C’était l’occasion de créer un espace de coopération professionnelle. Nous voulions proposer des histoires adaptées aux enfants avec une déficience visuelle, mais qui valent également pour tout autre enfant. Tous les enfants appréhendent leur environnement par leurs sens, et découvrent les histoires à travers un langage adapté.
L’objectif principal est de permettre à l’enfant de vivre une histoire à travers des apports tactiles, auditifs et visuels variés. L’histoire « à pas de loups » baigne l’enfant dans un vocabulaire topologique précis. Au plan émotionnel, l’enfant prend conscience que la vie nous offre des opportunités d’apprendre pour grandir et s’intégrer dans le monde des grands. – Régine Eloy, orthophoniste.
Les histoires à raconter aux enfants sont bien souvent rendues attrayantes par le support du livre lui-même, par ses images colorées et esthétiques, qui captivent et font rêver le tout-petit, et les plus grands avec lui. Les livres adaptés aux enfants mal ou non-voyants privilégient de leur côté beaucoup plus le canal auditif, et le canal tactile, donnant un livre à écouter et à parcourir avec les doigts. – Noémie Mouret, psychomotricienne et Jennifer Barbaste, E.J.E
Nous avons souhaité rassembler tous ces sens et pousser plus loin encore l’accès à l’histoire tactile « Petit souffle de vent », en mettant en jeu le corps entier des enfants, leur donnant l’occasion de se saisir de chacun de leur sens pour se représenter l’histoire racontée.
Comment avez-vous fait pour passer de l’idée à la réalisation concrète du projet ?
Ce qui unit notre service et nos partenaires, c’est le souhait de permettre à l’enfant en situation de handicap d’être comme tous les enfants au sein d’une collectivité. C’est également un souhait des familles : que leur enfant soit reconnu par ses pairs et pleinement intégré dans un groupe.
Avec l’enfant porteur d’une déficience visuelle, nous proposons des histoires visibles pour les malvoyants (lumières, contrastes importants) et des histoires tactiles spécialisées. Nous avons donc voulu combiner deux dimensions de notre accompagnement : inclusion et histoires multisensorielles !
Un projet coopératif
Après avoir développé le projet avec l’équipe, nous avons contacté les familles pour connaître leurs avis. Puis, nous avons contacté les crèches partenaires pour voir si notre projet était réalisable. Nous avons eu la chance d’avoir un avis favorable de tous.
Noémie, psychomotricienne et moi-même (éducatrice spécialisée de jeunes enfants) avons sélectionné une histoire facilement adaptable pour un parcours sensori-moteur.
Régine, orthophoniste, a créé un panneau en feutrine à éléments mobiles autour d’une histoire à la topologie spécifique. Nous avons réussi à inclure nos trois champs de compétences au service de ce projet.
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Quels ont été les défis ou difficultés que vous avez rencontrés ?
L’organisation a été importante. En effet, toutes les crèches n’étaient pas à proximité de notre service (l’une d’elle était à 1h de Lille). Il fallait respecter les horaires, les temps d’accueil des structures, le rythme des enfants, l’organisation interne de chacune d’elles ainsi que leurs possibilités en terme d’espace. De plus, la « menace » sanitaire était présente à cette période. Nous redoutions de nouvelles restrictions et l’annulation ou la modification de nos interventions.
Comment avez-vous dépassé ses difficultés ?
Nous avons dépassé ses difficultés avec beaucoup de communication. Je voyais régulièrement les équipes lors de mes différents accompagnements éducatifs. De plus, chaque structure possède mon numéro et mon adresse e-mail. À la moindre question ou obstacle, nous avons réussi à les surmonter ou à trouver une solution alternative.
Pourquoi avoir choisi de travailler en équipe multidisciplinaire autour de ce projet ?
Le jeune enfant est en « développement multiple » : il développe l’autonomie, la motricité globale, le langage, etc… C’est entre autre pour cela que la vision de plusieurs corps de métier est toujours très intéressante. Les regards croisés enrichissent nos pratiques professionnelles.
Grâce à ce projet, nous avons réuni les EJE, les auxiliaires de puériculture, l’éducatrice spécialisée, la psychomotricienne et l’orthophoniste. C’est une grande richesse pour ces ateliers inclusifs !
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Si une structure d’accueil souhaite faire le même atelier, quels seraient vos conseils pour sa mise en place ?
Pour recréer des « Histoires Sens’ationnelles », procédez par étapes pour ne pas se noyer dans les tâches multiples :
- Trouver une histoire simple qui permet de proposer une exploration multisensorielle en se posant les bonnes questions : qu’est-ce que l’enfant peut toucher ? Qu’est-ce qu’il va sentir ? Qu’est-ce qu’il va entendre ?
- Réunir le matériel et ne pas hésiter à bricoler.
- Tester le parcours plusieurs fois afin de se mettre à la place de l’enfant. Ne pas hésiter à faire évoluer son parcours si besoin.
- Échanger et communiquer dans l’équipe avant, pendant et après. En effet, c’est un vrai travail collectif et les observations sont souvent source d’informations sur les futures activités qui en découleront.
Le mot de la fin : un conseil, un message à faire passer ?
Lancez-vous, amusez-vous avec les enfants ! Nous serions ravis de voir vos « Histoires Sens’ationnelles » et d’avoir votre retour d’expérience.
L’IJA-ASRL est un établissement qui accompagne près de 200 jeunes atteints de déficience visuelle, de la naissance à 20 ans, sur tout le territoire des Hauts-de-France. En fonction des projets, les jeunes sont accompagnés soit à proximité de leur domicile, via le SESSAD (service d’éducation spéciale et de soins à domicile), soit dans l’établissement, à Lille.
Les professionnelles des 0/6 ans se déplacent dans le Nord et le Pas-de-Calais pour des suivis réguliers à domicile ou dans les lieux d’accueil du jeune enfant (crèches, assistantes maternelles, halte-garderies, écoles maternelles, etc.). L’équipe pluridisciplinaire est composée d’une orthoptiste, d’une psychologue, d’une éducatrice spécialisée et de jeunes enfants, d’une psychomotricienne, d’une orthophoniste, et d’une enseignante spécialisée.