Votre Dossier Autisme : le témoignage d’une maman

Voici le dernier volet des dossiers Autisme. Nous avons voulu donner la parole aux parents et en particulier à une maman dont la petite fille, Manon, 3 ans et 1/2, a été diagnostiquée TED récemment.

Merci de vous présenter, vous et votre enfant :

Ma fille : Manon, 3 ans et 1/2. Scolarisée en petite section avec AVS.
Moi : Laure, 30 ans, professeur des écoles.

Comment et quand votre enfant a-t-il été diagnostiqué ? Comment avez-vous réagit à ce diagnostic ?

Manon a été diagnostiquée au CRA de Montpellier en septembre dernier (à 3 ans et 1/2). Elle est atteinte d’un TED non spécifié. L’annonce n’a pas été une surprise. Nous avions consulté un an plus tôt car nous pensions à l’autisme et d’autres professionnels avaient déjà évoqué ce diagnostic. La reconnaissance du trouble constitue de toute façon un soulagement. Maintenant, on sait contre quoi on doit se battre. L’attente de la reconnaissance du trouble a été dure à vivre. Rien de pire que de savoir qu’il y a un problème sans avoir de mots à mettre dessus.

Manon est une jeune fille autiste

Au jour le jour, comment vivez-vous l’autisme de votre enfant ? Quels sont les moments difficiles ? Mais aussi les moments de joie, d’espoir…

A la maison, nous sommes heureux (sauf en cas de crises… ça c’est toujours difficile à supporter, où que nous soyons). C’est la vie à l’extérieur qui est source de souffrances : le regard des autres, les problèmes d’adaptation de Manon par rapport aux situations classiques pour son âge (file d’attente, frustrations, consignes difficiles à comprendre, problème de communication…), le décalage entre ses capacités et celles de ses pairs (difficile pour un coeur de mère). Les moments de joie, nous en avons une infinité et nous savons savourer chaque petit pas en avant, chaque phrase élaborée, chaque regard droit dans les yeux, chaque gestion de la frustration, chaque tentative de communication de ma fille est un instant de bonheur. Et puis, être autiste ça n’empêche pas d’être tendre, intelligent, drôle, complice avec ses proches et de donner à ses parents tout un tas de raisons d’être fière et dingue de son enfant ! Les moments de vraie complicité sont des instants magique : câlins avant de s’endormir, bagarres sur le lit des parents, crises de fou-rire, parties de cache-cache, balades main dans la main…

Très concrètement, que veut dire « avoir un enfant autiste » au jour le jour ? Quelles sont vos difficultés quotidiennes ?

Cela veut dire avoir peur pour son avenir, chaque minute de chaque jour et penser tout le temps à faire avancer, progresser, gagner en autonomie. Cela veut dire aussi le protéger, essayer d’éviter les souffrances. a veut dire supporter les crises de colère, les nuits blanches, les stéréotypies, les problèmes de compréhension etc. Cela veut dire se sentir souvent fatigué, abattu mais toujours motivé pour avancer parce qu’on n’a pas le choix si on veut pour son enfant un avenir digne de ce nom. Plus concrètement, ça signifie interpeller sans arrêt son enfant, chercher à obtenir son attention, le faire travailler pour qu’il progresse, jouer avec lui pour qu’il soit dans l’interaction et non dans son monde, le conduire à ses multiples RDV, informer l’entourage, militer pour que ses droits soient respectés, se tenir au courant par internet des avancées, se former aux stratégies efficaces de prise en charge de l’autisme. Cela signifie ensuite prévoir, tout et tout le temps, prévenir, éviter les changements intempestifs, mettre un emploi du temps visuel en place pour que l’enfant intègre la succession des étapes de la journée. Ne pas partir en vacances (dans mon cas personnel) car le changement d’environnement est ingérable. Cela veut dire faire ses courses de noël en pensant « quels jouets pourraient l’aider à progresser ? » au lieu de se demander quels sont ceux qui feraient plaisir. C’est galérer à chaque repas pour trouver le moyen de sortir du menu pâtes -viande ou petit pot de légumes-poisson pané sans aboutir à une crise. C’est penser tout le temps à éviter la crise qui vous bousille le moral et la santé. Etc., ect., etc…

Quelles sont les personnes qui interviennent régulièrement auprès de votre enfant ? Quels sont les objectifs de ces intervenants ?

  • La psychologue ABA qui dresse un projet d’apprentissage et supervise le travail des parents qui font travailler l’enfant à la maison ,au quotidien
  • L’orthophoniste qui travaille la communication, le langage.
  • La maîtresse et l’AVS qui aident à acquérir des compétences scolaires.
  • La prof d’éveil musical, pour le plaisir.
  • Il faudrait rajouter de la psychomotricité pour que la prise en charge soit complète.

Comment vivez-vous le regard des autres ? Simples passants, voisins, famille, amis, professionnels de la rééducation, enseignants…

Famille et amis sont au parfum depuis le début. Ils sont aussi parfaits qu’on peut l’espérer : bienveillants mais jamais condescendants. Ils savent qu’il faut la solliciter en permanence, simplifier le langage et baisser le niveau d’exigence sans la prendre pour une demeurée ! Mais je sais que j’ai de la chance d’être « tombée » sur ces amis-là et cette famille-là.

Les passants m’énervent la plupart du temps : comme Manon a un TED relativement léger, cela ne se voit pas au premier abord et lorsqu’elle fait une crise, les regards lourds de reproches pleuvent. Je ne supporte pas de savoir qu’ils pensent « quelle sale gosse capricieuse ». Je leur jette parfois à la figure « Elle est autiste ! » pour qu’ils se sentent stupides … aucun intérêt mais ça soulage !!!

Quant aux professionnels, tous ne sont pas correctement formés. Certains font un travail extraordinaires, d’autres ne font rien d’efficace mais rien de néfaste non plus, d’autres enfin sont carrément dangereux.

Avez-vous un message d’espoir à donner à d’autres parents ?

J’ai trop peu de recul dans mon propre parcours de parent d’enfant autiste pour donner un message d’espoir mais je pense qu’on peut lucidement espérer que les progrès dans la démocratisation et la généralisation des prises en charge éducatives permettront à nos enfant de gagner une autonomie acceptable au lieu de crouler dans les hôpitaux psychiatriques, assommés par des traitement chimiques. Et puis les familles ont une telle motivation et un tel souhait de se rencontrer, d’échanger, de lutter ensemble qu’on finira bien par obtenir de vrais droits pour nos enfants et les adultes qu’ils deviendront.

Pour finir, quelques conseils aux parents :

  • Lutter pour obtenir un diagnostic précoce (ne pas hésiter à bouger s’il le faut) : plus on s’y met tôt et meilleurs sont les chances de progression.
  • Aller voir ce qui se passe du côté des stratégies éducatives (ABA, TEACCH, etc…), c’est ce qu’il y a de plus adapté et efficace pour nos enfants.
  • Monter un dossier MDPH très vite pour pouvoir obtenir les aides nécessaires à la prise en charge de son enfant
  • Se mettre en contact avec des associations de parents (Léa pour Samy, Je TEDuque etc.)
  • Ne jamais culpabiliser : les parents ne sont pas responsables du trouble de leur enfant ! La psychanalyse a fait et continue à faire des ravages … c’est injuste et infondé.
  • Avoir confiance en soi et en son enfant.
  • Être conscient de l’importance du rôle que le parent a à jouer dans la progression de son enfant : on pleure un coup, puis on se relève et on se bat !

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Perrine est graphiste et responsable du studio graphique chez Hop'Toys. Elle réalise aussi plusieurs infographies, illustrations et activités créatives que vous pouvez télécharger gratuitement sur ce blog.

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