Le bruit incessant, la lumière artificielle, la foule qui se presse dans tous les sens. Une gare, un aéroport ou un centre commercial bondé, sont parfois des pièges sensoriels.
Et dans ces moments, on peut rêver d’un refuge sensoriel. D’un espace calme, feutré, enveloppant.
C’est précisément ce que propose, depuis l’été 2025, l’espace sensoriel de la Gare de l’Est à Paris, fruit d’une collaboration entre la SNCF et Hop’Toys.
À la Gare de l’Est, un espace sensoriel qui change tout

Ce type d’aménagement n’est pas un luxe. C’est une réponse concrète à une réalité partagée : notre environnement peut être, à certains moments, notre principal facteur de stress. Mais il peut aussi devenir un soutien, un outil thérapeutique, un espace de régulation qui bénéficie à toutes et tous. Et ça, la science le confirme.
Une réalité largement partagée
À première vue, ces espaces de type refuge sensoriel semblent conçus exclusivement pour les personnes ayant un trouble du traitement sensoriel : trouble du spectre autistique (TSA), trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), hypersensibilité, etc.
Et bien qu’en France, l’INSERM recense environ 700 000 personnes autistes, dont plus de 80 % présentent des particularités sensorielles.
Que le TDAH touche, quant à lui environ 5 % des enfants, 2,5 % des adultes. L’hypersensibilité, souvent ignorée, est pourtant fréquente dans les troubles anxieux et les états de fatigue chronique. Et peut concerner, de fait, l’ensemble de la population.

Ce qu’on oublie parfois trop souvent, c’est que nous sommes toutes et tous concerné·es.
Qui ne s’est jamais senti·e oppressé·e dans une foule ? Éprouvé une tension en sortant du métro à l’heure de pointe ? Ressenti une saturation sensorielle après plusieurs heures dans un environnement bruyant ? Ces besoins ne sont pas pathologiques, ils sont humains.
Les chercheurs parlent aujourd’hui de vulnérabilité sensorielle situationnelle :
Fatigue, stress, surcharge émotionnelle, troubles du sommeil, période de deuil ou de transition…
Dans ces moments, notre capacité à tolérer les stimulations diminue fortement. Un refuge sensoriel devient alors un outil de soin collectif.
Ce que permet un environnement sensoriel ajusté
Un espace sensoriel bien conçu n’est pas simplement un endroit silencieux.
C’est un environnement réglable, prévisible et apaisant. Il répond aux besoins fondamentaux du système nerveux en activant des mécanismes physiologiques de régulation. Explication :
Lorsque nous sommes exposés à un excès de stimulations (bruit, lumière, foule, mouvements), notre système nerveux autonome peut s’emballer.
Le rythme cardiaque s’accélère, la respiration devient courte, la vigilance augmente. C’est la fameuse réponse de stress. À court terme, elle peut nous aider à fuir un danger. Mais prolongée, elle devient délétère.

Les espaces sensoriels agissent comme régulateurs de cette activité :
- Ils favorisent le retour à un état de calme, en activant le système parasympathique (celui du repos et de la digestion).
- Ils permettent de revenir dans sa fenêtre de tolérance, ce seuil à partir duquel on peut à nouveau se concentrer, apprendre, interagir, s’apaiser.
- Ils offrent un contrôle sur l’environnement (lumière, sons, textures), ce qui est fondamental pour la sécurité psychique et émotionnelle.
Ce sont ces mécanismes que décrivent les théories de l’intégration sensorielle (Ayres, 1972), ou plus récemment les approches en neuroarchitecture : la manière dont l’espace influence nos états internes, notre attention, nos émotions.
Des effets validés scientifiquement
Les études confirment ces ressentis. Une recherche menée par Schoen en 2011 sur des enfants autistes a montré qu’un programme d’enrichissement sensoriel permettait une amélioration clinique significative : 42 % des enfants du groupe test ont vu leur fonctionnement s’améliorer (contre 7 % dans le groupe contrôle), et 21 % ne remplissaient plus les critères du trouble autistique classique après six mois.

D’autres travaux, comme ceux du Wales Autism Research Centre, ont formalisé les bonnes pratiques pour concevoir ces espaces : variabilité des stimulations, possibilité de retrait, environnement non intrusif.
Les bénéfices sont multiples :
- Amélioration de la régulation émotionnelle
- Réduction des comportements d’évitement (ou d’agitation)
- Augmentation de l’attention
- Sentiment accru de sécurité
En contexte scolaire, une étude italienne (Riva, 2025) a montré que l’utilisation quotidienne d’un espace sensorimoteur (refuge sensoriel) améliorait la motricité, les interactions sociales et la réactivité sensorielle chez les enfants autistes.
Enfin, dans l’espace public, les recherches d’Aminpour menées en 2024 ont proposé un modèle d’environnement sensoriellement réactif, fondé sur des observations qualitatives : matériaux naturels, zones calmes, refuges visuels… Ces éléments contribuent à réduire le stress perçu et à augmenter l’engagement social, en particulier chez les personnes neurodivergentes.
Un outil pour toutes et tous, à tout moment
Ce que montre l’espace sensoriel de la Gare de l’Est, ce n’est pas seulement une innovation inclusive. C’est une infrastructure de santé publique discrète, un sas de répit, de décompression émotionnelle, un droit à la régulation. Et ce droit n’est pas réservé à quelques-un·e·s. Il concerne chaque voyageur ou voyageuse, chaque parent, chaque personne âgée, chaque personne en transition.

Aujourd’hui, reconnaître l’effet de l’environnement sur notre état intérieur n’est plus une intuition : c’est un fait démontré ainsi qu’une responsabilité collective.
Ensemble, faisons de ces espaces une norme et non une exception.
Une illustration supplémentaire que l’inclusion bénéficie aux personnes concernées, à toutes et tous et favorise une société meilleure !
Sources (principalement en anglais) :
How Sensory Rooms Help Students with Autism Thrive – TeachHUB
Use of sensory adaptive environments with autistic children: A scoping review – ScienceDirect
How can we make the world a more sensory inclusive place? | Vox
Retail and neurodiversity: Why shops should turn down the volume | Vogue Business
What Does It Actually Mean to Create a ‘Sensory Inclusive’ City? | Condé Nast Traveler
Snoezelen : la salle sensorielle au service de l’autisme | La lettre d’Ulysse
Autisme et sensorialité – Guide pour l’aménagement de l’espace – Pôle Ressources Handicap 76
Atelier-1-Claire-Degenne-Particularites-sensorielles-des-enfants-autistes.pdf