Camille est une jeune femme de 16 ans, lycéenne, et artiste peintre elle revient aujourd’hui sur son parcours en tant qu’autiste asperger et artiste. 

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Camille, j’ai 16 ans et je vis dans le nord de la France. J’ai le syndrome d’asperger (terminologie que je préfère utiliser) et je suis artiste peintre. 

Ou en êtes-vous dans vos études ? Vous êtes vous toujours sentie à l’aise à l’école ?

Je suis actuellement en première littéraire et j’ai choisi la spécialité arts plastiques. Je ne supporte pas l’autorité car je pense que j’ai souvent raison et que l’esprit de mes interlocuteurs  est « brouillon ».  j’ai besoin pour comprendre de m’adresser à des personnes organisées,  l’inorganisation  ou le côté « brouillon » m’angoissant.

J’ai été une enfant relativement pénible , de façon générale , et encore davantage an milieu scolaire.  Outre les consignes des enseignants, je ne supportais pas le contact avec les autres enfants.  Pourquoi ? je les trouvais inintéressants, très ennuyeux et immatures. Cependant, je peux être très fidèle en amitié : j’ai deux amies d’enfance Lucille et Lia , rencontrées à la Crèche et en Maternelle. En ce qui concerne les apprentissages, j’ai appris à lire à 4 ans et la lecture est devenue une véritable passion. Je lisais tout ce qui se présentait à moi : encyclopédies, livres sur l’univers , l’astronomie en général mais aussi les inscriptions sur les paquets de céréales, les journaux traînant au restaurant de mes parents , etc…

Le collège a représenté énormément de souffrance :  je faisais preuve de mutisme envers tout le monde, un seul professeur trouvait grâce à mes yeux. Il s’agissait de mon professeur de sciences physiques  en 4ème et  3ème qui m’a soutenue , comprise, écoutée, entendue et encouragée  à fréquenter l’université des sciences et lettres de Valenciennes. Le plus compliqué a été pour moi d’affronter le regard des autres et d’être considérée par la plupart des autres élèves comme une « alien » …j’ étais « l’enfant bizarre », la « Mademoiselle Je Sais Tout ».

Cette difficulté est encore là aujourd’hui , cependant les personnes autour de moi sont plus tolérantes et bienveillantes. Surtout depuis que je suis officiellement diagnostiquée « Asperger »… Cette étiquette les rassure.

Vous êtes autiste, qu’est-ce que cela signifie et comment cela se témoigne chez vous ?

« Imelik » est le mot que m’inspire le syndrome d’asperger, il signifie « bizarre » en Estonien, une langue que j’affectionne beaucoup. J’ai toujours vécu dans une bulle hermétique souvent éclatée par une nuisance, sonore, tactile, émotionnelle… C’est habituel et avec l’âge, l’expérience et la maturité on s’y fait mais parfois c’est trop et difficile à supporter, j’appelle ça « le trop »… Logique. Le trop de choses, le trop de gens, le trop des sens… Trop c’est trop ! Je panique souvent… J’angoisse énormément… C’est difficilement gérable. J’utilise un système de schéma de petites boîtes pour m’aider à me situer par rapport à mon ressenti qui parfois sans ces artifices est dur à situer et aussi à faire comprendre. La communication est quelque chose qui se réfléchit trop c’est parfois déroutant. Le contact avec les gens sous toutes ses formes est aussi difficile… Je ne touche presque personne en dehors de mon cercle relationnel proche… Je déteste leur faire la bise surtout quand ils piquent… C’est un détail pour le commun des mortels… Une épreuve pour moi ! Enfant j’étais juste « bizarre » et personne ne pensait au syndrome d’asperger, le fait que j’étais un « peu en avance » expliquait tout pour mon entourage et aussi pour moi-même.

J’aimerais préciser que le terme asperger s’il rassure mon entourage n’est cependant pas compris du tout. Il est même parfois assimilé à une formulation d’handicap. Il y aurait beaucoup  à dire sur le sujet , j’invite les curieux à lire le meilleur livre documenté sur le syndrome d’aspi écrit par Tony Attwood.

Sur votre compte Instagram on peut voir vos œuvres, depuis quand peignez-vous ?

Je peins depuis très peu de temps… Juillet de l’année 2018, mais j’ai toujours eu un côté artistique, j’ai commencé à m’intéresser à la musique, je joue du piano et du violon et j’ai toujours dessiné et tenu des carnets de dessins assez rigoureusement depuis des années.

Quelles sont vos inspirations ? Les thèmes que vous abordez en peinture et pourquoi ?

J’ai assez peu d’inspiration artistique extérieures (ex: images web, autres artistes… ) je suis très attirée par la forme des choses et leurs intérêts mathématiques, leurs structures, compositions… Je construis mes toiles à partir de modèles que j’ai trouvé dans la ville, la nature ou sur moi-même ! Autour de moi plus généralement… j’emprunte leurs courbes, leurs géométries, leurs régularités et couleurs…. Ma peinture est assez égocentrique, je peins comme mon état de l’instant me dis de peindre, chaque toile est le reflet singulier de mon « moi » à ce moment.

Je peins sur moi, un rêve, un mot, et les formes extérieures m’aident à les représenter c’est l’inspiration je crois. J’arrive aussi à me sortir de ce centrisme exclusif en peignant mes amis, les plus exceptionnels seulement, les gens que j’aime, les petites choses ou juste les mots ou la musique, pour cette dernière elle m’aide à composer l’ordre de la toile, je la dessine beaucoup, je mémorise les morceaux en les visualisant c’est un exercice enrichissant et apaisant. 

Pensez-vous que le fait d’être autiste impacte votre manière de peindre ?

Je pense qu’être Asperger influence ma manière de peindre :  OUI ; l’univers, les univers,  me sautent littéralement au visage en permanence, toutes ces choses, ces ressentis , ignorées du monde des « normaux pensants » et qui emplissent des toiles complètes, les détails cessent de l’être et envahissent les vides,  mes dessins, mes toiles  sont mes fenêtres sur le monde.

Quelles adaptations aimeriez-vous voir afin de permettre aux personnes autistes de se sentir mieux dans la société ?

Il y a du travail ! Tout est à faire ! la société actuelle française en est à l’âge de pierre sur le sujet. J’aimerais beaucoup que l’on commence à s’inspirer des travaux  de la société anglo saxonne sur le syndrome ASPI. Etre asperger est une chance. Aucunement un handicap. Asperger et fière de l’être ( cf Alexandra Raynaud). Des formations seraient souhaitables à tous les niveaux : médical (psychiatres/psychologues/services d’urgence), scolaire, et finalement institutionnel : afin d’éviter les attitudes inadaptées par rapport à la connaissance et prise en charge de cette particularité.

Vous pouvez retrouver Camille sur son compte Instagram mcadilee

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