Pour beaucoup, manger est un plaisir simple, presque automatique. Pour d’autres, c’est un vrai défi. L’hypersélectivité alimentaire, fréquente notamment chez les personnes autistes, transforme parfois chaque repas en épreuve sensorielle. Pourquoi certains aliments sont-ils « rassurants » quand d’autres déclenchent anxiété, refus ou dégoût ? Et surtout, comment soutenir une alimentation apaisée, sans forcer ni culpabiliser ?
Comprendre l’hypersélectivité alimentaire
L’hypersélectivité alimentaire, c’est bien plus que du “picky eating” (comprendre « une personne qui serait difficile par caprice ». Ce n’est donc pas un caprice, ni une simple préférence. C’est une manière d’interagir avec la nourriture profondément influencée par la sensorialité et le besoin de contrôle.
Chez certaines personnes, notamment autistes, le repas mobilise une avalanche de stimuli : odeurs, textures, sons, couleurs, températures, interactions sociales… Chaque paramètre peut devenir une source d’inconfort ou d’imprévisibilité. Le cerveau cherche alors à sécuriser ce moment en réduisant la variété des aliments consommés.

Les aliments « sûrs » sont ceux dont on connaît parfaitement la texture, le goût, la forme, l’emballage. Ils ne réservent pas de surprise. Et c’est précisément là que les produits industriels trouvent leur place : toujours identiques, toujours fiables. À l’inverse, un fruit, un légume ou un plat maison changent d’un jour à l’autre — un peu plus acide, un peu plus ferme, une couleur différente — et cette variabilité peut devenir source d’angoisse.
Pourquoi les aliments industriels rassurent
Un plat préparé ou un biscuit industriel a toujours le même goût, la même texture, la même odeur. Cette constance offre une prévisibilité qui apaise. Ce n’est pas un “choix de facilité” : c’est un moyen de contrôle dans un environnement sensoriel qui, pour certaines personnes, reste difficile à décoder.

Les aliments faits maison, eux, sont vivants. Ils changent, s’adaptent, varient. Pour un cerveau qui cherche la stabilité, cette variabilité est source d’incertitude. Manger devient alors une situation d’exposition à l’imprévisible, parfois vécue avec autant de stress qu’une confrontation sociale.
Et du côté de la santé ?
La tentation est grande de s’inquiéter : “Et les carences ? Et la variété ?” Mais il faut rappeler une vérité essentielle : une alimentation “parfaite” mais anxiogène perd tout son bénéfice santé.
L’objectif, c’est la sécurité, pas la perfection. Comme le rappelle la Maison de l’Autisme, « il vaut mieux une alimentation répétitive et apaisée qu’une alimentation variée sous tension ».
Apporter de la sécurité dans le repas, c’est permettre à la personne d’élargir progressivement son champ de confiance. Et cette confiance ne naît pas sous la contrainte, mais sous la curiosité et le respect.

Rencontre avec Sophie Francoulon, diététicienne
Nous avons échangé avec Sophie Francoulon, diététicienne depuis 2019, qui accompagne enfants et adultes autour de leur relation à la nourriture. Sophie est présente sur les réseaux sociaux (Instagram, Twitch) sous le pseudonyme de SophieBonjour où elle conseille et vulgarise bon nombre de sujets liés à l’alimentation !
Elle partage ici son expérience de terrain et ses conseils pour mieux comprendre et apaiser la sélectivité alimentaire.

As-tu déjà rencontré des profils présentant une sélectivité alimentaire importante ?
Je reçois fréquemment des adultes se présentant pour une tout autre problématique. C’est au fil des rendez-vous qu’une sélectivité alimentaire significative peut ressortir dans la discussion. Cela modifie l’approche et les solutions proposées, c’est donc un sujet que je trouve important à aborder avec sa diététicienne pour avancer sereinement et sans culpabilité.
Chez l’enfant, les parents consultent d’abord une·e orthophoniste. Mais face à une demande importante et de longs délais, les diététicien·nes spécialisé·es en troubles de l’oralité sont à même d’accompagner l’enfant – avant ou en parallèle du suivi orthophonique.
Comment accompagnes-tu les personnes neuroatypiques qui te parlent de leur rapport à l’alimentation ?
Recevoir une personne suffisamment en confiance pour me partager sa neuroatypie me ravit. Tout simplement car cette précision importante me permet de mieux m’adapter à son objectif, lui proposer un suivi plus proche de ses besoins et mieux comprendre ses difficultés.
L’alimentation implique de nombreuses étapes et difficultés : l’organisation des repas, comment et où faire les courses, quoi manger, à quel moment, comment mieux vivre les moments sociaux, comment adapter son intérieur et son rythme de vie, l’adaptation des textures. Toutes ne seront pas vécues de la même façon. L’écoute et l’ajustement sont donc essentiels.
La diététique est un métier de santé qui croise la sociologie, la philosophie, la médecine, l’économie : absolument toutes les informations transmises en consultation me sont utiles pour adapter mon approche et mes conseils. Notamment lorsqu’il y a un lien avec la santé mentale et/ou les (in)tolérances. Cela crée une personne unique qui mérite une prise en soin sur-mesure.
Quels conseils donnerais-tu aux parents ou adultes concernés par l’hypersélectivité alimentaire ?
Une alimentation variée, c’est super, mais si elle est variée et anxiogène alors on en perd le bénéfice santé. Varier l’alimentation par la tromperie, l’insistance ou l’agacement explicite (souffler, soupirer, s’énerver…) ne met pas en sécurité et fait escalader la situation.

Les conseils de Sophie, en pratique
1. Créer de la sécurité
- Routines prévisibles : même vaisselle, horaires réguliers, places fixes à table.
- Liberté de refus : ne pas forcer à goûter, ne pas punir ni négocier.
- Connaissance des préférences sensorielles : texture, couleur, température, forme.
2. Introduire du jeu et de la curiosité
- Utiliser d’autres sens que le goût : sentir, toucher, écouter les sons d’un aliment qu’on coupe.
- Cuisiner sans obligation de manger.
- Ajouter une mini-portion “à explorer” à côté des aliments sûrs.
3. Trouver un équilibre entre plaisir et nutrition
- S’appuyer sur des aliments “normés” (conserves, surgelés) pour leur constance.
- Enrichir si nécessaire : produits enrichis en protéines, calcium, fer.
- Échanger avec un·e professionnel·le pour évaluer l’intérêt de compléments alimentaires.
Ludifier les repas : quand le jeu aide à apprivoiser la nouveauté
Pour certains enfants (et adultes), la table est un terrain de stress. Les plateaux ludiques peuvent devenir de précieux alliés pour redonner au repas une dimension plaisir et curiosité.

Rendre le moment du repas plus prévisible
Les plateaux compartimentés permettent de séparer les aliments, évitant les mélanges souvent anxiogènes. Ils créent aussi des repères visuels et sensoriels clairs.
Plateau bébé 5 compartiments : idéal pour offrir des textures distinctes sans contact entre elles.

Introduire du jeu et de la narration
Transformer le repas en parcours ou en histoire peut aider à détourner l’attention du stress alimentaire. Chaque case devient une petite étape, un mini-objectif à atteindre.
Plateaux Dinner Winner
Disponibles en plusieurs univers : dinosaure, espace, pirate, forêt enchantée, super héros ces supports lient plaisir, prévisibilité et exploration sensorielle.

Le repas devient un jeu, non une épreuve. Et dans ce cadre ludique, le cerveau se détend, l’expérience devient moins anxiogène, et la curiosité reprend sa place.
Conclusion : accompagner, pas corriger
L’hypersélectivité alimentaire n’est ni une faute, ni un caprice. C’est un mode de régulation face à un environnement sensoriel souvent intense. Le rôle des proches, des professionnel·les et des outils comme ceux proposés par Hop’Toys, c’est d’offrir sécurité, compréhension et plaisir.

Soutenir ne se résume pas à “faire goûter à tout prix” : c’est créer les conditions pour que la curiosité puisse revenir.
Et, comme le dit Sophie,
L’exercice est quotidien : instaurer de la confiance, de la créativité et de la patience est le socle de la progression.
Et vous ? Quel est votre rapport à la nourriture et aux variations que cela implique ? Nous sommes curieuses et curieux de vous lire !
Pour aller plus loin :
Trouble envahissant du développement chez l’enfant | CHU Sainte-Justine
Autisme et particularités alimentaires : nos conseils
Particularités alimentaires chez les personnes avec autisme


