Ce vendredi 26 avril, c’est la Journée internationale du chien guide. À cette occasion, nous avons pris contact avec l’association Chiens Guides d’Aveugles du Grand Sud Ouest. Par leur intermédiaire, nous avons pris contact avec Maëva, 35 ans. Découvrez les portraits de Maëva et Roxy.
Assise à la terrasse d’un café, Maëva semble profiter du soleil du mois d’avril. À ses côtés, allongée par terre, un labrador noir ne bronche pas, malgré le brouhaha de la vie montpelliéraine. Nous nous approchons du duo. Maëva nous salue et, à ce moment-là, Roxy se lève, alertée par les mouvements de sa maîtresse. Roxy renifle nos habits : elle s’approprie notre odeur. Par réflexe, nous demandons à la jeune femme si nous sommes autorisés à caresser la chienne. Elle répond : « Non, elle est en train de travailler. »
Un travail main dans la main
C’est à l’âge de 9 ans que la vision de Maëva se détériore. Très vite, elle a besoin d’une canne blanche. Elle raconte : « À ce moment-là, j’ai eu beaucoup de mal à accepter la chose. Je me suis dit qu’à présent, j’allais être remarquée non pas à cause de mon look, mais à cause de mon handicap. » Alors, après plusieurs années, c’est terminé la canne blanche. De plus, d’après une étude réalisée en Corée, pratiquer des activités avec des chiens influerait de manière positive sur l’humeur de l’humain.
C’est grâce à l’association des Chiens Guides d’Aveugles du Grand Sud Ouest que Maëva a rencontré Roxy. Les chiens guides sont formés par l’association à Toulouse. De ce fait, lors des premières visites, l’association prend en charge les frais de transports pour Maëva de Montpellier à Toulouse. Elle explique : » Dans un premier temps, nous allons sur place pour rencontrer différents chiens, voir lesquels correspondent le mieux à notre tempérament. »
Des heures de travail à respecter ?
Mais avant tout, pour s’assurer que le chien ne va pas s’ennuyer, Maëva a également reçu la visite d’un éducateur canin. Son travail ? S’assurer que le futur bénéficiaire du chien guide marche suffisamment de temps par semaine pour satisfaire les besoins de son compagnon à quatre pattes. La jeune femme souligne : « Ce sont des chiens à qui on a appris que le travail c’était bien, ils s’ennuient très facilement. »
Un stage pour faire connaissance
Une fois que le chien a été choisi, le binôme doit effectuer un stage d’une semaine à l’école de formation des chiens guides. Au programme, apprendre à se connaître, apprendre au futur maître à donner des ordres… Puis, le chien vient découvrir son nouvel habitat ! Maëva explique : « On apprend au chien nos trajets habituels. On apprend à s’adapter à l’allure de l’autre. » Elle ajoute, en riant et en caressant Roxy : « Puis normalement, le duo est formé ! »
Vivre avec les autres
Si, lorsque nous sommes arrivés, nous avons immédiatement demandé si il était autorisé de caresser le jeune labrador, Maëva précise que : « Ce n’est pas toujours le cas. » Dans la rue, les gens ne se gênent pas pour caresser Roxy sans demander l’autorisation à sa maîtresse. « Parfois, certains l’appellent même de l’autre côté de la rue. C’est super dangereux ! » Elle en profite pour faire un rappel : « Aller vers un animal que l’on ne connaît pas, de toute façon, c’est dangereux ! »
Aujourd’hui à 35 ans, Maëva sait faire face aux comportements des autres. « Dans le tram c’est horrible, les gens ne font pas attention ! » Et puis, pour elle, son look n’aide pas: « Je fais jeune, j’ai les cheveux colorés, j’ai des piercings… Quand j’arrive avec le chien, les gens voient plutôt une « punk à chien » qu’une personne en situation de handicap ! » Alors, dans les transports, on lui fait souvent remarquer qu’elle ne laisse pas sa place aux personnes âgées. Ce à quoi elle a appris à répondre avec amusement : « Maintenant, je regarde Roxy et je dis quelque chose du style : « Tu as vu Roxy ? On embête l’aveugle ! ».
S’assumer en tant que femme
Dans un premier temps, pour Maëva, le plus difficile a été de s’assumer en tant que femme. Elle raconte : « Pendant longtemps, je n’arrivais pas à me voir comme un femme. Je voyais uniquement mon côté handicapée. » Et puis, au fil des années et des rencontres, Maëva a su s’entourer de personnes qui arrivaient à la mettre en avant et à la faire se sentir bien. Aujourd’hui, elle est même mariée, et Roxy a assisté à a la cérémonie.
« Nous avons des photos de Roxy à la mairie, les quatre fers en l’air, elle était très concernée! » Elle se rappelle en riant.
Mais Maëva refuse qu’on la considère comme étant courageuse : « J’ai appris à accepter mon handicap, enfin ça dépend les jours (rires), mais à la limite, c’est de la résilience plutôt que du courage. »
>> À lire aussi : Je prépare mon enfant à apprendre le braille
Et les proches dans tout ça ?
Une question nous taraude cependant… Maëva vit avec sa femme. De ce fait, au quotidien, cette dernière côtoie Roxy… Alors comment ça se passe concrètement? La chienne obéit-elle à tout le monde ? Ou uniquement à sa maîtresse ?
Maëva nous explique : « Tout dépend du moment. Si elle est en travail, donc avec le harnais, elle ne doit écouter que moi. Par contre, dans la vie de tous les jours, dans son temps libre, ma femme peut lui donner des ordres sans souci ! »
Pour les proches de la jeune femme, l’une des choses qui a été assez complexe à appréhender a été de ne pas s’interposer quand la chienne se trompe lors de son travail de guide. « Souvent, quand elle calcule mal ses pas, les gens veulent s’interposer. Mais il ne faut pas ! Si elle se trompe, si je trébuche, c’est à moi seule de la corriger ! »
Et la retraite ?
C’est une question brûlante dont la réponse diffère en fonction de la personne. Qu’en est-il de la retraite du chien guide ? En général, le chien prend sa retraite après 8 années de travail, ce qui lui permet de vivre quelques années en tant que « chien de compagnie » avant de vivre avec les maladies liées à l’âge par exemple.
Chaque personne voit la retraite du chien d’un œil différent. Si certains souhaitent garder leur ancien guide comme chien de compagnie, d’autres, comme Maëva, savent déjà que ça ne sera pas le cas. Face à ce choix qui peut sembler dur à comprendre, la trentenaire s’explique : « On la donnera sûrement à une famille proche de nous, probablement ma belle-mère… Mais déjà, si je dois avoir à ma charge deux chiens, les coûts seront très élevés. » Et puis, Maëva pense également au bien-être de Roxy : « Parfois, le fait de voir un autre chien prendre son travail, ça peut être dur à comprendre pour le chien. »
Alors, avec un peu de nostalgie dans la voix elle déclare : « Nous sommes en symbiose, je l’aime d’amour…Mais je sais que je vais devoir la laisser un jour. »