L’école est le premier lieu de « travail » de tout individu dans nos sociétés ! C’est là qu’on nous demande de travailler, à défaut parfois de nous enseigner comment travailler, et qu’on expérimente ce qu’est le travail. À part la rémunération, quelle différence y a-t-il entre un cadre qui fait des mathématiques appliquées à la finance et quelqu’un qui fait lui aussi tous les jours des mathématiques en classe de terminale, en 4e, ou en CE1 ? Dans cet article, retrouvez un extrait du livrParadoxes du burnout, des Éditions Tom Pousse, par Sébastien Vaumoron spécialiste en prévention des risques psycho-sociaux (RPS) et en développement de la qualité de vie au travail (QVT).

L’école, un environnement propice au burnout ?

Il est possible que le collégien et le lycéen, voire l’élève d’école primaire, fassent des mathématiques du lundi au vendredi, mais aussi le samedi et le dimanche, contrairement au cadre précédemment cité. D’ailleurs, ne dit-on pas à nos enfants en allant les chercher le soir à la sortie de l’école primaire : « As-tu bien travaillé aujourd’hui ? », plutôt que « T’es-tu bien amusé aujourd’hui ? ».

Aussi, ouvrier à la chaîne, femme de ménage, menuisier, cuisinier, secrétaire, manager, cadre, fonctionnaire de catégorie C, B ou A en France, profession libérale, responsable de ressources humaines, autoentrepreneur ou chef d’entreprise TPE-PME, ministre du Travail ou de la Santé, etc., mais aussi chômeur (demandeur d’emploi) ou un allocataire du Revenu de Solidarité Active en France 1, nous avons tous ce passé commun à l’école qui dure de 9 à 12 ans minimum. Voire 22-24 ans pour ceux d’entre nous arrivés au niveau Master, et plus encore pour ceux qui ont suivi une classe préparatoire à un concours, un doctorat, etc. Et si, tout simplement, c’était sur ce premier lieu de travail qu’est l’école que se construit notre premier rapport au travail… ?

L’école met-elle trop de pression sur les épaules des enfants/adolescents ?

Pour être plus précis, c’est probablement à l’école qu’un enfant/ado se met en œuvre pour la première fois. Et il se construit généralement avant même l’entrée à la petite section d’école maternelle, bien avant nos 3 ans. En fait, il se construit souvent à la maison, insidieusement. Tellement en douceur, que notre rapport au travail se construit parfois avant même notre naissance, avant notre vie fœtale, voire avant notre conception. Parfois, il se construit chez nos futurs parents qui se disent que leur fille, que leur fils réussira ses études aussi brillamment qu’eux, ou bien mieux qu’eux.

Les enfants sont-ils conditionnés au travail ?

Et quand on demande fin août aux enfants de 3 ans ce qu’ils vont faire en entrant à l’école maternelle, bon nombre d’entre eux répondent qu’ils vont « faire du travail »  plutôt que « jouer ». Les micros-trottoirs de la rentrée des classes regorgent de témoignages allant dans ce sens. Et, généralement, les parents amplifient ce conditionnement ajoutant qu’il faudra être sage, bien obéir à la maîtresse et bien faire tout ce qu’elle demande…

Cette construction du « travailleur » 2 que nos sociétés induisent à partir de l’école maternelle apporte une teinte particulière à la fabrique du burnout 3. Cela nous invite à prendre du recul sur le moment du déclenchement du burnout et des quelques semaines qui le précédent. Pour cela, il faut quitter pour un temps les affects négatifs associés à la situation du burnout, laquelle est bien souvent dramatique, pour entrer dans une réflexion distanciée.

Ainsi, l’école nous infuse des valeurs qui construisent un rapport au travail devenant un terreau propice au burnout. Cette école est à la fois cette chose dont on parle à nos enfants avant leur scolarisation, donc une construction que nous en faisons de ce qu’elle est (ou peut être), et non l’institution en elle-même. Elle est donc ce qu’on en dit en tant que parents, ce que nous en faisons pour nos enfants. Et elle est aussi une institution qui met en œuvre des règles de réussite, des valeurs scolaires, celles du «  bon » élève.

Un enfant à l'école tient sa tête entre ses mains

Les causes du burnout sont multifactorielles

L’école ne produit pas le burnout : elle met en place des conditions d’exigence et de travail qui peuvent devenir, les décennies passant, des « normes » de la relation au travail propices au burnout pour une partie d’entre nous. Mais à cela il faudra la présence d’autres éléments que nous développerons plus loin car les causes sont multifactorielles.

J’aime bien cette idée de «  norme » de la relation au travail, car elle fait écho à la fois à une pratique qui glisse vers ce qui devient « normal » dans le rapport au travail, comme une pratique ou un usage devient une « norme » et une « loi », et ce qui régit le travail dans la vision québécoise. Ainsi, la France a un « code » du travail, quand le Québec propose des « normes » 4. Et cette relation au travail de l’école contient des valeurs non pas morales, mais scolaires.

Les premiers éléments sont la soumission et l’obéissance à une autorité qui nous donne du travail à accomplir. C’est ce qu’on explique à notre enfant quand il entre en petite section de maternelle . 3 ans : « Il faudra bien écouter la maîtresse et faire ce qu’elle dit. »; le rapport d’obéissance s’installe. Et bien entendu, on suppose que l’exercice de cette autorité sera bienveillant chez les enseignants, et il l’est très majoritairement.

Comprendre le burnout pour mieux le prévenir

Ce qu’il faut retenir

Nous avons tous probablement rencontré au moins un enseignant tyrannique et injuste au cours de notre scolarité. En revanche, de nombreux enseignants attentionnés, respectueux et bienveillants nous ont accompagnés. Mais cela ne retire rien au fait qu’on apprend dès notre plus jeune âge à ne pas répondre à sa maîtresse, à obéir et à bien faire le travail demandé. C’est une exigence que l’on intègre, et à laquelle on a fortement tendance à adhérer face à la personne qui nous explique le travail à faire. D’abord la maîtresse, puis le professeur, puis le manager ou l’employeur. C’est cette attitude face à la prescription de travail, plus qu’au travail réalisé, qui aura tendance à nous définir.

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1. Allocation versée sous conditions aux personnes sans ressources en France. Pour information, un couple avec deux enfants au RSA perçoit une allocation de 1186 €/mois sans contrepartie d’activité utile pour la société, ce qui correspond au salaire d’un foyer où seulement l’un des deux du couple travaille au SMIC, ce à quoi s’ajoutent des aides sociales et caritatives diverses qui dépassent le pouvoir d’achat d’une famille de 4 personnes avec un seul revenu au SMIC. Pendant le confinement lié à la COVID-19, il a été proposé aux Français mis en chômage partiel d’aller aider les agriculteurs qui n’avaient plus leur main-d’œuvre saisonnière issue des pays de l’est de l’Europe, alors qu’il y a environ 1 800 000 bénéficiaires du RSA sans contrepartie de travail pour la collectivité solidaire qui leur verse leur allocation.

2. Il faut entendre ici «  travailleur » comme la personne qui fait du «  travail », quel que soit son âge, en dehors de toute question de rémunération.

3. Cela peut également mobiliser la question du conflit de valeurs, la quête de reconnaissance, etc. Ces facteurs ne sont pas isolés, mais pris dans une dynamique psychique à multiples facettes en interaction.

4https://educaloi.qc.ca

Chargée de projet digital

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