Dans cet article nous allons découvrir l’angle de vue d’une psychomotricienne, sur la prise en charge des troubles sensoriels dans le TSA.  Les troubles sensoriels dans le trouble du spectre de l’autisme (TSA) sont fréquents, précoces durables. Ils sont d’autant plus intenses que l’autisme est sévère1. Ils impactent la qualité de vie de la personne et de son entourage. Des interventions dans ce domaine sont donc indispensables2 .

Les troubles sensoriels dans le TSA

Les personnes avec TSA présentent des troubles dans le processus neurologique de traitement des stimuli sensoriels : le trouble de l’intégration sensorielle3 . Elles présentent des seuils d’activation neurologique atypiques, ainsi que des difficultés de modulation sensorielle4. Des seuils trop élevés (ou trop bas) génèrent une hypersensibilité (ou une hyposensibilité) neurologique. Et la difficulté de modulation (i.e., sensibilisation et habituation) limite la variabilité de ses seuils en fonction du contexte. Notons que ces seuils peuvent différer d’un canal sensoriel à l’autre. Ainsi que d’un stimulus à l’autre au sein d’un même canal sensoriel5; et qu’ils semblent s’abaisser (hyper-sensibilité) en cas de fatigue ou d’anxiété6. La répercussion de ces troubles neurosensoriels sur le comportement donne des manifestations sensorielles. Elles peuvent être classées en quatre catégories7, selon le seuil neurologique (hyper- hypo- sensibilité neurologique) et la stratégie d’auto-régulation comportementale de la personne (Dunn, 2023, voir Figure 1).

Figure 1 : Quatre manifestations sensorielles possibles dans le TSA, d’après Dunn (2010, 2023)

Les troubles sensoriels

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L’évaluation sensorielle dans le TSA

L’évaluation sensorielle consiste à recueillir les manifestations sensorielles apparaissant dans la vie quotidienne, de la manière la plus exhaustive possible. Pour les recueillir le psychomotricien peut réaliser des entretiens avec les familles, des observations in situ (e.g., en classe, au domicile) ou des mises en situation en salle. Différents outils existent également.

Le Profil Sensoriel 1 , et le Profil Sensoriel 2 sont deux questionnaires étalonnés sur population française et non-spécifiques au TSA. Des outils spécifiques au TSA existent, comme le Profil Sensoriel et Perceptif Révisé8  et l’Évaluation Sensorielle de l’Adulte avec Autisme 9 qui propose un questionnaire et des mises en situations.

L’ Échelle des Particularités Sensori-psychomotrices dans l’Autisme 10 évalue 8 domaines du développement psychomoteur impactés dans le TSA et contient une section sensorielle. Enfin, de multiples questionnaires non étalonnés sont disponibles, comme l’étape sensorielle11 , le Questionnaire sur les Particularités Sensorielles12 , ou le questionnaire du Programme d’Intervention sur les Particularités Sensorielles13

Que faire après l’évaluation sensorielle ?

Une fois les manifestations recueillies et avant de démarrer une intervention sensorielles, la planification de l’innervation passe par trois étapes, réalisées avec la personne et/ou son entourage (Réveillé, 2019, Figure 2).

Dans un premier temps

Il est nécessaire d’identifier le ou les manifestations à travailler en priorité. Toutes les manifestations sensorielles ne peuvent pas être travaillées simultanément. L’intervention démarrera par ce qui est le plus invalidant pour la personne et/ou son entourage (e.g., nuit à son développement, son entourage, sa participation, son inclusion sociale). Par ailleurs, les manifestations n’ayant pas d’impact fonctionnel n’auront pas vocation à être travaillées.

Dans un second temps

Il convient de formuler des hypothèses sur l’origine de la manifestation, autrement dit d’identifier le canal sensoriel qui est en cause. Par exemple, si une personne se balance mais uniquement en présence de bruits de fond, sa fragilité se situe au niveau du canal auditif et non auniveau du canal vestibulaire.

Dans le cas où la personne n’est pas en mesure de communiquer sur ses ressentis, les outils d’analyse fonctionnelle des comportements sont particulièrement utiles. Cette analyse porte sur la manifestation ainsi que sur son contexte d’apparition : Que s’est-il passé avant ? Que s’est-il passé après ? Il faut préciser qu’une manifestation sensorielle n’a pas nécessairement une origine sensorielle, elle peut revêtir une fonction secondaire (e.g., s’occuper, réguler ses émotions, obtenir de l’aide) ; dans ce cas elle sera travaillée avec d’autres interventions (e.g., mise en place d’un outil de communication, gestion des émotions).

Dans un troisième temps

Si on prend le cas où l’on a fait l’hypothèse qu’une manifestation sensorielle est d’origine sensorielle, l’étape suivante consiste à formuler l’objectif de l’intervention. L’approche SMART permet de formuler des objectifs Spécifiques, Mesurables, Atteignables, Réalistes, et Temporellement définis. Utiliser cette approche permet de fixer des objectifs individualisés, pertinents, visant une amélioration de la vie quotidienne à très court terme. Elle garantit également que l’objectif soit accessible. La fixation de très petits objectifs, se situant juste au-dessus des capacités actuelles de la personne, constitut un élément clé de la réussite de l’intervention.

Figure 2 : Démarche de l’évaluation sensorielle à l’intervention

les troubles sensoriels

Les interventions sensorielles du psychomotricien dans le TSA

Une fois les objectifs fonctionnels fixés, l’intervention sensorielle dans le TSA passe par deux approches.  L’une porte sur l’environnement, l’autre porte sur la personne elle-même (Réveillé, 2019).

L’aménagement de l’environnement

Il pour objectif de soulager rapidement la personne et/ou son entourage. Il s’agit de modifier le matériel (e.g., objet, meuble), les habitudes (e.g., ordre des routines, menu), ou le comportement de l’entourage (e.g., exigences, aide). La remédiation sensorielle a pour objectif de développer les capacités de modulation sensorielle (i.e., habituation, sensibilisation) de la personne. Dans le TSA, les protocoles de sensibilisation qui visent à diminuer l’hyposensibilité neurologique (e.g., recherche, hypo-réactivité) sont rares. *

Les protocoles d’habituation qui visent à diminuer l’hypersensibilité neurologique (e.g., évitement, hyper-réactivité) sont beaucoup plus fréquents. Ils consistent à proposer à la personne une exposition systématique et progressive à la sensation qui pose problème. Et ce jusqu’à ce qu’elle supporte la sensation à laquelle elle sera confrontée au quotidien. Ces interventions sont planifiées et la progressivité est la règle centrale. La remédiation sensorielle démarre dans la salle de psychomotricité. Le lieu est repéré par la personne et exempt d’afférences sensorielles perturbatrices, avant d’être généralisée dans les lieux de vie de la personne. Le psychomotricien passe ensuite le relais aux aidant.

L’aménagement de l’environnement et la remédiation sensorielle sont donc des approches complémentaires indispensables, qu’il convient de mettre en place simultanément. L’aménagement de l’environnement est efficace immédiatement mais doit être estompé à mesure que les capacités de modulation sensorielle sont améliorées par la remédiation sensorielle.

Les troubles sensoriels

Quelles recommandations suivre ?

Actuellement, aucune recommandation n’existe sur les méthodes à utiliser pour la rééducation des troubles sensoriels, mais plusieurs propositions ont été faites par des professionnels (e.g., Gorgy & D’Ignazio, 2022 ; Réveillé, 2019 ; Ruiz & Guillaume, 2022). Il est clair qu’il est indispensable de suivre une démarche rigoureuse. Elle doit viser des objectifs individualisés fonctionnels, établis avec la personne et/ou son entourage. Les troubles sensoriels dans le TSA pouvant être difficiles à mobiliser. Une progression par petits objectifs successifs permet l’objectivation de progrès (même minimes) indispensable à l’implication motivée dans une intervention qui peut durer de quelques semaines à plusieurs années.

 

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Coralie Réveillé

Coralie Réveillé Psychomotricienne, SESSAD TSA

Doctorante en Sciences du Mouvement Humain

Montpellier (34)

 

Sources : 1(Clifford et al., 2013 ; Hannant et al., 2016; Thye et al., 2017 ; Tomcheck et al., 2015).- 2 (Haute Autorité de Santé, 2012)- .3(Ayres, 1979)- 4 (Dunn, 2010)- 5 (Réveillé, 2019) – 6 (Bennet-Brown & Dunn, 2010) – 7 (Dunn, 2010) – 8 (Bogdashina, 2012, 2020) – 9 (Degenne-Richard, 2014) – 10 (LeMenn-Tripi & Vachau, 2020) – 11 (Dufrénoy, 2015) – 12 (Réveillé, 2019) – 13 (Ruiz & Guillaume, 2022) – pour avoir la liste complète des sources, merci de nous laisser un commentaire 

Aude Habert est chargée de communication et d'événementiel chez Hop'Toys.

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