Après vous avoir présenté la méthode mathématique de Singapour, et le principe de la manipulation, nous avons souhaité clore cette série d’articles en donnant aujourd’hui la parole à une professeure des écoles. Corinne est professeure des écoles depuis 18 ans. Elle enseigne dans une école privée en Seine-Saint-Denis et a adopté la méthode de Singapour il y a 4 ans, sous l’impulsion de son Directeur d’alors, lui-même scientifique fervent. Corinne nous explique comment elle applique cette méthode avec ses élèves de CP.
Comment définiriez-vous la méthode de Singapour ? Quelles sont pour vous ses spécificités ?
La méthode Singapour, que j’utilise depuis maintenant 4 ans, est une méthode qui permet de « raconter » les mathématiques. Les élèves apprennent à raisonner et à donner du sens à ce qu’ils font.
Pour chaque notion abordée, les élèves commencent par observer, puis racontent des histoires en expliquant ce qu’ils voient. Ils mettent en scène avec des choses de la vie courante. Au fur et à mesure des chapitres, ils comprennent que leurs histoires sont des « histoires mathématiques ». En janvier, lorsqu’ils me racontent ce qu’ils voient, ils ne font plus QUE des histoires mathématiques. Ces histoires sont très concrètes et donnent du sens aux notions abordées.
Après le concret et les histoires, cette méthode propose ensuite des étapes dans la progression pour passer à l’abstraction. Entre les deux, il y a le schéma, les images. On terminera par l’abstraction (les signes par exemple).
On aborde donc chaque notion avant tout par le sens et non par la technique qui vient après. C’est pourquoi, dès le CP, la notion de multiplication et de division est abordée. Grâce au schéma, les enfants comprennent en CP que lorsque l’on cherche le TOUT, il faut additionner et lorsque l’on cherche une partie, on doit soustraire par exemple.
La méthode de Singapour peut être jugée ardue, à la fois pour les enseignants et pour les élèves. Qu’en pensez-vous ?
Je donne souvent l’exemple aux parents, en réunion de début d’année, de l’apprentissage des nœuds de lacets : on ne donne pas à l’enfant des chaussures en lui disant « fais tes lacets », sans le lui avoir montré avant, sans l’avoir guidé, sans qu’il se soit entraîné plusieurs fois. Il ne pourra y arriver que s’il s’entraîne encore et après avoir vu, expliqué et compris comment il fallait faire. C’est le même principe ici avec cette méthode : beaucoup d’exercices d’entraînement après une pratique guidée avec l’élève, afin que celui-ci prenne des automatismes dans ses apprentissages.
Qu’est-ce que cela a changé dans votre manière d’aborder le programme ? Avant cela, invitiez-vous vos élèves à manipuler, à modéliser pour appuyer la découverte d’une notion ?
J’ai commencé avec un autre manuel, très connu, lorsque je suis arrivée dans mon établissement actuel. Mais je me suis rendu compte qu’en laissant l’enfant expérimenter seul (manipulation à partir d’une question telle que « Comment faire pour…. » qu’il devait résoudre en trouvant la réponse seul, par expérimentation), il avait du mal ensuite à changer ses erreurs. De plus, dans les manuels « traditionnels », on passe d’une notion à une autre trop rapidement à mon sens. C’est pourquoi aussi la progression dans la méthode est différente des autres méthodes : on reste assez longtemps sur une notion afin que l’élève l’assimile au mieux.
Est-ce que cette méthode vous semble pouvoir apporter un plus à des élèves ayant des difficultés ?
Il me semble que cette méthode permet d’abord, de mieux capter l’attention des élèves en difficulté. Ils se plaisent à « raconter » des histoires mathématiques. De plus, ils savent pourquoi ils manipulent : pas simplement pour « faire plaisir » ou parce qu’il FAUT manipuler en mathématiques ! Le fichier est par ailleurs devenu très aéré et agréable à utiliser pour les élèves.
Concrètement, comment peut-on, dans une classe de 30 élèves, prendre le temps de laisser les enfants manipuler, modéliser, bâtir un raisonnement ? Le travail en groupe peut être intéressant, cela permet avec une classe de 30, de passer auprès de chacun. Je place mes tables très rapidement en îlots afin de les habituer à travailler de cette manière. Les affichages (qui sont également largement recommandés par cette méthode, ndlr) sont également très importants : les élèves s’y réfèrent en cas d’oubli ; ils apportent un rappel constant des notions abordées et permettent ainsi à l’élève d’être plus autonome dans son travail.
>> À lire : Méthode de Singapour, la bosse des maths pour tous !
Des conseils quant à la mise en pratique de cette méthode ?
Je pense que cette méthode n’est réellement bénéfique que si elle est utilisée sur toute la durée de la scolarité. Ici, les élèves la pratiquent en CP et CE1, mais après, elle a été arrêtée, car les enseignants dans les classes supérieures n’y ont pas adhéré, trop répétitif pour eux.
Je pense aussi qu’il est important de se former à cette méthode pour ne pas tomber dans les travers d’une méthode classique ou ne pas comprendre la manière dont il faut l’aborder, même si le fichier du maître est très clair et détaillé.
Le jeu pour consolider les notions
Après avoir fait, la semaine dernière une manipulation sur les formes en découvrant le chapitre, Corinne a proposé cette semaine à sa classe de CP, de faire un petit jeu, car « à [son] sens, le jeu fonctionne toujours pour consolider les notions ». Voici comment le « Jeu du déménageur » peut permettre de bien ancrer le nom des différents solides :
« Avec des objets de la vie quotidienne représentant des solides (une tasse pour le cylindre, un dé pour le cube, une boîte à chaussure pour le pavé etc.), je forme des équipes de 6 élèves dans lesquelles chacun choisit un numéro de 1 à 6. J’appelle un numéro entre 1 et 6. Celui qui l’a doit venir le plus vite possible chercher l’objet correspondant au solide que je cite et le rapporter à son équipe. Mes élèves ont adoré et ont retenu tout ce qui avait été vu précédemment sur les différents solides ! »
>> À lire : On manipule avec la méthode de Singapour !
Avec la méthode de Singapour, on aborde aussi les figures… et les volumes !
Les formes géométrique à trier : Ces 60 formes géométriques permettent une grande variété d’activités de tri et de classement. Vous pouvez aussi aborder les suites, les équivalences, les différences…
Volume géométrique transparent : Ces volumes géométriques transparents et colorés peuvent s’ouvrir pour y insérer mille-et-une choses. Servez-vous des volumes pour évaluer, mesurer et comparer. Utilisés sur une table lumineuse, ils permettent d’explorer les couleurs pour un rendu visuel magique.
Pour aller plus loin…
Article publié le 29 janvier 2018, mis à jour le 27 avril 2021.