Le 8 décembre 2021, nous avons accueilli Line Perrin, orthophoniste et formatrice lors d’un atelier en ligne gratuit. Pendant une heure, nous avons échangé en direct, et exploré ensemble le riche univers de la Communication Alternative Augmentée (CAA). Line vous a donné des pistes concrètes pour pouvoir démarrer votre projet et a répondu à vos questions en direct. Découvrez dans cet article un récapitulatif de ce live.

Comprendre la CAA

Définition de la communication

Afin de mieux comprendre la CAA, il est important de comprendre ce qu’est la communication. C’est le partage d’un message entre deux personnes permettant l’interaction sociale. Cette communication se base sur des codes partagés : langage, langue des signes ou pictogrammes. On peut avoir plusieurs raisons de communiquer incluant par exemple des demandes (“Je veux”), le désir de proximité sociale, décrire, commenter, s’excuser… Il y a une multitude de fonctions de la communication. La communication est un droit humain fondamental, voire un besoin humain fondamental.

Le développement du langage est un processus qui se développe au fil du temps et en réponse aux motivations et aux interactions en lien avec l’environnement d’un individu et de ses relations. Jane Korsten, orthophoniste américaine

Partout et tout le temps

On remarque que la communication c’est « partout et tout le temps », elle ne se travaille donc pas que dans un endroit, à un moment donné comme dans une séance d’orthophonie individuelle.

Un enfant typique de 18 mois aura été exposé à 4 380 heures de langage oral, soit 8 heures par jour avant de se mettre à parler. Si un enfant est exposé à son système de communication en séances d’orthophonie 2 fois par semaine pendant une demi-heure, cela prendra 84 ans avant d’avoir le même niveau d’exposition. Jane Korsten, orthophoniste américaine

Il faut imaginer que si on met en place une CAA, il faudra faire pareil qu’avec le langage oral et mettre en place une stimulation du langage assisté. Une séance d’orthophonie ne doit pas se limiter qu’au contexte du bureau. Il serait intéressant que les orthophonistes partagent leurs connaissances avec les équipes et les familles afin de les aider à mettre en place la CAA. La communication se vit, elle ne se travaille pas.

Pourquoi on communique CAA roue

Crédits : caapratik.com / Line PERRIN

Qu’est-ce que la Communication Alternative Augmenté (CAA) ?

La CAA recouvre tous les moyens humains et outils permettant de communiquer autrement ou mieux. En 2020, une étude réalisée par la Croix-Rouge française rapporte que 86% des professionnels de santé avaient découvert, grâce à la CAA, des compétences insoupçonnées chez les personnes qu’ils accompagnaient. Le rôle de la CAA dans l’autodétermination et l’autonomie chez les personnes en situation de handicap est très puissant.

Nous parlons de :

  • communication alternative, lorsque la CAA remplace le langage oral absent ou perdu.
  • communication augmentée, lorsque la CAA améliore et/ou complète le langage oral insuffisamment développé ou insuffisamment intelligible.

Les différents types de CAA

Il existe des CAA sans assistante technique, qu’on appelle « no tech » et qui regroupe les mimiques, les expressions du visage, les gestes, les postures, les systèmes signés (Makaton, Langue des signes française, etc.).

Et il existe également des CAA avec assistance technique parmi lesquels on peut distinguer les systèmes :

  • « Low tech » ou basse technologie qui ne nécessite pas de batterie comme : les systèmes papier, cahiers de vie, le système PODD, les dés de communication, les tableaux de pictogrammes encore le classeur de communication Webber.

CAA mid tech : Enregistreurs et livre parlant

  • « High tech » ou haute technologie : les applications de communication sur tablette, les logiciels sur ordinateur, des systèmes dédiés, des logiciels sur ordinateur tel que Boardmaker 7 ou Symwriter.
Activité interactive Boardmaker

Activité interactive Boardmaker

On peut également distinguer deux types de CAA : robuste et basique.

La CAA basique

La CAA basique est une forme de CAA très situationnelle, avec un vocabulaire limité et très contextuel. Peu de fonctions de la communication sont présentes. Ce système ne peut pas resservir dans d’autres situations s’il n’est pas disponible. Exemple : des pictogrammes sur la nourriture pendant le repas et rangés après celui-ci sont un système basique, car l’enfant ne pourra pas utiliser ces mots hors du contexte du repas.

La CAA robuste

La CAA robuste est une CAA qui permet la communication partout et tout le temps. Il s’agit d’un système transportable partout et à chaque situation. Il permet la grammaticalisation. On peut ainsi faire des phrases complexes avec sujet, verbe, nom, adjectif… La CAA robuste permet de créer une variété de messages fonctionnels. Elle doit aussi adapter la voix à la personne qui l’utilise et possède un vocabulaire de base et spécifique utile.

Enfin, la CAA robuste permet de placer les mots à un endroit fixe et permet la création d’automatismes pour simplifier la construction des phrases et faciliter la communication. Elle permet d’utiliser des phrases utilisées couramment telles que “Tu vas bien ?” ou « Bonjour, je m’appelle (nom de la personne). » Cela peut servir à rendre les échanges plus fluides et à faciliter le dialogue avec des personnes. Il faut aussi un langage écrit type et des mots pour accompagner la CAA, notamment pour développer le langage écrit et aider à sa compréhension dans la vie courante.

Projet de CAA : Exemple de CAA Robuste avec les pictogramme de Boardmaker ou Symwriter

>> À lire aussi : « Que peut-on faire avec Boardmaker ? »

La multimodalité, socle de votre projet de CAA

Le plus important, c’est l’utilisation de la multimodalité, à savoir l’utilisation de plusieurs fonctionnalités pour pouvoir s’adapter. On peut par exemple utiliser des boutons préenregistrés lors de la lecture d’une histoire quand une phrase se répète afin d’inciter l’enfant à interagir avec l’histoire. Line présente aussi l’utilisation d’un classeur de communication façon PODD. Le but de la multimodalité est donc de permettre une communication « partout, tout le temps ». Ainsi, il est nécessaire de penser à des outils de communication lorsque l’outil principal n’est pas accessible rapidement…

Une fois la multimodalité bien pensée et mise en place, on peut alors parler de « full CAA ». Le PODD peut être fait de différentes manières, il faut en revanche un logiciel pour le fabriquer et construire la grille. Sa créatrice, Gayle PORTER, s’est beaucoup basée sur les retours avec les familles et les professionnels pour développer l’outil. L’idée est d’avoir une méthode efficace et limitant les pertes de temps pour trouver le pictogramme à utiliser.

Avec un PODD, il faut pratiquer et s’entraîner à l’utiliser régulièrement. L’idée est de pratiquer au maximum pour savoir localiser les bons pictogrammes selon les besoins pour une communication fluide. Gayle PORTER conseille de combiner un modèle « low tech », comme un PODD papier, et une tablette, car certaines situations ne permettent pas l’utilisation d’une tablette.

>> À lire aussi : « Je fabrique un classeur de communication améliorée et alternative (façon PODD) »

Je fabrique un classeur de communication PODD

Exemples de CAA

Par exemple, on peut utiliser les systèmes « low tech » pour faire participer l’enfant à l’histoire comme avec un TLA (Tableau de langage adapté) pour indiquer à l’enfant de tourner la page ou décrire des éléments d’une scène de l’histoire. Pour les personnes avec une déficience visuelle d’origine corticale (ou cécité), il est possible d’adapter avec des pictogrammes dits tangibles avec une forme en relief.

>> À découvrir : « Je fabrique des pictogrammes tactiles et sonores ! »

Exemple de pictogrammes tactiles et sonores : boire avec un gobelet, manger avec une cuillère et nettoyer avec un essui-tout.

La CAA permet de développer l’autodétermination. Comme le disait Julia Boivin dans son livre « En tant que personne en situation de handicap, j’ai de la valeur, je peux avoir des préférences, je peux les dire et je peux faire des choix. ».

L’importance de la CAA

Il est important pour une personne pour qui l’on met en place la CAA d’entendre et de recevoir la CAA autour d’elle. Stimuler le langage assisté par l’entourage permet à la personne de bien le comprendre. Il ne sera pas forcé de comprendre le langage oral de son interlocuteur pour communiquer. Ainsi, il faut penser à mettre la personne dans ce qu’on appelle un « bain de langage ». L’environnement quotidien de la personne doit aussi fonctionner avec la CAA, il ne doit pas se limiter aux communications avec une orthophoniste par exemple.

Si on communique avec une personne ayant des besoins en CAA qu’en utilisant exclusivement le langage oral, le langage alternatif prendra du temps à se mettre en place. Il faut que les deux se complètent l’un et l’autre. Si on présente le langage oral et alternatif en même temps, en les combinant, alors l’utilisation du langage alternatif sera acquise beaucoup plus vite. Quand le langage oral est possible pour la personne, il pourra aussi être utilisé en combinaison avec le langage alternatif.

Conseils pour mettre en place votre projet de CAA

Modéliser, c’est le mot-clé de la réussite de votre projet. Line Perrin conseille de pratiquer le plus possible avec la personne, d’utiliser le système de communication le plus souvent possible. Cela permet d’aider à la compréhension orale, car un langage CAA va moins vite que le langage oral, et est donc plus facile à appréhender. En utilisant le langage CAA avec la personne, on lui montre aussi qu’on accepte son outil. On va valoriser la personne dans une démarche d’inclusion. La pratique est importante, comme le note Line, on ne deviendra pas Jimmy Hendrix si on ne pratique jamais la guitare ou qu’on ne regarde jamais comment faire !

Line conseille de suivre des formations en CAA pour appréhender de manière plus complète les différents outils et assurer la réussite de son projet. Vous trouverez de nombreuses ressources dans le livre blanc consacré à ce sujet en téléchargement gratuit ici. Il existe également des ressources gratuites sur internet comme « L’instant CAA » de Marie Voisin Du Buit disponible ici.

Lancez-vous dans votre projet CAA

Crédits : tobiidynavox.com

Lancez-vous dans votre projet de CAA !

« Personne n’est plus inefficace que celui qui hésite », il ne faut pas avoir peur de se lancer dans un tel projet. Ne baissez pas les bras face aux échecs, ils sont source d’apprentissages. L’entraînement est une des clés de la réussite de votre projet de CAA.

Identifiez les barrières

Aucun projet n’est sans embûches, et il faut savoir identifier les barrières qui bloqueraient la mise en place d’une CAA. Il peut y avoir des barrières liées à la personne, des barrières intrinsèques : problèmes moteurs, sensoriels ou de motricité fine. Il y a aussi les barrières extrinsèques comme le peu de connaissances sur la CAA et son utilité. On peut aussi retrouver une barrière de comportement ou d’attitude vis-à-vis du projet de CAA. C’est-à-dire la non-motivation à pratiquer la CAA de la part de la personne concernée, ou le fait qu’elle pratique peu la CAA et aura des difficultés à la mettre en place. Enfin, il existe des barrières politiques, par exemple si une structure refuse l’utilisation de la CAA pour la personne.

Déconstruire les mythes

Certains mythes sur la CAA persistent. La hiérarchie représentationnelle, par exemple, suppose qu’un enfant ne peut pas comprendre un pictogramme sans avoir au préalable : vu l’objet/action réelle, puis une photo, et enfin le pictogramme. Ce n’est pas parce qu’une personne ne comprend pas immédiatement le lien entre le pictogramme et ce qu’il représente qu’elle ne pourra pas le comprendre plus tard.

Certaines personnes pourraient aussi penser qu’il y a « trop de pictogrammes » et que la personne va être perdue. Line propose de relativiser en comparant avec le nombre de mots que l’on apprend et utilise en langage oral. Les pictogrammes d’un projet de CAA se calquent sur le langage oral.

Line Perrin rappelle également que « Lorsque nous présumons de la compétence, nous comprenons que des opportunités et des apprentissages sont possibles. ». Elle conclut avec cette question : « Est-ce que cette personne respire ? ». Si oui, alors elle peut bénéficier de CAA. Il n’y a pas besoin de tester la légitimité des personnes à bénéficier de la CAA, tout le monde peut l’utiliser et en bénéficier.

Les bonnes pratiques en résumé pour votre projet de CAA

  • Croire au potentiel : présumer les compétences
  • Accepter toute tentative de communication avec la multimodalité
  • Les systèmes de CAA sont modélisés et utilisés de manière cohérente tout au long de la journée
  • Interagir pour de vraies raisons de communiquer, pour créer de l’authenticité
  • Patience et persévérance

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Pour aller plus loin

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Merci à Line Perrin pour cet atelier live très concret ! Et vous, utilisez-vous la CAA à la maison ou en structure ? Racontez-nous votre expérience en commentaire !


Line Perrin, orthophoniste spécialiste CAALine Perrin est orthophoniste avec plus de 17 ans d’expérience avec un riche parcours en libéral et au sein de différentes structures ( SESSAD, IMP, CRF, hôpitaux..).
Elle est membre actif d’ISAAC francophone (International Society for Augmentative and Alternative Communication), et est par ailleurs encadrante de mémoire en CAA, créatrice du site Caapratik et intervient auprès d’équipes pour la mise en place de la CAA.

>> Retrouvez Line Perrin sur son site CAA Pratik

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