Dans le cadre du mois de l’autisme, nous avons décidé de donner la parole aux personnes concernées pour qu’elle puisse partager leur histoire. Découvrons aujourd’hui le témoignage d’Alexia Salvador, adulte sur le spectre de l’autisme.
Une enfance à part
Ma mère était maman solo avec 2 filles. Heureusement ma sœur était très sage. J’étais son antithèse. Elle était missionnée souvent par ma mère pour me surveiller. J’avais des crises à hurler (à la maison, à l’école) et je me tapais la tête pour m’endormir. Pour tout dire, je m’assommais de sommeil au sens propre. Je suis rentrée très tard dans l’apprentissage de la lecture. En CP, j’ai été prise en charge par une orthophoniste. Elle a dit à ma mère que j’étais dyslexique. Je me rappelle qu’elle me prenait en dehors du moment de classe pour apprendre à lire. Je revois encore ses mains très sèches dans mon souvenir. Durant ma scolarité, j’ai toujours eu une seule copine. Mais j’étais aussi très jalouse quand elle sympathisait avec d’autres.
Puis, j’ai été une adolescente pas du tout populaire, je ne m’intéressais pas aux garçons, c’était trop compliqué les relations. Je voyais mes copines avec leur histoire de cœur, ça m’exaspérait. Pourquoi avaient-elles des relations aussi compliquées ? Mais paradoxalement, elles me demandaient des conseils que je donnais avec plaisir. J’aimais bien les aider.
Des premiers pas dans la vie d’adulte…
Mais, ma vie de jeune femme a commencé vraiment à l’âge de 28 ans lorsque je me suis mariée. J’avais trouvé quelqu’un comme moi. Lui, il est sourd. J’avoue que j’apprécie beaucoup nos discussions silencieuses. La première année de notre mariage était compliquée. Je n’arrivais pas à comprendre le fonctionnement de mon époux, il me reprochait souvent d’être fermée, têtue et obstinée. Je n’avais pas de modèle familial stable, ayant grandi avec une mère célibataire.
Ma vie de mère a été un second séisme dans ma vie. Je me souviens avoir épluchée toutes les lectures concernant le développement psychomoteur de l’enfant, l’éducation bienveillante et les émotions. J’avais même une application hebdomadaire du développement embryonnaire. Il fallait que j’intellectualise ma grossesse. Cette notion d’instinct maternelle m’a toujours gênée et interrogée. Pourquoi si c’est un instinct, me faut-il à moi l’intégrer comme un programme informatique ? Ça devrait être inné, pourquoi passer par un apprentissage nécessaire. Une question à laquelle je n’avais pas de réponse.
Une « crise de la quarantaine? »
Quelques instants avant mon 40ème anniversaire, je me suis levée un matin et j’étais bloquée, je n’y arrivais plus. Aller travailler. C’était impossible, j’étais en larmes dans ma salle de bain avec ma fille de 3 ans et demi qui frappait à la porte en demandant, “Est-ce que tout va bien, maman ? “ Ma tête et mon corps se sont mis enfin d’accord pour cesser ce manège infernal. Je faisais tous les scénarios possibles de mon existence assise sur le canapé.
Rien ne m’aidait. J’étais seule face à ce problème que je ne comprenais pas. Qu’est ce qui se passait en moi? Or, la seule chose qui m’aidait était de lire des livres pour contenir ma pensée. J’en ai beaucoup lu pendant l’été 2021, c’est la seule chose qui me calmait cognitivement. Puis, j’ai démissionné de mon travail. Ce que je regrette, c’est la distance professionnelle de lors de ces événements.
Fallait que je trouve, sans le savoir, sans piste. Tout le long de mon parcours professionnel, à chaque poste que j’occupais. Je m’insurgeai de ce que je voyais. Mon mari me disait toujours, tu te plains de tout tes les relations humaines, tout est compliquées avec toi. Je ne comprenais pas. Je me suis posé la question, peut être que cela vient de moi ? C’est comme l’exemple d’un grand père qui a du fromage sur ses moustaches partout où il ira, elle sentira le fromage car c’est sur lui qu’il le porte mais il ne le voit pas ! Le TSA c’est un petit peu comme ça.
Et le travail dans tout ça?
Les difficultés étaient dans le travail. Je n’arrivais pas à rester à un poste fixe… J’avais besoin d’imaginer, créer, planifier, évoluer. Mais je suis victime du syndrome de l’imposteur. J’avais un bac +4, mais j’ai toujours eu des postes moins payés en tant qu’assistante administrative. La peur de m’affirmer. Mais j’ai également un gros défaut: c’est que je n’aime pas faire ce qu’il ne me plaît pas.
Le challenge, l’imagination, les découvertes dans les choses qui me passionnent… J’aime les relations d’égal à égal. Qu’il s’agisse d’un agent de propreté ou du PDG de l’entreprise. Je pense que les personnes sont comme des billets de banque, on y appose une valeur visible par des diplôme ou une situation professionnelle, mais au fond, ce n’est que du papier. Il faut rester simple comme une baguette rustique, authentique chez le boulanger.
Le diagnostic: la libération?
Le diagnostic a été un long cheminement. Le point de départ a été septembre 2018 avec une rencontre d’une autiste qui m’a pré diagnostiquée de manière informelle. J’ai des difficultés liées à une hyperesthésie oculaire et auditive et des douleurs partout quand je suis stressée. Des spécialistes m’avaient diagnostiquée une fibromyalgie. Mais c’était juste la face émergée de l’autisme. Il a fallu creuser. Mais les médecins, même les psychiatres, ne sont pas formés à l’autisme.
Et particulièrement aux manifestations féminines, qui ont tendance à plus cacher les symptômes, d’où le diagnostic tardif.
Et aujourd’hui: Témoignage d’Alexia Salvador, adulte sur le spectre
Mais maintenant, dans ma vie privée, ça va. Je me suis adaptée et mes amis sont tolérants et souples. Un l’environnement favorable à l’entraide, encouragé par mes croyances.
Dans le milieu professionnel, étant d’un naturel « assez bisounours”, je me suis fait souvent déposséder de mon énergie, voire exploitée. L’autisme est un mode de fonctionnement, avec une identité propre comme la culture des sourds, notre système cognitif et câblé différemment, basé sur une image mentale. Pour moi, c’est un petit monde où j’évolue à mon rythme.
Toutes les expériences sont vécues à fond. Imprégnée et applicable à d’autres situations similaires. Parfois, ce qui est dur, c’est que les expériences ne sont pas transposables à 100% et c’est très fatigant. Pour moi, l’autisme, c’est comme un “refus non volontaire” d’aller sur les grandes autoroutes de la vie, prendre un chemin de campagne nationale pour se rendre au même endroit, mais profiter des paysages pittoresques où la contemplation est vitale. Observez et parfois s’étonner des choses. Garder une vision détaillée de notre environnement pour pouvoir s’y adapter.
Souvent, je vois des choses qui échappent aux gens. Une fois, j’ai été une jeune fille qui pleurait à l’écart d’une foule. L’ayant remarqué, j’ai pu lui apporter un moment d’attention, je me suis sentie utile et ça lui a fait du bien. Je n’ai parfois pas de filtre mais ça m’aide à être sensible et je reste focus sur mes buts à poursuivre…
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