À l’occasion du mois de l’autisme, nous avons souhaité mettre en lumière les personnes qui accompagnent au quotidien leurs proches sur le spectre de l’autisme. Aujourd’hui, nous découvrons le témoignage de Laetitia, maman aidante de Cédric, 20 ans.

Cédric

Laetitia a 43 ans. Dans la vie, elle porte plusieurs casquettes : éducatrice de jeunes enfants, directrice adjointe de crèche, référent handicap… Mais aussi membre du comité d’expert des « pas sages » pour l’association AGIR pour la petite enfance, et bien d’autres cordes à son arc. Mais à côté de tout cela, Laetitia est également maman aidante. Son fils Cédric, 20 ans, a été diagnostiqué sur le spectre de l’autisme.

Comment vivre le diagnostic?

Lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte, Laetitia a 23 ans. C’est son premier bébé et pour elle, rien n’est plus important que connaître le sexe de ce dernier. Lors de l’échographie, l’échographiste lui répond gentiment qu’il faut d’abord s’assurer que ce bébé est en bonne santé. Elle raconte: « J’ai balayé sa réflexion d’un sourire. J’ai 23 ans, je suis en bonne santé, c’est notre premier enfant, il n’y a aucune raison de s’inquiéter. »

L’échographiste, d’abord jovial et blagueur se ferme peu à peu. Puis à l’issue de la rencontre, il annonce : « J’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. » Laetitia pense dans un premier temps qu’il fait une blague, mais ce qui suit n’est pas une blague à son goût: « Votre petit garçon a des malformations, j’ai vu un problème cardiaque, un pied bot et un bec de lièvre. » Après 24 heures, lorsqu’elle l’annonce au téléphone à sa patronne, la réalité vient la frapper de plein fouet. Après avoir effectué une échographie de confirmation, un nouvel échographiste lui annonce qu’elle va devoir envisager une interruption médicale de grossesse. Malgré tout, elle ne les écoute pas.

Et l’autisme dans tout ça ?

11 ans plus tard, Laetitia a 34 ans. Elle est entrain de terminer ses études d’éducatrice de jeunes enfants. Son fils est alors en 6ème. Elle explique: « Il a un an d’avance, et ça ne se passe pas bien […] En dehors de ses excellents résultats, l’école ne s’est jamais bien passée. » Le professeur principal de Cédric propose alors à Laetitia de venir expliquer à ses camarades pourquoi Cédric a du mal à se faire des amis. Laetitia est confuse: « c’est quelque chose qu’on propose aux parents de personnes porteuses de handicap ça… »

Elle raconte alors: « J’en parle au psychiatre qui le suit depuis 6 ans, j’apporte des observations du collège, et il m’oriente vers une psychologue comportementaliste en libéral. 2 séances et 150€ plus tard, le verdict de l’ADOS est sans appel : Cédric est autiste Asperger. » Suite à ce diagnostic, Laetitia explique ressentir deux choses bien distinctes:  dans un premier temps, du soulagement. En effet, ce n’est pas dans sa tête, il y a bien une explication rationnelle à ces problèmes.  Mais elle ressent également de la tristesse : pourquoi lui ? et pourquoi eux ? Laetitia devient alors maman et aidante.

>> À lire aussi : Joëlle Nakache et le Voyage de Jade

Laetitia, maman et aidante

Suite à de nombreux échecs pour trouver un médecin qui ne dénigrerait pas les diagnostics, Laetitia n’arrive pas à créer son dossier MDPH. Elle rencontre alors un psychiatre, à 30 kilomètres de chez elle. C’est le cœur lourd qu’elle se rend sur place. Laetitia se souvient: « Il me regarde avec un sourire taquin et lance : « il est autiste, non ? » Le médecin enchaîne: « il n’a pas de dossier MDPH ? Ok, je vous le fais tout de suite ! ». Laetitia s’entend alors dire, « vous existez pour de vrai ? »

Dans le courant des semaines suivantes, Laetitia et Cédric rencontrent ce psychiatre à plusieurs reprises. Mais aussi une assistante sociale financée par l’association Handi’Zen. Bien qu’elle soit travailleuse sociale, référente handicap et formatrice sur la question de l’autisme, Laetitia doit tout de même faire une journée de formation ainsi que plusieurs rendez-vous avec l’assistante sociale, ainsi qu’un mois de travail personnel pour finaliser le dossier de Cédric.

L’acceptation ?

20 ans après le premier diagnostic, en décembre 2023, Laetitia est confinée à cause du Covid. Mais Laetitia a des pensées suicidaires. Les pensées sont si fortes et si constantes qu’elle pense même à se rendre aux urgences psychiatriques. Mais ce n’est pas la première fois que cela lui arrive, alors elle tient bon. Et puis la réalité la rattrape. Au bout de vingt ans, elle vient de sortir du déni.

Elle raconte : « Mon fils est handicapé. Mon combat, ma force, ma présence, ne suffiront pas. » Bien qu’en face d’elle, elle trouve un adolescent qui a du mal à s’endormir, pour qui une simple douche peut prendre 6 semaines de travail, dans la tête de Laetitia, il y a un jeune homme brillant, drôle, gentil et doué… Mais entre les deux : « Le No Man’s Land du handicap: le manque de moyens, la lourdeur du système, l’incompréhension des gens… »

Et les besoins ?

Laetitia souhaite qu’une tierce personne vienne aider Cédric dans son quotidien. Pour elle, quand Cédric est lancé, il se débrouille « presque » comme tout le monde. Elle enchaîne : « Il faut « juste » lui dire tout ce qu’il doit faire et composer avec le fait qu’il n’ait pas envie de faire ce qu’on lui demande 90% du temps. »

Depuis sa rencontre avec le psychiatre et beaucoup de travail, le jeune homme a un rythme de vie plus régulier. À présent, il arrive à sentir ses besoins physiologiques avant qu’ils ne soient urgent. Mais elle aimerait que Cédric puisse être compris et pas jugé par le monde extérieur.

Un message à faire passer ?

Pour Laetitia : « L’autisme, c’est mettre un moteur de Ferrari dans un châssis de Twingo. C’est brider d’incroyable qualités dans le cadre étriqué d’une société normaliste, bureaucratique, où l’on cherche à accompagner les inclassables en les mettant dans des cases. Il faut sans arrêt prouver que l’on mérite l’aide dont on a besoin. »

Un jour, pour elle, la société aidera les autres sans contrepartie et son fils pourra être pris en charge sans avoir besoin de se justifier. Elle sera épaulée sans questionnement.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Taper la réponse pour valider votre commentaire * Time limit is exhausted. Please reload the CAPTCHA.