A l’occasion de la Journée des assistant·e·s maternel·le·s, ce 19 novembre, (re)découvrez cet article que nous avions consacré à un très bel exemple d’inclusion pratiqué par une assistante maternelle.

Pas toujours facile d’appliquer les principes d’inclusion ? Découvrez ici les bonnes pratiques d’une assistante maternelle nommée France, qui a été interviewée par Marie-Laure, une de nos Expertes Chat Communautaire. Marie-Laure est allée à la rencontre de cette professionnelle de la petite enfance pour en savoir plus. France nous éclaire sur les bonnes pratiques à avoir avec un enfant aux besoins spécifiques. Un témoignage inspirant et plein d’émotion. 

1. Pourriez-vous vous présenter rapidement ?

Je m’appelle France, j’ai 43 ans. Mariée et maman de trois enfants (18 ans, 16 ans et 7 ans), je suis assistante maternelle agréée depuis juin 2007. C’est un vrai choix pour moi. J’ai longtemps travaillé dans des centres de loisirs maternels et dans les écoles. Après quelques années passées comme secrétaire médico-sociale, j’ai décidé de faire ce que je voulais faire depuis longtemps, j’ai demandé mon agrément. J’accueille actuellement 4 enfants dont une petite fille de 4 ans et demi, polyhandicapée.

2. Comment en êtes-vous venue à accueillir un enfant extraordinaire ?

J’ai été secrétaire médico-sociale pendant 2 ans dans un Centre d’actions médico-sociales précoces. J’ai touché du doigt les difficultés que les parents d’enfants porteurs de handicaps rencontrent pour faire garder leurs enfants. Alors, quand je me suis inscrit sur les listes du Relais Assistants Maternels, j’ai coché la case « accueil d’enfant porteur de handicap ». C’est mon premier accueil d’un enfant en situation de handicap en 10 ans de métier. Le RAM aidait la famille de cette petite fille dans la recherche d’une assistante maternelle à temps partiel, j’ai répondu au mail de la responsable. J’ai rencontré la famille et la petite fille deux fois pour voir si j’avais les conditions et les capacités pour le faire. Et l’accueil a commencé en septembre 2016, à raison de deux jours par semaine.

Une assistante maternelle qui accepte le handicap de mon enfant

3. Comment les parents des autres enfants ont-ils accueilli votre initiative ?

Très bien ! En juin, je propose toujours un repas qui rassemble les anciennes familles, les présents et les futures familles, afin de favoriser les liens entre chacun. Tout le monde a fait connaissance de la petite et de sa famille lors de ce repas. Le courant est tout de suite passé et cela n’a posé de problème à personne. Les enfants que j’accueille ne font pas de différence. Ils lui apportent des jeux, lui parlent, viennent lui faire des bisous. Ils sont très prévenants avec elle. Il n’y a aucune peur, aucune réticence.

4. Avez-vous trouvé des soutiens ? Si oui, où et lesquels ?

Le RAM, nommé maintenant Relais Petite Enfance, est d’un grand soutien. La responsable est toujours prête à me donner des pistes, à m’écouter quand j’en ai besoin.
Avec l’accord des parents, j’ai été conviée à trois soirées au Centre d’action médico-sociale précoce. J’ai pu discuter de cet accueil et des difficultés que je pouvais rencontrer. J’ai aussi appris à manipuler la petite, à faire les transferts de son siège au sol, du sol à son siège, à protéger mon dos, et j’ai aussi pu avoir un matériel spécifique (un socle à roulettes) pour pouvoir la déplacer dans la maison quand elle est dans son siège moulé. Elle est alors à hauteur des autres enfants, et peut les voir.
Mais je dirais que si on ne se manifeste pas, personne ne vous appelle, ne vient vous voir… Il faut savoir se débrouiller. Je pense qu’il y aurait des choses à revoir sur le suivi des assistantes maternelles qui accueillent un enfant porteur de handicap. Les ateliers proposés par le CAMSP se font sur notre temps personnel et aucune rémunération n’est prévue par notre convention collective.

J’ai pu bénéficier d’une formation de 3 jours par l’intermédiaire du Droit Individuel à la Formation et d’IPERIA. Mes collègues sont aussi d’un grand soutien. Mes enfants et mon mari ont accueilli à bras ouvert cette famille et ils me disent souvent leur « fierté » de voir que j’ai accepté d’accueillir cette petite, c’est une belle façon pour eux de faire tomber les peurs qui entourent le handicap. Ma plus jeune fille a une belle relation avec elle. Elle est très prévenante, et aussi très touchée par cette petite. C’est important pour moi que ma famille soit partie prenante dans cet accueil, comme elle l’est avec les autres enfants.

5. Quels types de difficultés rencontrez-vous ?

Les difficultés sont de trois types. J’ai des difficultés matérielles. La petite H. est en fauteuil roulant et assise dans un siège moulé à sa morphologie. Les déplacements à l’extérieur sont compliqués, car j’accueille 3 autres enfants. Ils marchent tous, mais sont petits, il faudrait avoir 4 mains !! Je m’acharne à aller aux ateliers du relais, car la petite en a besoin et les autres aussi. Mais je n’ai pas un véhicule adapté. Ma voiture est un 7 places, mais je dois loger non seulement quatre sièges auto, mais aussi le fauteuil, et le siège moulé que je dois démonter, car cela ne loge pas d’un bloc dans le coffre. Je dois tout anticiper, les manipulations sont fatigantes. Quand il fait beau, on peut prendre notre temps, mais quand il pleut, tout se complique. Pour la petite, c’est difficile aussi, car je la manipule beaucoup. Et mon dos est fragile, j’ai fait deux lumbagos dans les premiers mois. J’ai dû revoir beaucoup de choses dans ma manière de travailler.

La deuxième difficulté est que je ne suis pas formée concernant l’éveil des enfants porteurs de plusieurs handicaps. Je suis souvent en panne d’idée pour la stimuler, la distraire, l’amuser. Les jeux adaptés sont onéreux, et je dois faire preuve d’imagination ! J’ai souvent l’impression de ne pas répondre à ses besoins.

La dernière difficulté est plus psychologique. Ce ne sont pas les soins qui sont compliqués, car s’occuper d’elle n’est pas plus compliqué que de s’occuper d’un autre enfant. Ce ne sont pas les soins qui sont compliqués, car s’occuper d’elle n’est pas plus compliqué que de s’occuper d’un autre enfant. Je dois me fier à ses mimiques, ses gestes, ses regards… Elle vient de traverser des moments difficiles avec des crises épileptiques qui se sont amplifiées, j’ai été bousculée de la voir en crise, de sentir son corps souffrir, de la voir si fatiguée. Heureusement, le traitement a été adapté, et elle va mieux. J’organise le travail des jours où elle est là en fonction d’elle. Et je ne la lâche jamais des yeux !! Et puis il faut aussi être un soutien pour sa famille qui traverse parfois des moments de fatigue, de désarroi. Il faut écouter tout en gardant la distance nécessaire pour se protéger, pour faire correctement son travail. Le métier d’assistante maternelle est très prenant, très impliquant. On est chez nous, les familles savent quasi tout de nous. Et l’accueil d’un enfant porteur de handicap bouscule beaucoup de nos certitudes !

6. Que diriez vous a un.e collègue qui voudrait accueillir un enfant extraordinaire ?

Qu’elle écoute son instinct !! Et qu’elle essaie ! Malgré les difficultés que l’on peut rencontrer, c’est une expérience très riche. Je suis ravie d’accueillir cette petite fille. Je lui dirai de ne pas rester seule, de chercher de l’aide partout où elle pourra en trouver. Je lui dirai qu’elle se sentira utile. Et que jamais elle n’oubliera cet accueil et tout ce qu’il va lui apporter. C’est une expérience humaine formidable !

7. Quels points positifs pour cet accueil ?

Tout est positif même quand c’est difficile ! Elle attend une place en institut, et même si je pense que ce serait mieux pour elle, car elle en a vraiment besoin, il n’en reste pas moins que je suis ravie d’avoir fait sa connaissance et de l’accueillir chaque jour. J’ai pleuré de joie la première fois qu’elle m’a donné sa confiance en me donnant sa main, elle n’aime pas forcément qu’on lui touche les mains… Elle me donne du courage quand je suis fatiguée. Quand elle est allongée et que je m’assois à coté d’elle, elle a toujours une de ses jambes collée à moi, elle cherche un contact. Elle m’oblige à ralentir le rythme, à observer pour la comprendre.

Elle est extraordinaire ! C’est une rencontre extraordinaire ! Une rencontre qui va me marquer pour le reste de ma vie, c’est certain.

Encore un grand merci à Marie-Laure pour le recueil de ces propos, et si vous avez des idées d’articles pour notre blog, n’hésitez pas à nous écrire en commentaire !

1 Commentaire

  • Laurette dit :

    Merci pour ce beau témoignage, mon fils , polyhandicapé, a également bénéficié de l’accueil de deux assistantes maternelles très investies. Un immense merci à tous ceux qui permettent l’accueil d’enfants porteurs de handicap auprès d’enfants ordinaires.

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