Mettre des mots sur ses émotions n’est pas toujours possible, ni facile. La ludothérapie, ou thérapie par le jeu, offre alors un espace sécurisant où l’enfant peut s’exprimer librement grâce au jeu, véritable langage naturel de l’enfance.

Cet article a été rédigé par Elodie Poirier, musicothérapeute clinicienne membre de la Fédération Française de Musicothérapie et praticienne en ludothérapie. Elle y apporte un éclairage expert sur cette approche encore peu connue en France.

Comprendre la ludothérapie

La ludothérapie appartient à la famille des thérapies par les arts, aux côtés de la musicothérapie, de la danse-thérapie ou encore l’art-thérapie. Elle utilise le jeu comme principal moyen d’expression et de communication. La ludothérapie permet à l’enfant de projeter ses vécus, d’explorer ses émotions et de renforcer son sentiment de compétence.

La ludothérapie a pour objectif de favoriser la régulation émotionnelle et l’intégration d’expériences difficiles (divorce, deuil, etc..).

Le ou la thérapeute adopte une posture non directive, basée sur l’empathie, l’authenticité et l’acceptation inconditionnelle. Les jouets, vecteurs de projection et d’expression, sont investis de significations choisies par l’enfant et peuvent se transformer librement selon ses besoins.

Un peu de théorie

Les fondements de la ludothérapie reposent sur les théories développementales de Vygotski, Piaget et Bowlby. Elles soulignent que les enfants n’ont pas toujours les mots pour exprimer des expériences complexes.

En Amérique du Nord, des figures majeures comme Virginia Axline, Gary Landreth et Dee Ray ont largement contribué à son développement, dans une approche humaniste inspirée de Carl Rogers.

En France, il n’existe pas encore de formation universitaire complète. Cependant, certains cursus ou spécialisations permettent aux professionnels de la santé mentale d’acquérir une expertise approfondie en ludothérapie.

Le jeu comme médiation thérapeutique

Le jeu répond à un besoin primaire : comprendre le monde et soi-même par l’action. En ludothérapie, les jouets sont classés en trois grandes catégories (Landreth, 2023) :

Les jouets du quotidien

Ils permettent de reproduire des scènes réelles pour en intégrer les dimensions émotionnelles. Par exemple, en utilisant les poupées et peluches, comme la poupée empathie ou les poupées inclusives. L’inclusivité étant centrale dans ce modèle.

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Les jouets permettant une action impulsive

Ils offrent un exutoire contrôlé à la colère, ce qui contribue à diminuer les accès de colère dans d’autres situations. Parmi ces jouets, on trouve les ballons d’activités et les balles sensorielles.

Les jouets créatifs

Ils facilitent l’expression abstraite et spontanée grâce à une structure souple, comme le chevalet Magic Light ou les feutres anti-pointes enfoncées. Le jeu de sable, comme la station sensorielle Playfoam Pluffle agrémentée de figurines telles que les figurines dinosaure, constitue une catégorie à part essentielle dans la salle de jeu thérapeutique. 

Enfin, les outils liés au cadre thérapeutique sont indispensables. Par exemple, le ou la thérapeute peut faciliter la transition émotionnelle de l’enfant en l’avertissant cinq minutes avant la fin de la séance et en utilisant un Time Timer de poche

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Comment se déroule une séance en ludothérapie ?

Une séance dure en moyenne 30 à 45 minutes, selon l’enfant. Il est essentiel de tenir compte du développement de chaque enfant afin d’éviter une surcharge sensorielle ou une fatigue émotionnelle excessive. 

  • Le ou la thérapeute accueille l’enfant et lui précise qu’il peut jouer comme il le souhaite, dans un cadre sécurisant. 
  • Sa posture est tournée vers l’enfant, avec une écoute active et un reflet de ses actions. 
  • Les émotions perçues peuvent être évoquées par le ou la thérapeute, mais toujours comme des hypothèses pour aider l’enfant à identifier ses ressentis, ses projections, et à les corriger si nécessaire. 
  • Des limites claires sont posées grâce à la méthode ACT (Acknowledge, Communicate, Target Alternatives).

Quelle est la place des parents ?

Les parents ont un rôle clé dans le processus. Ils peuvent accompagner leur enfant à différents niveaux : 

  • Appliquer le modèle ACT à la maison,
  • Participer à la Child-Parent Relationship Therapy (CPRT). C’est un programme de dix séances où les interactions parents-enfant sont analysées et renforcées par le jeu. 

Dans tous les cas, il est essentiel de laisser à l’enfant la liberté de partager ce qu’il souhaite, et de respecter la salle de jeu comme un espace qui lui est dédié. 

Travaillez-vous en lien avec d’autres professionnels ?

Je collabore ponctuellement avec un cabinet de psychologie spécialisé dans le développement des habiletés sociales des enfants ayant un trouble du spectre autistique et dont le modèle thérapeutique s’aligne avec les principes de la ludothérapie. Je suis aussi membre de SPRINT, un réseau de professionnels de l’éducation et de la thérapie pour les enfants et les familles anglophones en France.

Conseils pour intégrer la ludothérapie à la maison

Les principes de la ludothérapie centrée sur l’enfant peuvent être accessibles à tous les parents, bien que la justesse des techniques doive être assurée par un accompagnement professionnel.

L’essentiel est d’offrir à l’enfant un espace délimité. Il peut alors librement utiliser les jouets pour exprimer ses émotions, même les plus inconfortables. La présence attentive, l’écoute active et l’imposition de limites claires et constructives constituent des éléments clés du jeu thérapeutique.

Qu’est-ce que vous appréciez le plus dans cette approche ?

La ludothérapie répond à deux besoins fondamentaux des enfants : 

  • Un espace sécurisant où ils peuvent déposer leurs émotions, 
  • La liberté d’explorer leurs ressentis à travers le jeu. 

Dans une société où les attentes envers les enfants sont parfois élevées, les adultes favorisent leur bien-être émotionnel et leur développement en leur offrant un cadre sécurisant et des outils adaptés.

La ludothérapie montre à quel point le jeu est un formidable outil pour aider les enfants à grandir et comprendre leurs émotions.


Élodie Poirier est musicothérapeute clinicienne membre de la Fédération Française de Musicothérapie et praticienne en ludothérapie. Formée à l’université Concordia, au Canada, elle y a effectué un master de recherche sur l’intégration des principes de la ludothérapie en musicothérapie auprès d’enfants présentant des besoins psychiques. Elle travaille actuellement principalement à l’Établissement public de Santé Barthélémy-Durant, en psychiatrie périnatale; Mais aussi au sein de son cabinet privé Musiplay, en présentiel et en visioconférence.

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Alexandra Valette, Cheffe de projet communication et influence.

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