Le 13 septembre 2025, le colloque d’AFG Autisme se concluait sur une « table ronde » (dépourvue de table et de disposition circulaire, soulignait Kelly, travailleuse en ESAT).
Cette table ronde, ou plutôt cet échange riche en enseignements était co-animée par des personnes autistes accompagnées par AFG Autisme et travaillant soit en ESAT soit en milieu dit ordinaire.
L’occasion d’évoquer les difficultés et les opportunités derrière l’autisme dans le monde professionnel et les aménagements que cela implique.

Un échange vivant, drôle et instructif avec beaucoup de pistes de réflexion.

Table ronde AFG Autisme autour des aménagements professionnels

Travailler ne se résume pas à une fiche de poste.

C’est un bruit de fond. Une lumière au plafond. Une consigne floue. Une pause imposée. Un regard. Une machine à café. L’anxiété sociale n’est pas un caprice. Elle est souvent la somme de ces détails, répétés jour après jour. Les témoignages de la table ronde le rappellent. Ils montrent aussi ce qui aide réellement.

Prenons une image : le harcèlement. Tout le monde comprend aujourd’hui (on l’espère) ce qu’est le harcèlement : « Fait d’imposer à quelqu’un, de façon répétée une ou plusieurs violences (verbales et/ou physiques et/ou psychologiques) ».
Hé bien pour les personnes autistes (mais aussi TDA/H et hypersensibles), l’environnement lui-même peut être « harcelant ». Et ce n’est pas toujours compris ou pris en compte par l’entreprise.

Personne anxieuse lors d'une réunion d'équipe

Des parcours qui incarnent la diversité

Gabriel travaille en audiovisuel. Il avance et prend confiance. Hortense se forme à la cuisine. Elle veut devenir cheffe. Elle aime préparer et cuisiner mais n’aime pas le service en salle. L’intensité la submerge. Kelly, elle, aime son atelier de conditionnement. Elle a besoin de repères visuels et de consignes écrites. Romain est développeur indépendant. Il a quitté le salariat ; l’open-space, les réunions bruyantes et la sociabilité forcée ne lui convenaient pas. Germain insiste sur le sommeil, les transports, les horaires qui dérapent et le temps long qu’il lui faut pour récupérer.
Kévin quant à lui aime les interactions avec ses collègues et les consignes claires.

Ces trajectoires ne s’opposent pas, elles décrivent des besoins. Clarté des tâches, calme sensoriel, référent·e identifié·e, temps d’ajustement et reconnaissance des efforts. (Ces besoins peuvent également s’inscrire comme universels dans le monde du travail)

Nommer l’anxiété sociale

L’anxiété sociale ne se confond pas avec la timidité. Elle peut constituer un trouble à part entière. Elle peut aussi être la trace d’expériences négatives.
Humiliations scolaires. Incompréhensions répétées. “Fais un effort.” “Regarde-moi quand je te parle.” “Viens boire un verre.” Avec le temps, le corps se protège, il évite, il somatise, il explose.
Reconnaître cette histoire, c’est déjà accompagner.

Réunion d'équipe avec une personne anxieuse socialement

Des changements simples existent. Proposer des interactions choisies. Alléger les moments sociaux obligatoires. Légitimer l’absence à la machine à café. Évaluer la performance sur le travail réel, pas sur la capacité à bavarder. Rendre optionnels les “team-buildings”. Autoriser les échanges par écrit quitte à cadrer leur forme dans un premier temps.

Des aménagements qui changent une journée

Le casque antibruit n’est pas un gadget, il permet d’accéder au travail. La lumière froide et clignotante est une agression (une de plus). Une autre ampoule améliore tout. Un open-space sans cloisonnement est une épreuve. Un bureau calme quelques heures par jour fait la différence. Une consigne à l’oral se perd, un appui écrit stabilise. Un·e manager·e introuvable inquiète. Un·e référent·e joignable à heures fixes sécurise. Une réunion floue entraîne des ruminations, un ordre du jour concis et un minutage tenu apaisent.

Personne travaillant avec un casque antibruit

Ces aménagements ne sont pas juste des “plus”, ils rendent l’emploi possible et ne coûtent pas plus cher qu’un turn-over élevé.

Le droit au rythme

Certaines personnes ne travailleront pas à temps plein et ce n’est pas un échec. C’est un ajustement. D’autres alterneront l’entreprise et une structure adaptée, ce n’est pas une marche arrière, c’est une façon de tenir dans la durée.
D’autres, encore resteront indépendantes (freelancing). Elles contribuent autrement et ont, elles aussi, besoin de droits et de filets de sécurité.

La réversibilité est la clé. On essaie, on ajuste, on garde ce qui marche. Bien sûr, on arrête ce qui casse et on laisse la porte ouverte pour un retour ou un autre format.

Personne travaillant avec des fidgets

Ces règles comprises dans un monde du travail adapté sonnent, à nouveau, comme un besoin universel. Un « design de la pensée et du travail » pour tous défendu corps-et-âme par Hop’Toys.

Diagnostic et culture d’entreprise

Pour certains, la reconnaissance MDPH a été un soulagement. Elle a légitimé des aménagements.
Pour d’autres, cela n’a rien changé : soit parce que l’entreprise ne savait pas quoi en faire, soit parce qu’elle appliquait déjà les règles tacites évoquées précédemment.
Parfois, le management n’était pas formé et il a suffit d’ateliers de sensibilisation ou de formation pour pallier ce manque.
Souvent, la culture d’entreprise valorise la sociabilité plus que le travail en lui-même.

Main posée sur une épaule

Des leviers existent. Former les RH et les managers, intégrer la question sensorielle dans un document unique. Prévoir un “sas de reprise” après une crise, sortir la performance sociale des critères d’évaluation, écrire une procédure d’accueil des personnes autistes. Et bien sûr, appliquer tout cela avec régularité.

La clarté du cadre

Des consignes claires, précises, structurées, formulées par écrit.” Ce besoin revient dans tous les témoignages. Il s’agit de sécurité cognitive. Ce qui est écrit n’inonde pas la mémoire de travail. Ce qui est écrit se prépare. Et ce qui est écrit évite les malentendus.

Rendre visible le fonctionnement implicite de l’équipe aide aussi :

  • Comment demander de l’aide ?
  • À qui s’adresser pour tel ou tel besoin ?
  • Dans quel délai attendre une réponse ?
  • Comment signifier “ Je ne souhaite pas participer ” à un moment social ?

Rubikscube et travailleur en fond

Ce travail de clarification apaise les interprétations blessantes, les errances quotidiennes et le flou improductif.

Ce qui motive vraiment

La fierté vient de choses simples. Un plat apprécié. Un process optimisé. Un objet fini. Une journée sans surcharge. Un moment de rire choisi.
Les intérêts spécifiques soutiennent l’engagement. Cuisine. Audiovisuel. Code. Logistique.
Les loisirs régulent. Chorale inclusive. Jeux de société. Danse. Badminton.
Ce tissu d’aménagements et de plaisirs protège la santé mentale et mérite la même attention que la fiche de poste.

Accorder des temps de respiration au sein de la semaine aide, comme par exemple, encourager des activités de pair-à-pair. Financer une chorale inclusive en interne est possible, monter un club jeux également…
Ce n’est pas du “fun” superflu. C’est de la prévention.
De plus, les entreprises, peu importe le milieu, qui misent sur le bien-être salarial gagnent en productivité de la part des personnes concernées.

Team-building en entreprise avec besoin d'aménagements

Un environnement sain, bienveillant et respectueux et non-seulement la condition sine qua non à l’épanouissement mais également un retour sur investissement des plus évident qui soit.
Une entreprise qui donne reçoit en retour.

Un message aux employeurs

L’aménagement, la considération ne font pas perdre, ils font gagner ; fidélité, créativité, moins d’absences, moins de ruptures, davantage de qualité et cela se gagne en évitant d’avoir à former et accompagner continuellement de nouvelles personnes.
Un meilleur climat social pour tous est bénéfique, rentable et souhaitable.
La plupart des salarié·es, autistes ou non, profitent d’un éclairage doux, d’un bureau calme, d’un ordre du jour clair.
L’inclusion n’est pas un coût, c’est une méthode de management durable et aligné avec les valeurs humaines qui fondent notre société.

Un message aux personnes concernées

Demander des aménagements est légitime. Refuser un rituel social aussi. Travailler bien sans parler beaucoup est possible. Préférer l’écrit ne retire rien au professionnalisme. Expliquer ses besoins ne signifie pas se justifier. Tester un poste et conclure qu’il ne convient pas est une option. Exiger la bienveillance et la prise en compte de ses sensibilités est un droit fondamental.
La fierté du travail bien fait a toute sa place lorsque les conditions sont réunies.

Personne en situation de handicap au travail avec besoin d'aménagements

Conclusion pratique

L’anxiété sociale tout comme l’autisme n’empêchent pas l’emploi. Ce qui empêche l’emploi, c’est le manque d’aménagements et de souplesse.
La bonne nouvelle, c’est que ces aménagements sont souvent simples, ne demandent finalement que de l’écoute, de la clarté et de la stabilité.
Ils appellent un changement de culture en offrant quelque chose de précieux : des parcours possibles, choisis, tenables.
C’est ce que l’inclusion devrait toujours garantir, partout et tout le temps.

Responsable éditorial chez Hop'Toys - Œuvrer pour l'inclusion parce que la société, c'est toi, c'est moi, c'est nous !

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