Dans le vocabulaire lié au handicap, nombreuses sont les occurrences où les figures de style servant à ne pas dire plutôt qu’à dire. Explications :

L’importance des mots n’est plus à démontrer et, dans le monde du handicap, cette vérité est d’autant plus évidente. Les termes façonnent notre regard, nos représentations et, finalement, la façon dont la société traite les personnes concernées.

D’où vient le mot « handicap » ?

À l’origine, le mot « handicap » ne naît pas dans le champ médical mais dans celui… du jeu et des courses de chevaux !
Il vient de l’expression anglaise hand in cap, utilisée dès le XVIe siècle.
Le principe : pour équilibrer une partie entre deux joueurs ou une course entre deux chevaux, chacun mettait un objet dans un chapeau (cap), tenu à la main (hand), et un arbitre décidait comment répartir les avantages pour rendre la compétition plus équitable.

Femme à côté d'un cheval

Au fil du temps, le mot passe du vocabulaire du jeu à celui du sport, puis au champ social.
Au XIXe siècle, il est repris pour parler de « désavantages » ou de « charges » qui pèsent sur une personne.
Le terme « infirme », couramment employé avant, insistait sur un défaut, une faiblesse. « Handicap », lui, décrit davantage un déséquilibre dans la situation, un décalage par rapport à un cadre donné.

Ce glissement de sens est essentiel : il met déjà en lumière le fait que le « handicap » n’est pas uniquement une caractéristique personnelle mais une rencontre avec un contexte.

Pourquoi est-ce important ?

Si l’on reproche parfois au « politiquement correct » d’avoir engendré des formules comme « personne en situation de handicap » ou « personne de petite taille », c’est passer à côté de l’essentiel : le mot central dans cette expression est personne.

Nommer ainsi, c’est éviter d’essentialiser.
On ne réduit plus l’individu à un état : on le considère dans sa globalité, avec une caractéristique parmi d’autres.
« Une personne handicapée » n’est pas « un·e handicapé·e ». C’est subtil mais ça change tout : on décrit une réalité sans réduire l’identité.
Une « personne handicapée » est aussi peut-être une personne fan de littérature, passionnée de Marvel, férue de couture, fanatique de sport… Rien de cela ne la définit entièrement et tout cela constitue en partie son identité selon les moments, les lieux, les… Situations !

Personne noire en fauteuil roulant

Ce mécanisme se retrouve dans d’autres champs de discrimination.
Parler d’une « personne noire » plutôt que « d’un·e Noir·e » (sic) replace l’identité première sur « personne » et souligne que c’est la société qui a fait de la couleur de peau un critère de traitement différencié.
Les luttes intersectionnelles rappellent combien ces discriminations s’additionnent et se renforcent. Ainsi, une personne noire et handicapée peut subir du racisme au sein du milieu handi, comme de la handiphobie au sein de communautés racisées. Une discrimination n’annule jamais une autre, elle s’y ajoute.

Qu’en est-il de la « situation » ?

Pourquoi parle-t-on alors de « situation de handicap » ?
Parce que le handicap n’est pas figé. Il se révèle toujours dans un contexte précis : il est lié à l’accessibilité, ou à son absence, en l’occurrence.

On peut définir la situation de handicap comme la rencontre entre les limites d’un environnement et les capacités d’une personne à un moment donné.

Prenons l’exemple d’une personne aveugle qui chante merveilleusement bien. Dans son salon, en train de chanter avec une amie, il n’y a aucune « situation » de handicap. Mais dans une rue bruyante et encombrée, où l’environnement rend la circulation difficile, la personne se trouve effectivement en situation de handicap.

Personne en fauteuil roulant sur la plage

Cet exemple illustre aussi combien la perception du handicap évolue avec le temps, les technologies et le niveau d’inclusion de la société. Porter des lunettes aujourd’hui n’est pas considéré comme un handicap car la société s’est adaptée à ce besoin et a rendu l’outil accessible, commun et acceptable. Pourtant, au Moyen-Âge, l’absence de correction visuelle pouvait rendre la vie quotidienne extrêmement compliquée.

Autre exemple : l’analphabétisme. Au Moyen-Âge, ce n’était pas perçu comme un handicap car la majorité de la population ne savait pas lire. Dans notre société actuelle, où la lecture et l’écriture sont indispensables, cela place une personne en réelle situation de handicap.

Toutes et tous concerné·es !

Être « en situation de handicap » n’est pas réservé à une minorité : cela peut arriver à tout le monde. Une jambe cassée, une tendinite, une perte auditive temporaire, une grossesse, le vieillissement, la fatigue ou même l’absence d’un outil adapté peuvent suffire.

Pour une personne valide, l’expérience d’une jambe dans le plâtre devient révélatrice. Prendre le métro, gravir quatre étages sans ascenseur, franchir un trottoir mal aménagé… tout devient obstacle.
Ces situations temporaires donnent un aperçu du quotidien réel de millions de personnes, et montrent que beaucoup d’obstacles sont évitables si la société était vraiment pensée pour toutes et tous.

Personne avec des béquilles face à un escalier : en situation de handicap contextuel

Il n’est, d’ailleurs pas toujours nécessaire de parler de handicap visible. Voyager dans un pays dont on ne parle pas la langue donne un aperçu de ce que vit une personne sourde face à une société qui ne prévoit ni sous-titres, ni interprétation, ni supports visuels. Ce constat devrait suffire à déplacer le regard : le handicap n’est pas seulement une affaire individuelle. Il est le révélateur d’un système insuffisamment inclusif ; une situation de handicap est trop souvent systémique.

Et si on traitait cette « situation » ?

Si le handicap naît de la rencontre entre une personne, un moment donné et un environnement inadapté, alors travailler à rendre la société plus inclusive permet de réduire ces situations.
Cela passe par :

  • Des infrastructures accessibles
  • Des informations diffusées sous des formats variés (oral, écrit, visuel, numérique >  Accessible )
  • La prise en compte des besoins spécifiques dès la conception des services et produits

Chaque action de ce type fait reculer le nombre de moments où une personne est mise « en difficulté » simplement parce que ses besoins n’ont pas été pris en considération.

Personne en situation de handicap face un escalier

Nommer aussi l’invisible

Le handicap invisible représente près de 80% de la totalité des handicaps recensés.
Ces handicaps peuvent être variés et ne sont pas exempts de discriminations plus ou moins volontaires de la part de la société. On parle alors de « validisme ». C’est à dire que l’on part souvent du principe que le besoins se ressemblent et on crée, produit, fabrique et aménage des espaces et des objets pour les personnes « valides » sans prendre en compte les besoins spécifiques liées aux handicaps invisibles.

Le handicap invisible ne se voit pas mais il affecte le quotidien et le bien-être de nombreuses personnes. Dans les handicaps invisibles, il y a :

  • les troubles psychiques  (bipolarité, dépression…).
  • les troubles sensoriels (surdité, cécité…).
  • les troubles mentaux (troubles anxieux, phobies…).
  • les troubles musculosquelettiques (lombalgies, tendinites…).
  • les maladies invalidantes (diabète, asthme, allergies…)
  • les neuroatypies (dys, tdah, tsa…).

Pour sensibiliser sur le sujet et en apprendre davantage, téléchargez notre infographie !

Handicap invisible


1 page à imprimer format A4

Vers un changement de vocabulaire ? L’intime est politique !

« L’intime est politique », scandaient les mouvements féministes des années 1960 pour dire combien les expériences individuelles sont le reflet d’oppressions systémiques.
La question du vocabulaire du handicap s’inscrit dans cette même logique : les mots que nous choisissons façonnent la société.

Aujourd’hui, de nombreuses personnes concernées revendiquent et se réapproprient des termes comme « handi », « handi·e·x » ou « handicapé·e ».
Ces mots, souvent utilisés autrefois par le monde valide avec violence, deviennent des marqueurs politiques et identitaires. Respecter ces usages, c’est reconnaître que la langue appartient d’abord à celles et ceux qui vivent les réalités qu’elle décrit.

Personne handicapée avec une personne valide

Cette appellation tend à rendre visible le chemin qu’il reste à parcourir et qu’au-delà d’une rampe d’accès, c’est le regard, la considération, le traitement, les droits et les libertés qui doivent évoluer !

Tant qu’une différence de traitement systémique subsistera, le combat devra continuer.

En attendant, et pour bâtir une société (toujours) plus juste, et pour ne jamais essentialiser les personnes handicapées considérons chaque personne pour ce qu’elle est : une personne.
Avec ses sensibilités, ses joies, ses combats, ses doutes, ses peines et ses colères.
Une personne avant tout qui mérite la même considération, le même respect qu’une autre.
Toutefois, ne confondons pas égalité et équité. Prenons en compte que chaque personne à des besoins spécifiques et c’est à toute la société de faire en sorte que ces besoins sont respectés.

Responsable éditorial chez Hop'Toys - Œuvrer pour l'inclusion parce que la société, c'est toi, c'est moi, c'est nous !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Entrez les chiffres suivants pour valider *