Afin de favoriser l’inclusion des enfants ayant un trouble du neuro-développement de nombreuses structures agissent. L’une d’entre elles, l’association Ebullescence, propose des solutions pour l’inclusion des enfants ayant un TND et met en place des accompagnements pour la famille, les aidants et les professionnels. Aliénor de la Taille psychologue clinicienne et Virginie Boustouller, ses fondatrices nous présentent leur démarche.

Pourquoi avoir créé Ebullescence ? Quel est le manque que vous avez souhaité combler ? D’où vient le nom ?

​Ebullescence est née de notre expérience sur le terrain : nous avons réalisé à quel point le manque de structures adaptées en France pour les enfants​ ayant un trouble du neuro-développement, en particulier les enfants autistes, était important. Depuis ces dernières années, ces enfants sont dépistés de plus en plus jeunes, mais entre le dépistage vers 18 mois, et le diagnostic réel vers 3 ans (dans le meilleur des cas…), rien n’est réellement proposé pour ces tout-petits. Les parents courent entre un temps partiel en crèche, des consultations en cabinet libéral, c’est compliqué et onéreux.

Nous avons donc imaginé une solution : développer un réseau de crèches adaptées aux enfants ayant un trouble du neuro-développement. Ainsi, pour le même prix qu’une crèche ordinaire, les parents pourront proposer un accompagnement adapté à leur enfant dans un même lieu, les préparant à l’école, sans être obligés d’arrêter de travailler.

Le nom Ebullescence fait référence à l’ébullition des sens que tous ces enfants présentent : leurs particularités perceptives et sensorielles peuvent à la fois être une source de souffrance mais également des atouts ! Cette ébullition renvoie à leur incroyable capacité de progresser et s’adapter sans cesse.

Quelles sont vos missions principales ?

​Nous avons 3 missions principales :

– le développement d’un réseau de crèches adaptées aux enfants ayant un trouble du neuro-développement (TND) de 18 mois à 6 ans / L’accompagnement de la famille (parents et fratries)

– la formation destinée aux aidants et aux professionnels

– la recherche scientifique pour mesurer l’impact du programme que nous mettons en place

En quoi votre démarche est-elle inclusive ?

​Nos crèches sont un tremplin vers l’inclusion ! A l’heure actuelle, l’inclusion n’est pas efficace : il arrive fréquemment que les enfants soient inclus à l’école alors même qu’ils ne sont pas au stade développemental adéquat pour comprendre ce qu’on leur demande de faire en classe, et qu’ils ne peuvent pas forcément gérer l’environnement sensoriel sereinement : bruit, mouvement etc.​ Attention, je ne dis pas que ça ne fonctionne pas pour tous les enfants, heureusement, mais pour beaucoup trop d’entre eux.

​Notre proposition est de les accompagner précocement, dans un environnement​ adapté à leurs particularités perceptives, pour ensuite les inclure par petites touches en crèche ou école ordinaires dès qu’ils sont prêts. L’objectif final étant l’inclusion à temps plein en milieu ordinaire.

Quels sont les TND ? Quelles sont les spécificités de ces troubles ?

​« Les troubles du neuro-développement se caractérisent par une perturbation du développement cognitif ou affectif de l’enfant qui entraine un retentissement important sur le fonctionnement adaptatif scolaire, social et familial ». ​ (issu du site de Robert Debré)

Les TND regroupent : TSA (Troubles du Spectre Autistique), handicaps intellectuels, ​ troubles de la communication, ​troubles moteurs, TDAH (troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité), troubles spécifiques des apprentissages.

Quels sont les outils que vous utilisez et les stratégies que vous mettez en place pour accompagner ces enfants ?

​La particularité de notre structure est que tous les professionnels et les familles interagissent avec l’enfant selon un socle commun : le jeu et l’imitation selon une attitude bien précise. Ainsi cela est très cohérent pour l’enfant, puisqu’à la maison comme à la crèche les intervenants ont le même mode d’interaction participant à son évolution développementale.

Il s’agit de partir de ce que propose l’enfant afin de rester dans sa zone de confort, lui laisser le contrôle de la situation. Ainsi, l’adulte va imiter ce que fait l’enfant avec beaucoup de plaisir et d’enthousiasme. Il faut que ce soit un plaisir réel car l’enfant sent immédiatement si l’adulte imite de façon mécanique avec un plaisir feint. « L’imitation joue un rôle de premier plan dans le développement de l’enfant », ainsi que l’a souligné J. Piaget. Ce socle commun est d’autant plus important à appliquer lorsque l’on accueille des enfants avec des troubles du neuro-développement (TND).

L’imitation de l’adulte crée un lien, fugace ou plus long, mais dès lors que nous l’obtenons, nous ajoutons une variante au jeu avec un fort enthousiasme, sans rien demander à l’enfant ni l’observer avec insistance.

Les buts sont multiples à ce moment-là :

  • Créer la surprise, l’intérêt chez l’enfant pour maintenir son attention
  • Montrer à l’enfant qu’il est digne de considération
  • Travailler sur la flexibilité de l’enfant
  • Susciter son envie d’imiter la nouvelle action et ainsi de se l’approprier

Avec cette approche, l’adulte est au même niveau que l’enfant et joue avec entrain. Cela permet de susciter la motivation et l’envie chez l’enfant, source de tout apprentissage naturel. Si l’enfant imite pour nous faire plaisir ou pour répondre à notre attente, cela ne part pas de son envie propre et ainsi ce comportement risque de ne pas s’intégrer durablement.

De cette façon, et toujours dans une approche ludique et fluide, l’intervenant permet à l’enfant de consolider et de potentialiser ses capacités. La multiplicité des activités proposées par les différents intervenants permet de relancer la trajectoire développementale de l’enfant TND, grâce à la plasticité cérébrale.

Nous accueillons les enfants de 18 mois à 6 ans :

  • De 18 mois à 3 ans (âge d’entrée dans la crèche), les enfants sont accompagnés en individuel (art-thérapie, psychomotricité, orthophonie, ostéopathie) ou en tout petit groupe (4 enfants maximum), en fonction de leurs capacités, avec l’attitude évoquée précédemment.
  • De 3 à 6 ans, les enfants bénéficient d’apprentissages dont les supports varient en fonction d’eux, toujours concrets et ludiques : ateliers Montessori, méthode des Alphas, applications numériques comme LearnEnjoy© En partenariat avec l’école, nous organisons des temps d’inclusion progressifs jusqu’au CP où nous espérons avoir atteint l’inclusion à temps plein. Pour ceux qui auront encore besoin de temps avant l’école à temps plein, nous préparerons l’après-Ebullescence afin d’éviter toute rupture de parcours.

Avez-vous déjà observé des améliorations au niveau du comportement des enfants qui sont accompagnés par Ebullescence ? Si oui lesquels ?

​Oui, l’intervention précoce est axée sur le développement de l’enfant, et tous les intervenants (parents et professionnels) agissent de la même façon, avec la même attitude, donc tout devient cohérent pour l’enfant. Nous avons vu une progression beaucoup plus rapide avec une inclusion à l’école progressive réussie.​ ​Les particularités perceptives et sensorielles – source de stress – s’atténuent, les enfants ne sont plus parasités par celles-ci et savent les gérer, la communication s’établit de manière fluide avec l’environnement petit à petit, et l’accès au cognitif est possible.​

L’un vos objectifs est d’impliquer la fratrie, quels types d’ateliers leur proposez-vous ?

​Oui, ces ateliers sont ouverts à toutes les fratries d’IDF comprenant un enfant avec un handicap, peu importe lequel. Nous proposons 2 types d’ateliers :

  • « occupationnels » : ils ne sont pas axés sur le handicap et permettent aux fratries d’avoir un temps qui leur est dédié, pouvoir lâcher-prise.

ex : ateliers de psychomotricité pour découvrir les 7 sens, ou découvrir la relaxation, ateliers d’art-thérapie pour modeler une ville imaginaire, etc.

  • « thérapeutiques » : ils sont axés sur le handicap et permettent aux fratries d’échanger avec d’autres jeunes qui sont dans la même situation, pour élaborer toutes les émotions qu’ils peuvent vivre au quotidien.​

ex : groupe de parole avec le support de la photo, etc.

Nous proposons également des ateliers aux parents pour qu’ils puissent retrouver un peu de temps juste pour eux, sans enfant. Par exemple, un atelier de danses latines en couple pour se défouler, se retrouver, rire… Un atelier d’échanges entre mamans puis relaxation par une psychomotricienne.

Vous proposez également des formations destinées aux familles et aux professionnels, de quoi s’agit-il concrètement ?

​Nous souhaitons développer des formations axées sur les TND afin de permettre un meilleur dépistage de ceux-ci, des formations présentant les disciplines et techniques que nous utilisons et des outils pouvant être repris au quotidien. La première formation que nous avons donnée portait sur les particularités perceptives des personnes autistes et l’utilisation du numérique en lien avec celles-ci. La prochaine portera sur les effets de l’art-thérapie auprès des enfants TND.

Pouvez-vous nous parler un peu plus en détail de l’étude clinique que vous allez démarrer ?

​Nous associons à notre première crèche une recherche scientifique permettant de mesurer l’impact du programme que nous avons développé, sur la reprise de la trajectoire développementale des enfants et la sévérité des troubles observés. Notre espoir à terme, est que le programme soit validé, reconnu par le gouvernement, permettant ainsi aux familles d’en disposer le plus facilement possible. Cette recherche nous permettra d’affiner toujours plus notre approche afin d’améliorer sans cesse notre accompagnement.


Merci à Ebullescence pour l’écriture de cet article : https://www.ebullescence.com/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Taper la réponse pour valider votre commentaire * Time limit is exhausted. Please reload the CAPTCHA.