Amandine Verne est ergothérapeute, diplômée de l’IFE de Montpellier en 2014. Depuis la mise en place du télésoin en ergothérapie, elle a décidé de le proposer à ses patients pour continuer le suivi à distance. Dans cet article, elle vous parle de son expérience et vous donne ses conseils.

Face à la problématique sanitaire actuelle qui a nécessité la mise en place d’un confinement sur plusieurs mois en cette année 2020, les ergothérapeutes ont dû s’organiser, réfléchir et trouver des solutions pour permettre une continuité des soins. Le télésoin est devenu un moyen incontournable. L’Etat a promulgué un texte de loi dans ce sens afin de l’encadrer (une fois l’autorisation donnée par l’État, arrêté du 14 avril 2020 complétant l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire).

Solution courante et adoptée à l’étranger, c’est une pratique encore nouvelle en France. Suite aux problématiques de continuité des soins, depuis le 14 avril 2020, les ergothérapeutes et les psychomotriciens sont autorisés temporairement à pratiquer le télésoin dans le contexte de l’épidémie de COVID-19. Ils viennent s’ajouter à la liste de professions de santé pouvant réaliser de la « télésanté » (les médecins, les infirmiers, les sages-femmes, les orthophonistes, les ergothérapeutes, les psychomotriciens et les masseurs-kinésithérapeutes). Nous souhaitons par ailleurs que le télésoin soit reconnu à long terme dans nos pratiques d’ergothérapeute pour les suivis où celui-ci serait pertinent.

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Mais qui sont les ergothérapeutes ?

Les ergothérapeutes sont des spécialistes de l’évaluation et de l’amélioration de la participation de la personne dans son quotidien. Ils aident à répondre aux problématiques entraînant des limitations de participation dans la réalisation des activités au quotidien (autonomie, indépendance, dans les activités de vie quotidienne, les loisirs, le travail, la scolarité).

Pourquoi recourir au télésoin ?

Actuellement, nous n’avons pas beaucoup à épiloguer sur le fait que le télésoin est une mesure pertinente pour maintenir les suivis de santé à distance à cause du confinement.

Lorsqu’il est possible, le télésoin a également d’autres points positifs :

  • La réduction des frais (les frais de déplacement par exemple),
  • La possibilité de prendre en compte le lieu de vie/de travail/de loisir (particulièrement pertinent pour un ergothérapeute qui travaille sur les limitations d’activités dans le quotidien),
  • La possibilité de rencontrer l’entourage (personnel, professionnel…), 
  • La réduction de la fatigabilité (absence de trajet réalisé, éventuellement de « transferts » (fauteuil/voiture) dans les handicaps moteurs, la possibilité d’horaires aménagés),
  • La possibilité d’avoir accès à un praticien même dans des zones de « déserts médicaux»,
  • La possibilité de prévoir plus facilement un rendez-vous en cas « d’urgence » dans une situation du quotidien

Attention, malgré tout, les suivis en ergothérapie ne sont pas tous réalisables en télésoin, par exemple :

  • Les objectifs de soin n’étant pas réalisables à distance et en toute sécurité
  • Avec les tout-petits et dans ce cas l’ergothérapeute a également un grand rôle dans la guidance parentale. 
  • Les conseils en aménagement du domicile demande des mises en situation concrètes pour choisir l’aide technique la plus pertinente, les essais de fauteuils roulants, les actes qui demandent des manipulations concrètes (transferts…). 

Le recours au télésoin peut être une solution à discuter avec votre ergothérapeute dans sa faisabilité et son intérêt, afin de vérifier que les bénéfices sont plus importants que les contraintes.

Télésoin en ergothérapie

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Les conseils pour une séance en « télésoin » réussie

Côté parents/patients

  • Choisir une pièce « neutre » en limitant le passage du reste de la famille : que ce soit dans un souci de « concentration » que de confidentialité.
  • Vérifier sa connexion internet (internet, point d’accès wifi d’un mobile…)
  • S’assurer que l’ordinateur est paramétré de façon à ce que le son (micro, attention pour les ordinateurs « fixes ») et l’image (la webcam) fonctionnent sans difficulté.
  • Si nécessaire, un aidant ou un proche peut être présent avec la personne pour l’assister dans sa séance. Pour les mineurs, la présence d’un adulte est obligatoire.

Côté thérapeute

Avant la séance

  • Identifier les problématiques du patient au quotidien. Définir ensemble les objectifs généraux, leurs avancées et définir des objectifs spécifiques aux séances réalisées en télésoin. Définir une durée de séance selon les objectifs et le contexte.
  • Choisir un logiciel agréé par le gouvernement pour la sécurité des données.
  • Vérifier que nous avons la prescription médicale du suivi
  • S’assurer que son ordinateur est paramétré de façon à ce que le son (micro, attention pour les ordinateurs « fixes ») et l’image (la webcam) fonctionnent sans difficulté. Prévoir des écouteurs pour une meilleure communication.
  • Prévenir le patient avant la séance des modalités de la « téléséance » : quel logiciel ? Comment le paramétrer ? Quel matériel est présent dans l’environnement immédiat de la personne ? Quels matériels sont à prévoir ? Quels exercices sont à imprimer ?

Pendant la séance

  • Prévoir un téléphone à proximité pour appeler le patient en cas de problème de connexion en cours de séance…
  • Prévoir une bouteille d’eau à proximité 😉
  • Gardez un bloc-notes proche de vous pour noter les observations de séances
  • Pour les suivis en pédiatrie, l’annonce d’un exercice très motivant (renforçateur positif) pour la fin de séance peut être un moyen de maintenir l’attention tout au long de la séance !
  • Ne pas hésiter à encourager le patient à utiliser un Time timer (physique si acheté, sinon en application sur le téléphone) afin d’aider à garder la notion du temps pour chaque exercice (ou avant chaque récompense).

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Expériences de Télésoin en ergothérapie

L, 8 ans, en classe de CE2, avait débuté l’accompagnement en ergothérapie quelques semaines avant le début du confinement. Les objectifs étaient de permettre à L. d’avoir une écriture efficace en qualité et en quantité sur les temps d’écriture demandés en CE2. Il avait déjà connaissance de plusieurs exercices mis en place en amont du confinement. La poursuite du suivi a été faite à la demande de la famille. En amont de la séance, j’envoie la liste de petit matériel courant à préparer par la famille et des documents à imprimer.

La séance commence par des exercices de motricité fine, de préhensions, de manipulations dans la main à l’aide du matériel demandé, puis du travail de graphisme et d’écriture. L. peut voir mes mains « en action » et j’ai ensuite un retour vidéo de sa réalisation de l’exercice. Il me montre ensuite ses productions d’écrits en les plaçant devant la caméra. J’ai pu observer une réelle amélioration de ses capacités.

Télésoin en ergothérapie

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M, 9 ans, en classe de CM1, a débuté son suivi en ergothérapie en novembre 2019. Il est multidys et a un TDAH. En commun accord entre les thérapeutes, les parents de M, l’équipe scolaire et M, nous avons décidé de mettre en place des moyens de compensations de type outil informatique avec logiciels adaptés. M. a une écriture peu fonctionnelle dans sa scolarité, une très grande fatigabilité et des difficultés organisationnelles. Il s’agit d’un jeune très volontaire dans le souhait d’être autonome. Il était très motivé à l’idée de continuer le suivi en « télésoin ». Nous avons continué sur le travail d’autonomisation sur l’outil. Le télésoin a permis à M. de gagner en confiance en lui (nous avions convenu que la maman ne serait présente qu’à intermittence ou en cas de gros soucis), je le guidais dans la résolution de problèmes afin qu’il puisse utiliser ses stratégies dans le quotidien.

Ergothérapie et télésoin

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Mme C, 46 ans, a subi il y a 5 mois une amputation 2,3,4 doigts IPD. Elle est suivie depuis 3 mois en ergothérapie à raison de 30 min toutes les semaines pour une ré-autonomisation dans les activités de la vie quotidienne. Les objectifs thérapeutiques étant liés à l’intégration des « moignons » dans la fonctionnalité de la main notamment dans l’utilisation du matériel domestique. Les séances débutent avec un rappel des objectifs, une observation de l’état cutané et trophique de la main. La correction des gestes est faite avec un retour visuel. Les apports ont été multiples pour la patiente : une continuité des soins, un gain fonctionnel consolidé, un renforcement de l’engagement occupationnel par des réponses directes dans son quotidien, une mise en situation possible dans son quotidien.

Ergothérapie

 

Mme T, 56 ans, accident de moto avec atteinte du plexus brachial sur son membre dominant. Elle est suivie au cabinet depuis 2 mois, à raison de 30 min par semaine dans l’objectif de favoriser son engagement occupationnel et la reprise de son activité quotidienne. Les objectifs en séance étaient de favoriser l’unité corporelle et le travail des activités de vie quotidienne nécessitant une bonne dextérité manuelle. Les séances débutaient par des exercices de manipulation. Puis, elles s’orientaient sur les problématiques du jour, par exemple, la réalisation de la vaisselle. Cette activité a été filmée en évaluation directe. L’action a été réajustée par les conseils de l’ergothérapeute afin de lutter contre les compensations et la sur/sous-utilisation musculaire lors de la réalisation de la tâche. Les apports ont été importants : pas de rupture de soins, accompagnement centré sur les occupations, soutien dans le quotidien.

Mr E, 67 ans, patient parkinsonien. Il venait 45 min au cabinet depuis 2 ans, toutes les semaines dans le cadre d’une activité de groupe et tous les 15 j en suivi individuel. Ce patient mettait 45 min de trajet pour venir au cabinet, il se trouvait isolé géographiquement avec sa femme. Depuis le début du confinement, sa femme m’appelle très régulièrement. Les séances ont permis de travailler les préhensions, mais de cibler une problématique émergente : la difficulté de manipuler ses pièces de son jeu d’échecs. Le travail a été repris avec la vision et le soutien de sa femme. Le travail de la prise des repas a été aussi engagé. Les points positifs de ce suivi ont été nombreux : la suppression de la fatigue des trajets et la réalisation des transferts en moins, le soulagement du stress de sa femme pour la conduite, le maintien du lien social, la continuité du lien et du soutien d’un professionnel dans l’engagement occupationnel de monsieur. Les exercices avec les éléments de son quotidien sont réalisés avec le coaching de sa femme lors des jours OFF en ergo.

Ergothérapie et télésoin

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En conclusion, le « télésoin » s’est révélé être un outil porteur de nombreux apports dans notre suivi en dehors de la seule continuité thérapeutique. Ce moyen doit rester un des outils à la disposition des ergothérapeutes pour permettre au plus grand nombre d’accéder à un suivi en ergothérapie.

Cette période si particulière aura permis de mettre en lumière la capacité d’adaptation des ergothérapeutes afin de permettre une continuité de soin de qualité tout en respectant les restrictions sanitaires actuelles. Une partie des suivis n’auront pas eu à subir de rupture de soin. De plus, ils se seront vus améliorés par les interactions avec les aidants principaux dans le lieu de vie du patient, qui parfois nous reste difficile d’accès. Si vous souhaitez aller plus loin en tant que professionnel, je ne peux que vous conseiller l’article très intéressant de Gwendoline Janot.

Merci à Isabelle et Céline pour les témoignages supplémentaires. Merci à tous mes collègues qui ont pris le temps de relire cet article.

NB : Toutes les photos publiées le sont avec l’accord des représentants légaux, des patients eux-mêmes ou de site d’image libre de droits.

Vous aussi, vous êtes ergothérapeute et pratiquez le télésoin ? Partagez vos expériences en commentaires. 


Amandine verne - ergothérapeute

Diplômée de l’IFE de Montpellier en 2014, après avoir passé 2 ans et demi en salariat, j’ai décidé d’ouvrir mon cabinet libéral sur Aix-en-Provence. J’ai réalisé de nombreuses formations, principalement liées à la pédiatrie : CO-OP, Intégration Sensorielle, ABC-BOUM, Rééducation motrice du bébé (Michèle Forestier), Troubles de l’Oralité, C.M.E., Certificat d’université : Neuroréhabilitation fonctionnelle et intensive (en cours)… J’ai une spécialité dans la prise en charge des tout-petits et du handicap moteur. Je reçois une patientèle variée entre 6 mois et 90 ans !

Me trouver sur Facebook : Ergothérapeuteaixenprovence

Site internet : www.ergotherapeute-aix-en-provence.com

Alexandra, chargée de communication.

1 Commentaire

  • dugord dit :

    Super article pour valoruser les differentes facettes de notre metier. Mercu

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