Lors du dernier Congrès International d’Autisme Europe à Nice, Jan Tossebro, docteur en science sociale et professeur au département de travail social de l’Université des Sciences et de Technologie de Norvège, a présenté une conférence sur la prise en charge de l’autisme dans les pays du nord de l’Europe. Un article à lire pour mieux comprendre les enjeux de l’inclusion au sein de la société.

Dans les années 1960 et 1970, dans les pays scandinaves européens, les personnes aux besoins spécifiques, notamment celles atteintes d’un handicap intellectuel ou porteuses d’autisme, étaient placées dans des centres ou des institutions spécialisés. Pendant 25 ans, les pays scandinaves se sont interrogés concernant la qualité de vie dans ce type de centres spécialisés. Suite aux réflexions et aux divers mouvements politico-sociaux, différentes réformes ont vu le jour se fixant pour objectif l’inclusion et la justice sociale.

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Les changements sociétaux qui ont favorisé les réformes

  • Les institutions commencent à perdre le soutien de l’opinion publique car les parents, notamment, se plaignent des mauvaises conditions de vie de leurs enfants dans les centres. À partir de ce moment, beaucoup d’enfants commencent à rester vivre chez eux.
  • Au même moment a lieu une crise de la définition des institutions. Les personnes qui y habitent n’y sont pas soignées et leur handicap ne s’améliore pas. Pire encore, l’absence de soins aggrave dans la majeure partie des cas le handicap, notamment intellectuel. Cette situation motive une recherche alternative.
  • À cette période, on commence à parler à l’international de la ségrégation aux États-Unis ou de l’Apartheid en Afrique du Sud : cela suscite de nombreux débats sociétaux liés à l’intégration.
  • Les politiques successives des années 1940-50 et 60 avaient simplement augmenté le nombre de places dans les écoles spécialisées sans prendre en compte la notion d’inclusion. L’idée que tout le monde puisse intégrer le système général, les écoles « ordinaires », commence à faire son chemin.

 

Le rôle des associations dans les réformes

L’existence d’un mouvement social des personnes handicapées dans les pays scandinaves est intimement liée à celle du mouvement ouvrier de la fin de XIXe siècle et à la montée en puissance des syndicats. À partir du moment où une conscience sociale se réveille, les associations se renforcent avec l’appui du gouvernement.

En Suède, par exemple, les mouvements populaires associatifs sont profondément ancrés (la plupart des Suédois appartiennent à plusieurs organisations et associations). Nombre de ces organisations sont dirigées par des personnes elles-mêmes handicapées. Du fait de leur expérience et de leur action dynamique pour la défense de leurs intérêts, elles sont aujourd’hui considérées par les autorités comme des instances de consultation incontournables dans ce domaine.

Anti-Handikapp, héritage de 1968, va jouer un rôle d’avant-garde en imposant progressivement la définition sociale du handicap utilisée par l’Organisation Mondiale de la Santé. L’idée de l’assistance personnalisée promue par ce mouvement sera généralisée pour les handicapés les plus sévèrement touchés par deux lois en 1993.

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L’abolition des institutions spécialisées

À partir de 1995, la réforme abolit toutes les institutions spécialisées avec un mouvement d’intégration sociale des personnes handicapées.

Les internats pour enfants sont remplacés par des classes adaptées au sein des écoles ordinaires. La réforme rappelle également que les personnes handicapées ont, comme tout citoyen, droit à l’accès aux services publics.

Trois formes d’hébergements à financement public sont prévues: des appartements thérapeutiques dans des zones résidentielles ordinaires, des résidences-service comportant cinq à dix appartements séparés avec, éventuellement, des équipements communs, et enfin un logement individuel adapté. L’assistance assurée dans les appartements thérapeutiques varie selon les besoins des résidents. La clé du succès de cette politique, qui relève des municipalités, réside dans la mise en place des services à domicile.

Les personnes TEA commencent à avoir leur propre domicile ou bien à vivre dans des foyers de 3 ou 4 personnes, ce qui diminue les conflits. Il est acté que c’est leur droit, comme tout le monde, de mener une vie indépendante et de participer à la vie quotidienne du paysage social.

Selon plusieurs études, les personnes qui quittent les institutions pour vivre au sein de la société y gagnent une amélioration de leur qualité de vie et de leur autonomie.

Aujourd’hui en Suède, l’absence d’insertion sociale est considérée comme une « maltraitance » et une atteinte aux droits civiques.

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En parallèle, les municipalités se sont vu investies du rôle clé en matière d’aide sociale et de gestion des services sociaux après la décentralisation. Ainsi les centres spécialisés commencent à être gérés par les pouvoirs locaux. L’accent est mis alors sur l’intégration dans la société, plutôt que sur le placement en institution.

Il existe actuellement une pension d’invalidité pour les personnes entre 16 et 65 ans atteintes d’un handicap qui réduit leur capacité de travail d’au moins 25%. Elles bénéficient aussi d’un accompagnement à la recherche d’emploi en milieu ordinaire.

Dans les pays scandinaves, il existe un état providence dont l’assise repose sur un véritable consensus, avec un rôle primordial accordé aux syndicats et aux associations, une politique de l’emploi active, un système universel d’assurance sociale redistributif. Et dans notre pays? On attend vos commentaires et vos avis sur le sujet.

Sources :

La Suède et la prise en charge sociale du handicap, ambitions et limites, Sylvie Cohu, Diane Lequet-Slama et Dominique Velche, Revue française des affaires sociales 2003/4

 

 

 

 

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