Qu’il s’agisse de favoriser l’engagement et l’autonomie de l’apprenant en général ou de l’autonomie de la personne en situation de handicap en particulier, la notion d’autodétermination est une notion clé prise en compte par l’orthopédagogue. Dans cet article, nous avons demandé à deux orthopédagogues, l’une exerçant en libéral (Vanessa) et l’autre exerçant en IME (Anne-Claire) : en quoi l’orthopédagogie peut favoriser l’autodétermination ?

Les orthopédagogues sont des pédagogues formés spécifiquement aux problématiques cognitives, affectives et aux répercussions des troubles entravant les apprentissages. Spécialistes des stratégies d’aide aux apprentissages, ils conçoivent et mettent en œuvre des moyens favorisant les apprentissages et permettant le transfert des acquisitions. L’orthopédagogie est un domaine de connaissances et d’interventions qui s’intéresse à la personne dans son individualité. En cela, l’orthopédagogie permet à la personne de développer ses compétences et les exprimer. En parant les difficultés, l’orthopédagogue contribue à l’émergence du pouvoir d’agir et, de fait, au développement de l’autonomie. L’orthopédagogue place l’apprenant en situation de réussite : se sentant efficace, la personne développe son sentiment de fierté et renforce son estime d’elle-même.

Comment accompagner les personnes en situation de handicap vers l’autodétermination via un suivi en orthopédagogie ?

L’orthopédagogue n’agit pas seul, de fait, en structure médico-sociale, il est en lien avec d’autres professionnels. En libéral ou en institution, l’orthopédagogue s’inscrit dans une dynamique pluridisciplinaire et agit en complémentarité. La famille est associée au projet pédagogique, ainsi que l’apprenant en première intention.

Tout au long de l’accompagnement orthopédagogique, l’apprenant est amené à mieux se connaître et à s’engager activement dans les situations mises en place. Les séances sont construites de manière à mettre la personne en réussite. Par la suite, selon les besoins de la personne, selon ses compétences émergentes et celles en cours d’acquisition, l’apprenant pourra prendre en compte l’erreur comme une information pour avancer dans ses apprentissages.

L’accompagnement orthopédagogique mettra en avant les forces de la personne, qu’elle soit ou non en situation de handicap; et pour parer ses fragilités, des adaptations ou des moyens de compensation seront proposés.

Applicable et accessible à tous ? Faut-il des prérequis ?

L’autodétermination est, comme l’autonomie et la communication, un apprentissage à développer tout au long de la vie. Il est tributaire de compétences de communication (expressive/réceptive), de compétences de socialisation, de compétences cognitives et motrices, du développement affectif et de la personnalité, etc. Apprentissage spiralaire : les compétences acquises dans un domaine enrichissent les compétences d’un autre !

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Sur quelles compétences intervenez-vous pour aller vers l’autodétermination ?

Pour Anne-Claire exerçant en IME, il s’agit de développer, dans un premier temps, tous les prérequis qui permettent l’apprentissage de l’autodétermination: compétences de communication (expressive/réceptive), de socialisation, cognitives et motrices, du développement de la personnalité ! La valorisation à chaque étape de l’apprentissage est essentielle. L’autodétermination peut se vivre au travers de “petites choses”, moment de choix, savoir exprimer le besoin d’une pause…

Je mets en évidence chaque petit élément de compréhension, chaque petit essai réussi. Ensuite, petit à petit, la réalisation a lieu. La personne accompagnée l’observe. Le sens se fait. Et le sentiment de fierté survient.

Vanessa souligne que, selon les situations et besoins identifiés, les orthopédagogues mettent en place des accompagnements visant à développer des compétences transversales, des stratégies qui favorisent les apprentissages en général et qui sont aussi en jeu dans le processus d’autodétermination : mécanismes motivationnels, activation / initiation, stratégies d’autorégulation du stress et des émotions, inhibition de l’impulsivité, flexibilité, anticipation, planification, révision, auto-évaluation…

Un garçon en séance d'orthophonie

Qu’est-ce qui, selon vous, est le plus important pour aider les personnes à être autodéterminées ?

Pour Anne-Claire qui intervient en IME, il est particulièrement important :

D’ouvrir des possibles à la personne, de lui permettre des possibles.

De « donner à voir » pour lui permettre de se projeter.

De donner les moyens de s’exprimer, d’exprimer des choix des souhaits.

Vanessa, exerçant en cabinet, constate également que:

La notion de projet, de sens, de “pour quoi” on apprend, on fait les choses sont déterminantes. Il faut aussi penser les moyens avec l’apprenant, qu’il ait le sentiment de savoir comment faire, comment s’y prendre. Il est très important également de mettre en situation la personne de faire pour elle- même et par elle-même.

Lorsque l’autodétermination est au cœur d’un accompagnement, qu’est-ce que cela change dans votre façon de travailler ?

Dans tous les cas, l’accompagnement orthopédagogique vise l’engagement actif de l’apprenant. La personne est actrice de son apprentissage, de sa formation. Elle s’implique, elle est dans une perspective de chercher à comprendre, de chercher à partager. Elle apprend, elle devient, elle est actrice de sa vie.

Impact de l’orthopédagogie dans le quotidien

R., un jeune de 13 ans aujourd’hui (il est porteur d’un TSA), s’est épanoui à partir de sa 2e année de suivi. La première année, R. venait en séance mais il ne faisait les exercices que « pour me faire plaisir », semblait-il. Il ne profitait pas du rendu de l’exercice, il répondait seulement aux consignes, ne se saisissait pas des choix proposés, il ne s’intéressait qu’à ce que j’allais « dire » (ou faire), il imitait sans s’approprier.

L’année suivante, R. s’est détendu. Le sens a pris petit à petit. Il a commencé à trouver du plaisir à ses réalisations en dehors de moi.

Aujourd’hui (c’est la 4e année que je le suis), R. peut faire des choix, prendre des initiatives. Il s’intéresse à mes propositions, réfléchit, se détermine ensuite, et ce, sans chercher à coller à quelque chose de formalisé.

X. un élève de CE2, non lecteur, pour lequel principalement, “un manque de motivation et un refus des situations scolaires” avaient été signalés par l’enseignante. A l’issue de l’évaluation orthopédagogique, X. a pu être orienté par l’orthopédagogue vers les professionnels de santé pour dépistage. Un diagnostic de TSA a été posé depuis.

L’accompagnement orthopédagogique se poursuit: le travail sur la mise en place des stratégies d’autorégulation permet, petit à petit, à X. de mieux gérer le stress et l’inconfort générés par ses difficultés scolaires. Il accepte depuis peu d’entrer dans les situations d’apprentissage proposées par l’enseignante, et exprime aujourd’hui son envie d’apprendre à lire, il comprend mieux son fonctionnement en général, et ses freins en particulier. L’enseignante également. Les réponses pédagogiques adaptées sont en cours de construction. Nous continuons à travailler ensemble afin qu’il participe plus activement et tire mieux profit des situations d’enseignement en classe.

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Propos recueillis par Anne-Claire Leprieur, éducatrice spécialisée intervenante en orthopédagogie. Elle exerce dans un IME (institut médico-éducatif) en région parisienne. L’IME accueille des jeunes de 6 à 25 ans avec des troubles du spectre autistique. Vanessa Grandjon Naville, orthopédagogue en libéral en Haute Savoie, elle intervient auprès d’enfants et d’adolescents en difficultés d’apprentissage dont certains avec TDAH et/ou TSA.

Chargée de projet digital

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