Pour vous, c’est quoi le bonheur ? April, jeune femme de 31 ans, professeure de français au collège, diagnostiquée il y a deux ans avec des troubles du spectre de l’autisme, nous explique ce qu’est, pour elle, le bonheur. April souhaite déconstruire certains clichés et sensibiliser le plus grand nombre à la question de l’autisme.

Qui est April

J’ai 31 ans, j’ai créé une chaîne YouTube sur l’autisme il y a deux ans, suite à mon diagnostic d’autisme, car je souhaitais déconstruire certains clichés, sensibiliser le plus grand nombre à la question de l’autisme. On m’a aussi diagnostiqué une dyspraxie visuo-spatiale et un TDAH. En plus de ma chaîne YouTube, j’ai un compte Instagram où je publie les plus belles photos de mes ballades. Parallèlement à mes activités sur les réseaux sociaux, je travaille à temps plein en tant que professeure de français au collège. Je pratique la danse et le chant et je suis passionnée de littérature, de voyage et de psychologie. Depuis un an, j’ai repris des études de psychologie dans une école.

April et le bonheur

Pour moi, le bonheur, c’est tout simplement être dans l’instant présent et être en accord avec soi-même.

La chose que je trouve très positive à être autiste, c’est notre hypersensibilité. Elle nous permet d’avoir accès à des expériences sensorielles riches et intenses. En effet, on apprécie plus le goût d’un plat, la beauté d’un coucher de soleil, le confort d’un feu de cheminée, l’odeur de notre fleur préféré… Cela nous fait vivre une expérience de pleine conscience où on est totalement dans l’instant présent.

April

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Les passions d’April

L’intensité que l’on cultive dans nos passions (= intérêts spécifiques) nous procure aussi beaucoup de joie et de plaisir. Quand on s’épanouit dans nos passions, on a un sentiment d’accomplissement total qui nous remplit de bonheur et nous fait totalement oublier le monde extérieur (et ses tracas). Nous sommes capables de parler de nos passions pendant des heures et nous ne sommes jamais rassasiés. Comme nous avons toujours du désir pour faire des choses, alors nous arrivons toujours à puiser dans nos passions des ressources et du plaisir. Nos passions peuvent nous amener très loin et nous permettre de nous réaliser professionnellement ou personnellement.

Son rapport à l’autisme

Quand nous savons que nous sommes autistes (cela peut arriver plus ou moins tardivement), alors nous nous mettons à nous interroger sur notre vie, nos choix, sur qui nous sommes et ce que nous voulons faire, beaucoup plus tôt que les personnes non autistes. Nous apprenons à comprendre nos ressentis, nos besoins et à dessiner nos limites. Je pense que, paradoxalement, nous avons la chance de mieux nous connaître ou en tout cas de savoir plus tôt que les non autistes ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas dans notre vie.

Nous ne nous embêtons pas avec les codes sociaux, nous ne les comprenons pas la plupart du temps (ou bien mal) et ils nous laissent perplexes. Surtout, nous ne pouvons pas les appliquer, car ils nous épuisent ce qui je pense est une chance, car cela nous rend plus libres. Nous sommes libres d’être vraiment nous-même débarrassés des injonctions sociales, de la mode, du qu’en dira-t-on. Nous n’avons pas peur d’être nous-même, de dire vraiment ce que l’on pense, de nous affirmer face aux autres quand nous défendons des valeurs qui nous sont chères.

Le bonheur au quotidien

Ce qui me rend heureuse au quotidien, c’est d’avoir le temps de pratiquer mes passions : lire, marcher dans la nature, faire des recherches sur les voyages ou la psychologie. Ces passions structurent mes journées et sont essentielles à mon équilibre. Je suis aussi très heureuse quand j’ai un échange profond et passionnant avec une personne.
En tant que personne autiste, les situations dans lesquelles je me sens bien et qui m’apportent du bien-être sont les situations qui respectent ma sensorialité (un environnement calme, pas trop de lumière) et dans lesquelles j’arrive vraiment à me détendre physiquement, des situations dans lesquelles j’échange avec d’autres du moment que mon énergie me le permet (si j’ai bien dormi et que je me sois suffisamment reposée la veille) et si cet échange porte sur mes passions, sur une vision commune du monde, ou des témoignages de vie que je trouve particulièrement intéressants (et qui vont peut-être susciter chez moi un nouvel intérêt spécifique !).

Ce qui l’aide à se sentir bien, se ressourcer

Je me ressource en ayant des temps de « repos » dans ma semaine qui sont des temps calmes dans lesquels je repose mes sens. Par exemple, je me mets dans le noir dans ma chambre, j’écoute de la musique douce, je fais du yoga pour détendre mes muscles. Je me ressource beaucoup à travers tout ce qui est artistique et qui me permet de m’évader (à travers la musique, le cinéma, la littérature) et je fais du sport pour évacuer le trop plein d’énergie et de pensées que je peux avoir et qui à terme crée chez moi de l’anxiété.

Le message d’April pour plus d’inclusion des personnes avec autisme

Je suis globalement déçue et en colère par le regard que porte la société sur l’autisme. Dire que l’on est autiste aujourd’hui, c’est prendre le risque d’être stigmatisé, dénigré, harcelé.

L’autisme est encore aujourd’hui associé à une maladie qu’il faudrait vaincre, à une tare qui va porter malheur à la personne (et à sa famille) toute sa vie. Nous en avons encore une vision très caricaturale et qui ne correspond pas du tout à la réalité du spectre.

Il y a trop de médecins et de familles qui parlent dans les médias et pas assez les principaux concernés. Nous sommes trop focalisés à rechercher les causes de l’autisme (ce qui à mon sens pose question en termes d’éthique) au lieu d’essayer de nous comprendre.

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>> À télécharger :  » Ma Petite Expo pour sensibiliser à l’autisme »

L’autisme au quotidien

Selon moi, l’autisme est moins un handicap (même s’il y a de nombreuses difficultés) qu’une différence. C’est le regard que la société porte sur nous qui est handicapant, leur refus de nous comprendre, de nous prendre en compte et de nous intégrer en respectant nos besoins. Je constate néanmoins une évolution lente, mais qui va dans le bon sens ces dernières années où l’on entend beaucoup plus les autistes (et en particulier les adultes) où les autistes eux-mêmes prennent la parole sur les réseaux sociaux, écrivent des livres pour témoigner.

Libérer la parole pour faire avancer les choses

Donc, pour faire évoluer cette perception, il faudrait continuer à témoigner et à nous donner la parole, mais cela ne sera pas suffisant sans un réel travail de sensibilisation à la question du handicap et de l’autisme. Notamment à l’école et un bagage de formation plus solide pour les professionnels de santé (beaucoup croient encore qu’un autiste est forcément un enfant, garçon, complètement replié sur lui-même et qui ne regarde pas dans les yeux).

Les améliorations à mettre en place au sein de la société pour les personnes avec autisme

L’environnement met en situation de handicap les autistes : les supermarchés avec leurs lumières et leur musique agressives, la complexité des démarches administratives (y compris quand il s’agit de remplir notre propre demande de reconnaissance de travailleur en situation de handicap). Les objectifs de rendement dans les entreprises qui ne respectent pas le rythme individuel des personnes. Le monde est devenu de plus en plus agressif, et dans une agressivité souvent implicite (passive agressive). Cela nous désarçonne car nous ne sommes pas toujours capables de la comprendre pour pouvoir nous en protéger.

Des aménagements concrets dans les lieux publics

Ce qui pourrait améliorer notre quotidien pour plus de bien-être, ce sont des aménagements concrets dans les lieux publics, administrations. Par exemple, des heures calmes dans les supermarchés comme cela se fait déjà. Cela peut aussi être une aide proposée aux autistes pour les démarches administratives ou une simplification de ces démarches pour les personnes en situation de handicap. Dans la communication, ce qui nous aiderait beaucoup est une intention claire, des phrases simples.

Une aide à la recherche d’emploi

Concernant l’emploi, une aide à la recherche d’emploi, des aménagements systématiques. Je précise que le problème des aménagements pour les autistes est qu’ils supposent une compréhension globale de nos spécificités, il ne s’agit pas juste de nous donner un « coussin ergonomique ». Il faudrait aussi une aide financière pour la prise en charge des autistes. En effet, beaucoup voient psychiatres, psychomotriciens, psychologues et neuropsychologues concernant leurs troubles et bien sûr cela a un coût. Enfin, une augmentation de l’AAH qui est vitale pour les autistes qui ne sont pas capables de travailler faute d’inclusion et d’aménagements mais aussi sa déconjugalisation. (Actuellement un·e autiste en couple perd son AAH s’il/elle est marié·e ou pacsé·e et que son/sa conjoint·e travaille).

Retrouvez le témoignage complet d’April sur sa chaîne YouTube :

Et vous, qu’est-ce qui vous apporte du bonheur ? Dites-le nous en commentaires !


April a 31 ans, elle a créé une chaîne YouTube sur l’autisme il y a deux ans. Elle souhaite déconstruire certains clichés et sensibiliser le plus grande nombre à la question de l’autisme. En plus de sa chaîne YouTube, elle a un compte Instagram où elle publie des photos de ses ballades. Elle est professeure de français au collège. Elle pratique la danse et le chant. Depuis un an, elle a repris des études de psychologie.
Lien de sa chaîne YouTube : Dans les yeux d’April
Lien du compte Instagram :  @danslesyeuxdapril

Chargée de projet digital

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