Les 31 mai, 1er et 2 juin 2018, l’Unapei, fédération française d’associations de représentation et de défense des intérêts des personnes handicapées et de leurs familles, tenait à Lille son 58e congrès annuel.
Le thème autour duquel l’Unapei invitait tous les participants à réfléchir cette année « En mouvement vers l’éducation inclusive. Quelles scolarisations ? » était également un appel lancé au gouvernement. Hop’Toys était présent à Lille aux côtés de ces associations de familles. Nous avons eu la chance d’assister aux tables rondes consacrées à cette question de l’éducation inclusive. Nous vous en rapportons ici quelques moments forts.

Et maintenant qu’on le sait, on fait quoi ?!

On connaît aujourd’hui parfaitement le niveau de (non-) scolarisation des enfants en situation de handicap ; les chiffres sont sans appel : 88% des élèves en situation de polyhandicap n’ont accès à aucune forme de scolarisation.

Alors que faire ? Comment inclure ? Quelles approches pédagogiques privilégier pour les plus vulnérables ? Comment favoriser la coopération entre le secteur médico-social et l’Éducation nationale, ce qui est la condition essentielle de mise en œuvre de l’école inclusive ? Voici les thématiques – « les sujets qui fâchent » soulignèrent certains – sur lesquelles représentants ministériels, directeurs de structures médico-sociales, familles, enseignants ont été invités à échanger au cours de tables rondes très fortes et souvent émouvantes. Face à une certaine impatience des associations de familles, que répond aujourd’hui l’Éducation nationale ? Que met en place le Gouvernement, dont les annonces très fortes en faveur des personnes en situation de handicap avaient fait naître il y a un an de si grands espoirs auprès des familles ? En lançant une grande campagne d’interpellation des pouvoirs publics et de mobilisation citoyenne, demandant Êtes-vous #avec nous ?,  c’est cette impatience, ce sentiment d’isolement des familles que l’Unapei a justement voulu mettre en avant.

La secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des Personnes handicapées lors de son allocution de clôture.

Mais revenons aux tables rondes, car si elles ont clairement mis en évidence les insuffisances d’accompagnement, de solution de scolarisation et l’impatience des familles, elles ont aussi permis de mettre en lumière des exemples vertueux d’éducation pour tous. Des « sources d’innovation » sur le terrain en faveur de l’inclusion scolaire, que l’on aimerait voir s’étendre partout. Car comme le rappelait Luc Gateau, président de l’Unapei : « l’école inclusive est la base du vivre ensemble ».

Des enseignants à l’IME et des enfants de l’IME à l’école

Premier exemple réjouissant : à Villeneuve-d’Ascq, l’IME Lelandais, géré par une association de l’Unapei, s’est donné pour mission de révéler les capacités d’apprentissage des enfants polyhandicapés qu’il accueille. Pour ce faire : deux enseignants spécialisés viennent renforcer l’équipe pluridisciplinaire qui prend en charge les enfants. En classe, au sein même de l’IME, on travaille en binôme, on communique grâce au Makaton et, tout aussi important, on se rend régulièrement dans l’école du quartier pour partager avec les enfants de classe « ordinaire » de très riches et bons moments.

Après la diffusion de ce reportage lors des tables rondes du samedi 2 juin, la maman de Lilou, jeune fille polyhandicapée de 17 ans, soulignait une vérité essentielle, mais qu’il faut sans cesse rappeler : si « Lilou a grandi au contact des autres élèves, les autres élèves ont [eux aussi] grandi à son contact ». C’est également ce que souligne cette enseignante de classe ordinaire qui accueille les enfants de l’IME au sein de la chorale : « Quand on signe des chansons, ce sont les outils de l’IME qui viennent enrichir nos pratiques à l’école. » Lors de cette table ronde, la maman de Lilou raconta aussi que le simple fait d’avoir des devoirs emplissait Lilou d’une immense fierté. Aujourd’hui cette jeune fille sait reconnaître les lettres et, si c’est tout petit, cela a le mérite d’être.
Si elle pouvait dire quelque chose aujourd’hui au ministre de l’Éducation nationale, Monsieur Jean-Michel Blanquer (dont l’Unapei a déploré qu’il n’ait pas été présent au congrès malgré l’invitation qui lui avait été faite), voici ce que la maman de Lilou lui demanderait :

>> Lire aussi : Inclusion scolaire : des modèles inspirants 

Balayons devant notre porte

Tout en rappelant cette statistique accablante : « 88 % des élèves en situation de polyhandicap n’ont accès à aucune forme de scolarisation, quelle qu’elle soit », Guillaume Schotté, directeur général des Papillons blancs de Lille invitait leurs propres établissements [les établissements de l’Unapei de manière générale, ndlr] à massifier leur vocation pédagogique :

Dans nos propres établissements, là où les enfants les plus vulnérables sont accueillis, il est absolument indispensable d’inclure des volets pédagogiques et d’inclure la participation des enfants porteurs de handicap aux unités d’enseignement quand elles existent.

Les enseignants spécialisés sont les chevilles ouvrières, soulignait Guillaume Schotté, mais ils ne peuvent pas s’en sortir sans que les outils de communication adaptés soient mobilisés ; donc tout ceci ne peut fonctionner sans des moyens d’ergothérapie, de psychomotricité, d’orthophonie, notamment. En classe, nous devons être en capacité d’avoir pour 8 élèves 8 professionnels, sans quoi l’attention portée à l’élève n’est pas suffisante et ne produit pas d’effets.

Autre piste intéressante mise en lumière dans le reportage et soulignée par Guillaume Schotté : la pair-aidance.

La pair-aidance repose sur l’entraide entre personnes souffrant ou ayant souffert d’une même maladie, somatique ou psychique. Le partage d’expérience, du vécu de la maladie et du parcours de rétablissement constitue le principe fondamental de la pair-aidance et induit des effets positifs dans la vie des personnes souffrant de troubles psychiques. (Source : CNSA.fr)

 Là où les établissements accueillent des publics mixtes, il est intéressant que des enfants un peu moins vulnérables, bien qu’ayant leur place au sein de notre établissement, puissent aider des enfants qui eux sont plus dépendants. 

Apprendre à désapprendre

Danielle Toubert, maître de conférences en psychologie à l’INSHEA (Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés) soulignait la nécessité d’« apprendre à désapprendre », de « construire de nouvelles représentations » pour éviter, par exemple, de projeter de fausses interprétations. Elle donna l’exemple d’une petite fille dont les professionnels qui l’entouraient pensaient qu’elle rejetait un livre, alors qu’au contraire, elle se repositionnait pour mieux le voir. Cette petite fille avait en fait un problème de vision périphérique.

Beaucoup de pistes intéressantes ont été évoquées parmi lesquelles la nécessité de ne pas segmenter les prises en charge, de parvenir, enfin, à un décloisonnement entre Éducation nationale et médico-social, l’importance d’une continuité dans les apprentissages, l’obligation d’une pédagogie explicite… l’urgence, enfin, de « changer la norme ».

Dispositif Aramis : une expérimentation innovante de scolarisation des enfants avec autisme, dans un environnement pleinement inclusif

Développé au Canada par le chercheur clinicien et professeur à l’université de Nipissing (Ontario), Stéphane Beaulne, le dispositif Aramis est actuellement expérimenté dans plusieurs écoles primaires de l’académie de Limoges. Il consiste à permettre à un élève avec autisme d’être véritablement inclus dans l’école et pas seulement accueilli au cours de certaines séances de « décloisonnement ». Son bien-être et ses besoins spécifiques sont pleinement pris en considération, puisqu’en parallèle de sa présence en classe, l’enfant apprend à « s’autoréguler ».

Comme Stéphane Beaulne l’explique au magazine en ligne vousnousils, « ce système alterne la présence de l’élève entre une “classe normale” et un “sas émotionnel” (une classe d’autorégulation) – un créneau durant lequel il est coaché par un éducateur spécialisé et un enseignant, pour apprendre à gérer lui-même ses troubles émotionnels et ses comportements envahissants, et retourner ensuite travailler avec les autres. »
L’ensemble de l’équipe pédagogique, ainsi que les autres élèves, sont de plus intégrés au processus.

Olivier Chauffour est enseignant en Corrèze dans l’une de ces écoles pilotes. Au cours d’une deuxième table ronde consacrée à la coopération entre secteur éducatif et médico-social, il put – avec Aurélie Chapput, coordinatrice de parcours dans le cadre de ce même dispositif pour l’Adapei de Corrèze – témoigner de l’intérêt de ce dispositif. Et de la possibilité pour l’Éducation nationale d’accepter de bouger un peu les lignes en s’ouvrant et en se formant à de nouvelles approches thérapeutiques ou comportementales.

Olivier Chauffour, comme tous les enseignants testant ce dispositif, a été formé pendant deux jours par Stéphane Beaulne. Cet aspect de la nécessaire formation des enseignants (par et au contact de thérapeutes) a ainsi pu être rappelé, car comme le dit Olivier Chauffour : « il faut avoir été formé pour savoir comment réagir la première fois qu’on se retrouve face à un enfant avec autisme ayant une crise ». Aujourd’hui, il appelle, par un simple changement de sémantique, les autres professeurs à changer de regard :

Si on ne dit pas cet enfant pose problème, mais cet enfant a un problème, on se met déjà en position de l’aider.

> Lire aussi : L’environnement inclusif : l’école

Mobilisons-nous pour une école et une société inclusives !

À l’occasion de ce 58e congrès, l’Unapei a lancé une grande campagne de mobilisation Êtes-vous #avec nous ? destinée, selon les mots de son président, Luc Gateau, à « révéler la réalité des scandales que de nombreuses personnes en situation de handicap, familles et professionnels subissent, à révéler la réalité des vies des personnes en situation de handicap et à engager nos concitoyens à agir. Pour changer la société et bannir l’inacceptable. »

Dans le cadre de cette campagne, l’Unapei propose 50 témoignages pour alerter sur la réalité du quotidien des personnes en situation de handicap. Voici l’un deux :

Pour découvrir d’autres témoignages et savoir comment aider l’Unapei dans son combat pour plus de reconnaissance et un accès à l’éducation pour tous, rendez-vous sur le site consacré à la campagne : http://www.avec-nous.com/

Vous aussi, montrez-leur que vous êtes #avec[eux] !

 

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