La recherche génétique sur l’autisme avance à grands pas, elle éclaire des mécanismes, ouvre des pistes et permet de mieux anticiper certains besoins.
La conférence de Thomas Bourgeron, professeur à l’Institut Pasteur au colloque AFG Autisme, croisée avec le témoignage de Marie Pillez, présidente d’ATGPDA-Autisme 64 et mère de Jean-Baptiste, (jeune homme autiste et passionné par les chaînes Hi-Fi) sur le parcours de son fils, offre un regard précieux : la génétique peut libérer, orienter et sécuriser, à condition de rester reliée au quotidien, à l’environnement et à la diversité des trajectoires.
La génétique comme boussole
Thomas Bourgeron a réussi, lors de sa conférence, l’exploit de vulgariser un sujet complexe et captivant.
Certains variants rares, parfois apparus de manière spontanée, modifient fortement le fonctionnement des synapses et expliquent des formes sévères associées à des comorbidités. D’autres variations n’ont qu’un effet diffus, augmentant une probabilité plutôt qu’une certitude.
Lorsqu’une mutation identifiable est présente, elle peut aider à anticiper certains risques connus : troubles du sommeil, crises d’épilepsie, particularités sensorielles ou difficultés orthopédiques. Cette information permet d’organiser un suivi plus ajusté et rassure les familles. Quand aucune cause génétique n’est mise en évidence, l’observation clinique, l’adaptation de l’environnement et l’écoute restent les leviers essentiels.
Ce que montre la recherche, c’est que la génétique est un outil parmi d’autres. Elle oriente, mais n’explique pas tout. Surtout, elle ne hiérarchise pas les personnes. Elle n’efface jamais le rôle déterminant de l’éducation, du soin et des aménagements du quotidien.
Cependant, la génétique permet de dissiper les éventuels sentiments de culpabilité lié à l’autisme que ressentent parfois les parents.
La génétique éclaire une fonctionnement du cerveau et permet de mieux adapter les solutions aux besoins et au fonctionnement des personnes concernées.

L’environnement, levier immédiat
La génétique aide à comprendre et ne dispense pas d’agir dès maintenant.
Le sommeil, la sensorialité, l’anxiété et la douleur façonnent le quotidien autant que les gènes. Aménager un espace apaisant, protéger des temps d’autorégulation, réduire le bruit ou la lumière agressive, stabiliser les consignes, nommer les émotions : ces gestes simples changent une journée, parfois une vie.
Le sommeil mérite une attention particulière. Les troubles sont fréquents et ne sont pas accessoires. Un meilleur sommeil diminue l’irritabilité, améliore l’attention et allège la charge sur toute la famille. Mettre en place des routines, sécuriser la chambre, baliser la fin d’écran, et si besoin, solliciter un avis médical adapté, sont des actions concrètes et prioritaires.
Le témoignage de Marie Pillez : sortir de la culpabilité
Le vécu parental rappelle à quel point la génétique n’est pas une abstraction. Le récit de Marie Pillez illustre la force d’un mot : « mutation de novo » (Changement d’un caractère héréditaire survenant spontanément). Cette découverte, après des années de doutes, a transformé le regard porté sur son fils et libéré la famille d’un poids immense.

Avant ce diagnostic, la culpabilité dominait. Chaque difficulté, troubles alimentaires, épilepsie, particularités sensorielles, refus scolaires semblait pointer un échec ou une faute.
Même des paroles médicales blessantes, qualifiant à tort l’autisme de psychose, venaient renforcer cette charge. L’annonce d’une variation génétique spontanée a interrompu cette spirale. Elle a redonné confiance et ouvert un espace d’action plus juste : surveiller certaines comorbidités, adapter l’environnement sensoriel, protéger le sommeil, introduire des outils numériques adaptés.
Ce résultat ne « répare » rien. Il déplace la narration en mettant fin à la traque des causes morales. Il apaise des peurs anciennes et permet à la fratrie de construire ses choix sans la menace d’une culpabilité transmise.
Comprendre le quotidien autrement
La génétique offre un langage scientifique et c’est le quotidien qui révèle les besoins concrets.
Le témoignage rappelle que l’expression verbale peut être bien plus limitée que la compréhension. Ce décalage crée des malentendus et génère de l’anxiété. Ajuster son rythme de parole, utiliser des supports écrits ou visuels, respecter des temps de latence sont des adaptations simples qui changent l’expérience de communication.
La douleur aussi se manifeste autrement : un refus, une agitation, un retrait.
Beaucoup de médecins peinent à la reconnaître dans ces formes atypiques. Documenter les réactions et relier les contextes devient précieux pour éviter les errances et protéger l’enfant/ la personne concernée quel que soit l’âge.
Ces ajustements exigent d’écouter avec attention ce que les familles savent déjà. Leur observation, accumulée au quotidien, constitue une ressource aussi précieuse que les données d’un séquençage.
De la science à l’action concrète
Pour que la génétique serve réellement, ces résultats doivent être traduits en repères utiles. Un outil simple est le « profil d’apaisement ». Il décrit ce qui calme, ce qui épuise, les lieux anxiogènes, les signes d’alerte, les stratégies d’autorégulation.
Partagé entre famille, école, professionnel·les de santé et structures médico-sociales, ce document crée un langage commun qui sécurise les transitions et aligne les pratiques.
Les temps d’autorégulation, eux aussi, doivent être rendus visibles et protégés. Ils ne sont pas des récompenses, mais une condition d’accès aux apprentissages. Les inscrire explicitement dans un emploi du temps et expliquer leur utilité à l’entourage permet de légitimer leur place.

L’accompagnement s’appuie ainsi sur une méthode simple : observer, ajuster, mesurer, recommencer.
Fixer un objectif, modifier une variable à la fois, regarder ce que cela change, garder ce qui aide, abandonner ce qui épuise.
Cette logique scientifique, appliquée au quotidien, permet d’améliorer le confort et la participation sans chercher à normaliser.
Un enjeu de société
La recherche avance mieux quand les parcours de soin et de science se rejoignent.
Les familles ont droit à des résultats compréhensibles, à des délais raisonnables, à un accueil respectueux. Les bases de données doivent être sécurisées et les consentements clairs. Mais surtout, un diagnostic génétique doit se traduire en soutiens concrets. Sans cela, la génétique reste un discours et c’est précisément ce que Thomas Bourgeron combat !

Ce double regard scientifique et parental souligne que la génétique peut libérer du poids de la culpabilité, orienter des choix médicaux, donner des mots pour contester des idées fausses, mais qu’elle n’a de sens que si elle s’accompagne d’une attention au confort, à la douleur et à l’inclusion réelle.
Tenir la complexité sans perdre le cap
La génétique explique des mécanismes. L’environnement façonne des chemins. La neurodiversité rappelle que chaque personne est unique.
Le cap reste le même : chercher ce qui aide cette personne, aujourd’hui, à vivre mieux. Le mettre en place. Observer. Ajuster. Recommencer.

C’est une démarche scientifique, mais aussi profondément humaine. Une éthique de l’accompagnement. C’est ce qui relie la rigueur des chercheurs et la tendresse des familles.
La génétique permettra, dans un avenir proche de préciser les besoins et les méthodes qui fonctionnent. Elle permettra aussi de mieux comprendre les comorbidités, évitant ainsi de mener plusieurs batailles séparées mais de concentrer les efforts de façon plus efficace !