Le 8 juillet 2020, nous avons eu la chance de partager un Instagram Live avec Audrey Seigneurin, enseignante dans l’académie de Versailles. Depuis plusieurs années, Audrey a aménagé sa classe en classe flexible. Elle évalue avec les ceintures de compétences et utilise le numérique dans son enseignement. Dans ce billet, Audrey répond à toutes les questions que nous avons reçues et auxquelles nous n’avions pas eu le temps de répondre lors du live. L’objectif : vous accompagner et vous donner les informations clés pour réussir votre projet de classe flexible !
Que veut dire mettre en place une classe flexible ?
Mettre en place une classe flexible ne se résume pas à proposer aux élèves différents types d’assises. Une classe flexible est une classe qui va proposer différentes surfaces de travail et différents types d’assises aux élèves pour leur permettre de bouger et maximiser ainsi leur attention et leur motivation en classe.
Passer à la classe flexible engage, beaucoup plus largement, à repenser sa manière d’enseigner, à chercher à répondre à ces problématiques majeures. C’est une nouvelle pédagogie qui invite à repenser :
- la place de l’enseignant : celui-ci n’est plus dans une position souveraine de détenteur unique du savoir. Il devient animateur d’une classe où chaque enfant va contribuer à un savoir, construit en commun.
- la place et le rôle de l’élève : autonomie, initiative, respect de soi et des autres… L’élève développe des compétences qui vont le rendre acteur de ses apprentissages.
- l’espace et le temps : le groupe-classe ne va plus fonctionner que d’une seule et même voix (comme une classe « en autobus »).
Comment expliquer aux élèves et aux parents le fonctionnement de la classe flexible ?
C’est important de présenter aux élèves le projet de façon simple et explicite. Pensez à expliquer le fonctionnement, mais surtout les objectifs visés : être acteur de ses apprentissages, travailler à son rythme, s’installer comme on le souhaite selon ses besoins, être autonome, établir une confiance enseignant – élèves et élèves – élèves. Les enfants, une fois convaincus seront vos meilleurs ambassadeurs auprès de leurs parents !
Je présente cependant toujours le fonctionnement lors de la réunion de la rentrée, de façon aussi explicite qu’aux élèves.
Avec ce contexte de crise sanitaire, comment mettre en place la classe flexible et en même temps respecter les protocoles ?
C’est difficile de répondre à cette question sans savoir quel protocole nous attend. Si un assouplissement est possible et que l’on peut envisager de faire manipuler du matériel commun aux élèves d’une même classe en le désinfectant une fois par jour ou en le laissant au repos 24 h, il sera envisageable de pratiquer des centres ou ateliers de manipulation autonomes. Cela demandera une organisation un peu plus carrée, mais cela peut se faire.
Tout le monde l’a vécu durant le confinement, le numérique a sauvé la continuité pédagogique et les élèves ont fait d’énormes progrès dans ce domaine. Quand les établissements sont équipés, il est donc possible d’inclure les outils informatiques au service de la différenciation et de la flexibilité des apprentissages.
En emballant les claviers et les tablettes dans du film alimentaire transparent, il est facile de désinfecter les supports sans les abîmer et donc de prêter les ordinateurs et les tablettes aux enfants. Ils peuvent regarder une capsule vidéo pour découvrir une nouvelle notion non encore abordée dans le groupe classe (principe de la classe inversée) ou s’entraîner en ligne sur des sites ludiques et pédagogiques (Learningapps.org, pitetpit.fr, calcul@tice, quiZinière…).
>> Pour en savoir plus sur la classe inversée
Comment gérer les élèves qui n’arrivent pas à travailler de manière autonome ?
Il est possible de leur imposer les activités à faire à la journée, à la semaine ou sur un créneau…
On peut également leur proposer moins de choix qu’aux autres élèves, ils peuvent ainsi quand même choisir, mais sans avoir justement « l’embarras du choix » qui parfois déstabilise certains élèves. J’ai longtemps cru que c’était un échec de ne pas laisser chaque élève gérer sa feuille de route (appelée aussi plan de travail), mais c’est une autre forme de différenciation que de le guider de manière formelle.
Il est également envisageable de former des binômes hétérogènes au sein desquels un élève pourra solliciter et motiver son camarade. Toutefois, cela ne doit pas peser sur l’élève moteur du binôme sous peine de provoquer chez lui l’effet inverse, à savoir la démobilisation. Une alternative possible que j’utilise dans ma classe, c’est le tutorat ponctuel. Des élèves sont identifiés comme étant plus à l’aise et peuvent être sollicités par leurs pairs qui rencontrent des difficultés. L’avantage est que ce n’est pas forcément toujours le même tuteur qui est sollicité.
Comment instaurer des règles et quelles règles préconises-tu ?
Je me répète encore, mais les règles doivent être établies AVEC et POUR les élèves. C’est ainsi qu’elles feront sens pour eux.
En ce qui concerne le « flexible seating », c’est-à-dire le principe de pouvoir changer d’assises fréquemment, j’instaure des règles d’or, empruntées aux collègues canadiens à l’origine de cette pratique, à savoir :
- choisir une assise qui me convient,
- donner le meilleur de moi-même,
- changer de place si ça ne va pas,
- prendre soin du matériel,
- ne pas déranger les camarades qui travaillent en autonomie et avec l’enseignant,
- l’enseignant peut me déplacer en cas de besoin.
La seule assise que je régule est le ballon, car y rester pour une durée prolongée n’est pas recommandé. Point de vigilance également quand il s’agit d’activités de graphisme, où il faudra veiller à ce que l’élève ait une posture adaptée.
>> Voir aussi : 15 conseils pour créer votre plan de classe flexible
Quand et comment introduire les plans de travail ?
C’est très variable selon les élèves, leur âge, leur habitude ou pas de ce type de fonctionnement… Généralement, j’introduis les feuilles de route à gérer tout seul à partir de la 3e semaine de septembre. Au début, il faut beaucoup les accompagner. Il est également possible de mettre tous les élèves sur le même plan de travail pour qu’ils le prennent en main.
Comment valider l’acquisition des compétences ?
C’est très variable encore une fois, cela peut être par une observation directe de l’enseignant, par les pairs, tout seul avec du matériel autocorrectif. Parfois, certaines activités sont validées par une petite fiche de validation, souvent au format A5 qui permet brièvement de voir si l’élève a bien compris la notion et peut la transposer tout seul dans un exercice. La validation peut aussi être différée du moment où l’élève réalise l’activité : photo, enregistrement audio, fiche écrite… Dans ce cas, cependant, l’enseignant se montrera vigilant quant à un retour dans un délai bref, surtout avec les plus jeunes.
Globalement, les évaluations traditionnelles passées par tous les élèves en même temps tendent à disparaître puisque les élèves n’en sont pas tous rendus au même point.
Elles peuvent toutefois être utiles non pas en évaluations sommatives, mais en évaluations diagnostiques afin de constituer des groupes de besoins et voir où en est chaque élève.
Comment éviter les bavardages et les enfants qui papillonnent sans se poser ni travailler ?
Il faut distinguer le bruit de travail et le bavardage tout d’abord.
Il faut également savoir lâcher prise et accepter de ne pas tout voir et tout contrôler. Certains élèves vont passer par cette phase, peut-être parce qu’ils ne sont pas à l’aise, pas encore assurés dans le fonctionnement ou parce qu’ils n’ont pas intégré que liberté de choix de travail ne signifie pas temps de récréation. Il faut les laisser, au moins dans un premier temps, expérimenter cette phase. Généralement, les enfants agissent par mimétisme et l’enthousiasme des élèves qui travaillent seuls se transmet aux autres.
De la même façon, les ateliers autocorrectifs peuvent poser question dans la mesure où l’élève qui le décide peut tricher partout. Mais est-ce bien de la triche dans la mesure où il s’agit d’un entrainement ? Il s’agit d’une stratégie d’apprentissage, l’élève en regardant la bonne réponse se rassure et il n’est pas exclu qu’il la retienne !
Toutefois malgré la remise en question de la posture de l’enseignant qui n’est plus le seul détenteur des savoirs et une manière différente d’enseigner, il n’en reste pas moins le garant des conditions d’apprentissage propices à toute la classe et peut donc de fait, guider, cadrer et accompagner davantage les élèves qui en ont manifestement besoin.
Comment enseigner l’écriture au CP, en sous-groupe ou en classe entière ?
Pour pouvoir observer le geste graphique de chaque élève en le reprenant immédiatement si besoin, il est plus aisé de travailler cette compétence en effectif restreint.
En termes d’outils, quels sont les indispensables pour démarrer ?
Je dirais qu’il faut surtout être au clair dans la manière dont on souhaite fonctionner, que ce soit en centres, en ateliers de manipulation, en plan de travail, en ceintures de compétences… Il faut également réfléchir à un outil de suivi des élèves.
Ensuite, pour aider les élèves à gérer leur temps, les timers, sabliers, etc. sont bien utiles. Pour leur permettre de se déplacer plus librement sans avoir de souci de gestion du matériel, il faut soit adopter du matériel commun à la classe, soit les élèves se déplacent avec leur matériel. Un meuble à casiers ou des caisses de rangement permettent de regrouper les cahiers et permettent ainsi aux groupes de retrouver vite ce dont ils ont besoin. Enfin, après avoir libéré de l’espace, l’aménagement de la classe peut être envisagé avec des assises flexibles, des supports variés…
>> Découvrir la sélection des outils pour la classe flexible
Peut-on utiliser les outils de la classe flexible à la maison ?
Oui, pourquoi pas ! Les règles d’or qui régissent la classe flexible peuvent être appliquées en famille. Un enfant peut s’asseoir sur un ballon ou un coussin d’équilibre pour travailler à la maison. Il peut être autonome à l’aide d’un sablier pour apprendre sa poésie ou sa leçon. Il peut s’enregistrer, puis s’écouter et décider s’il est prêt ou non à la réciter en classe.
Revoir le live :
Et vous, que pensez-vous de la classe flexible ? Est-ce que cela vous inspire à essayer ? Partagez votre avis en commentaires !
Article publié le 15 juillet 2020, mis à jour le 19 juin 2023