On parle régulièrement des neurosciences et des bienfaits de ces recherches sur le développement des compétences chez nos enfants. Mais on connait moins bien la neuroéducation. Cette discipline, située à l’intersection des neurosciences et des sciences de l’éducation, promet de beaux progrès en matière d’apprentissage, d’autant plus lors que les acteurs de l’éducation se saisiront de ces enseignements.

Qu’est-ce que la neuroéducation ?

La neuroéducation, connue aussi sous le nom de neuropédagogie, est une discipline qui combine, entre autres, les neurosciences, la psychologie et l’éducation. Elle s’adresse principalement aux éducateurs et aux enseignants. Elle a pour objectif l’optimisation des méthodes pédagogiques basée sur la connaissance des mécanismes de notre cerveau.
En effet, les sciences du cerveau, grâce notamment à des technologies comme l’imagerie par résonnance magnétique (IRM), ont apporté une réponse scientifique à de nombreuses questions sur le comportement humain. Que se passe-t-il dans le cerveau quand on apprend ? Ou quand on prend des décisions ? Il est désormais possible de répondre, non plus de manière intuitive mais scientifiquement, à ce type de questions.

Il s’agit de comprendre comment fonctionne naturellement notre cerveau pour adapter les méthodes d’apprentissage des élèves et mieux répondre à la diversité de leurs profils. À ne pas confondre avec la neurostimulation, qui recourt à des méthodes physiques ou chimiques pour tenter d’améliorer ses performances cognitives1.

Autrement dit, comment mettre la compréhension des mécanismes cérébraux des apprentissages et du fonctionnement de la mémoire au service de la pédagogie ?

Comment ça marche ?

La neuroéducation tire principalement ses enseignements des découvertes scientifiques sur la mémoire, le langage et l’apprentissage.

>> À lire aussi : « Neurosciences : ce qu’elles nous apprennent sur les enfants »

Elle se fonde notamment sur 3 grandes découvertes qui ont permis d’établir des relations entre cerveau et éducation, mais aussi d’appuyer l’hypothèse selon laquelle mieux connaître le cerveau des élèves peut aider à leur proposer un meilleur enseignement2 :

1. L’apprentissage modifie l’architecture du cerveau

Cette découverte est liée à une autre révélation majeure, celle de la plasticité cérébrale : lorsqu’on apprend, le cerveau change. Steve Masson (professeur à la Faculté d’Éducation du Québec et directeur du Laboratoire de Recherche en Neurosciences) explique cela ainsi : « Les connexions entre les neurones sont modifiées par l’apprentissage : de nouvelles connexions peuvent être créées et des connexions existantes peuvent se défaire, se renforcer ou s’affaiblir. Le cerveau est donc un organe non pas fixe, mais dynamique, qui modifie son architecture cérébrale à chaque instant pour s’adapter à son environnement. »

Une petite fille tient des illustrations de rouages dans ses mains

2. L’architecture du cerveau influence l’apprentissage

En d’autres termes, pour pouvoir apprendre, le cerveau fait appel à plusieurs régions cérébrales préexistantes, qui rendent possible l’apprentissage. Pour lire, par exemple, l’enfant doit d’abord être capable de reconnaître les objet. Ici, les objets sont matérialisés par des lettres et des mots. Ensuite, il lui faudra faire appel à des régions du cerveau responsables de la compréhension orale, de la production de la parole et du sens des mots. Cette découverte repose sur 2 notions, que sont le recyclage neuronal et l’inhibition.

  • Le recyclage neuronal, simplement dit, est la capacité du cerveau à faire du neuf avec du vieux. C’est le processus par lequel une région cérébrale est modifiée pour acquérir de nouvelles compétences.
  • L’inhibition désigne la capacité du cerveau à contrôler nos intuitions, à résister aux habitudes et aux automatismes. C’est aussi la capacité à empêcher ce qui n’est pas pertinent pour l’exécution d’une tâche. Autrement dit, c’est la capacité à résister aux distractions ou interférences. L’inhibition est un processus central de l’adaptation. De plus, son développement favoriserait la compréhension de concepts scientifiques2.

3. L’enseignement influence les effets de l’apprentissage sur le cerveau

Les recherches ont démontré qu’enseigner un même concept en utilisant deux techniques pédagogiques différentes conduit à des modifications de l’architecture cérébrale de l’apprenant. Les choix pédagogiques influencent donc notre façon d’apprendre. Une meilleure connaissance de l’architecture cérébrale des élèves et de l’impact de différents types d’enseignement sur le cerveau peut nous apporter des indices pour mieux apprendre et enseigner.

D’autre part, le grand défi des enseignants est de capter l’attention et de la conserver pour faciliter les apprentissages.

L’apport de la neuroéducation pour les enseignants

Les travaux de recherche en neuroéducation nous révèlent la façon dont nous apprenons afin d’en tirer des pistes d’action pour améliorer les enseignements. Ils permettent de mieux comprendre les blocages des élèves et d’identifier les leviers qui vont permettre de les dénouer.
Parmi les chercheurs de renom, on retrouve des scientifiques intéressés par l’éducation mais aussi quelques enseignants formés aux neurosciences. Il y a, parmi eux, Olivier Houdé, que nous citons régulièrement dans nos publications, ancien instituteur, désormais professeur-chercheur au laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant à la Sorbonne. Il nous apporte ses éclaircissements dans l’article suivant. Cet article fait suite à une conférence donnée à l’occasion du Congrès de l’AGEEM. L’AGEEM est l’Association Générale des Enseignants des Écoles et Classes Maternelles publiques.

>> Retrouvez le compte rendu de sa conférence : « Mieux apprendre grâce aux neurosciences »

Ce que dit l’Éducation nationale

La neuroéducation est une discipline émergente. Même si elle fait parler d’elle depuis quelques années, notamment dans les pays anglo-saxons3. Elle entre véritablement au sein de l’Éducation nationale en 2018, avec la création d’un Conseil scientifique de l’Éducation nationale4. Ce conseil est composé de plusieurs personnalités reconnues dans des domaines aussi variés que la psychologie, les mathématiques, les sciences humaines ou encore la neuroimagerie cérébrale.

« De nombreuses classes pilotes sont en cours d’expérimentation. Les allers retours entre le laboratoire et la salle de classe ont vocation à se développer dans un échange qui profite autant aux scientifiques qu’aux enseignants3 »

Le réseau Canopée, opérateur du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, dont la mission est la formation et le développement professionnel des enseignants, propose des séquences pédagogiques pour améliorer le développement des fonctions cognitives de l’élève dès la maternelle5.

Une professeure surveille ses élèves en train de faire leurs exercices

Neuroéducation et difficulté d’apprentissage

On l’a vu, les connaissances en neurosciences aident à savoir ce qui se passe dans certaines zones du cerveau lorsqu’on apprend. Mais leur intérêt réside surtout dans le fait qu’elles permettent de comprendre les troubles et les difficultés d’apprentissage, comme la dyslexie, pour pouvoir proposer des rééducations spécifiques adaptées.
La neuroéducation permet donc de mettre en place des exercices favorisant de meilleurs apprentissages chez tous les élèves, dès le plus jeune âge et selon leurs spécificités.

>> À Lire : Neurosciences et fonctions exécutives

Neuroéducation pour les apprenants

Comprendre le fonctionnement du cerveau dans le processus d’apprentissage aiderait les apprenants à mieux comprendre d’où proviennent les difficultés. Cela les inciterait également à mettre en place des stratégies pour apprendre plus efficacement. Selon Nicole Bouin6, autrice de Enseigner : apports de sciences cognitives, un élève à qui l’on explique le fonctionnement de son cerveau aurait une nouvelle source de motivation et apprendrait mieux. Pour Steve Masson, le cerveau de tous les élèves fait preuve de plasticité.

Les difficultés scolaires ne devraient donc pas être perçues comme des fatalités, mais plutôt comme des défis à relever par des élèves dont le cerveau est capable de changer et de s’améliorer par l’apprentissage. Qu’en pensez-vous ?


Sources :
1 Dr Pierre Huc, Prof. Brigitte Vincent-Smith, Qu’est-ce-que la neuroéducation ?, https://www.neuroeducation-ini.fr/, s.d.
2 Steve Masson, Mieux connaître le cerveau peut-il nous aider à mieux enseigner ? le réseau EdCan, 20.09.2014
3 Dr Nadia Medjad, Une discipline émergente : la neuroéducation, Neuro-learning, 2006
4 Anon, Neurosciences et éducation : état des lieux, Neuroeducation-ini.fr, 2018
5 Anon, La Neuroéducation : quels apports pour l’enseignement, Canopé, s.d.
6 Nicole Bouin, Enseigner : apports des sciences cognitives , Canopé,‎ 2018

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