Les parents d’enfants ayant un TDAH (Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité) sont souvent démunis face à des situations du quotidien. Lors d’un Facebook live le jeudi 17 juin 2021, nous avons reçu Raphaëlle SCAPPATICCI, Dr en Psychologie, Psychologue, Psychothérapeute TCC (Thérapies Cognitives et Comportementales) et Formatrice spécialisée dans la prise en charge du TDAH. Elle vous a expliqué ce qu’est un atelier de guidance parentale et vous a donné des pistes pour essayer de rétablir cet équilibre entre l’école, la maison, les relations avec les pairs… Enfin, en dernière partie, elle a répondu à vos questions en direct. Dans cet article, retrouvez le résumé de ce riche échange sur la parentalité et le TDAH. De plus, n’hésitez pas à regarder en replay la vidéo du live !

Le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité

En France, 2 millions de personnes, enfants et adultes sont atteintes de Trouble de Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH). Le TDAH est un trouble neurodéveloppemental dont les manifestations principales sont une attention fluctuante, de l’impulsivité et de l’hyperactivité. Il est complexe à diagnostiquer, complexe à comprendre et complexe à prendre en charge. Il a un retentissement important sur toutes les sphères de la vie : familiale, scolaire, sociale et professionnelle.

Pour être diagnostiqué, il faut donc la présence de cette triade de troubles : inattention, impulsivité et/ou hyperactivité et ces troubles doivent avoir un impact et un retentissement fonctionnel dans au moins deux domaines de la vie de l’enfant que ce soit familial, scolaire ou social. L’impact du trouble peut être scolaire, social, psychologique, mais il est aussi surtout un facteur de stress familial.

Particularités dans le TDAH

  • Difficultés à écouter / retenir et automatiser. Tous les jours, on a l’impression qu’il redécouvre qu’il faut se brosser les dents par exemple
  • Aversion au délai. Si on dit à un enfant « tu as 10 min pour te préparer », il ne comprend pas ce que sont 10 minutes.
  • Besoin d’un renforcement positif immédiat
  • Difficultés de régulation des émotions

Avoir un enfant TDAH, quel impact ?

Sur les relations

Le fait d’avoir un enfant TDAH a un impact dans les relations. On parle souvent du suivi de l’enfant, et de ses rendez-vous avec les professionnels, mais il y a peu d’aide pour gérer au quotidien au niveau familial.

Ce que les études nous disent c’est que le fait d’avoir un enfant TDAH a un impact sur les relations familiales. Cela est dû notamment au fait que les manifestations du TDAH (désorganisation, défaut de planification, comportements perturbateurs) entrainent des relations plus conflictuelles, plus négatives. On passe beaucoup de temps à lui reprocher des choses et on a l’impression qu’il n’y a plus beaucoup de bons moments en famille. Il y a aussi le fait que les parents ont l’impression de ne pas réussir à communiquer avec leur enfant.

On remarque également que les pratiques éducatives sont souvent plus négatives (punitions), plus autoritaires : parents plus sévères, plus de critiques négatives, punitions, parents plus distants et moins affectueux. Et tout ceci est exacerbé lorsque l’enfant a un TDAH associé à un trouble d’opposition avec provocation (TOP).

Sur l’état émotionnel du parent

Les parents vivent avec un niveau de stress plus élevé. Ils ont un sentiment de culpabilité « C’est de ma faute s’il est comme ça. » Les études montrent également que les parents d’enfants TDAH ont une plus faible estime de soi. Notamment, car ils ont l’impression d’avoir de faibles compétences parentales. Ce sentiment est renforcé par des pratiques éducatives inefficaces.

>> À télécharger : Infographie « Le TDAH »

Les recommandations internationales en termes d’interventions

  1. Psychoéducation : expliquer le TDAH, hygiène de vie à adopter, stratégies d’éducation, recommandations pour l’école. Cette étape est malheureusement souvent « baclée » au moment du retour du bilan et on n’y accorde pas l’importance qu’elle devrait avoir.
  2. Une guidance parentale pour les parents d’enfants de 5 à 13 ans qui ont un TDAH avec ou sans comportement oppositionnel.
  3. La mise en place d’une médication si l’impact du TDAH a un impact significatif et si la psychoéducation et la guidance parentale n’ont pas fonctionné.
  4. La psychothérapie en TCC pour adopter des stratégies et travailler sur son comportement. C’est la dernière étape à mettre en place. Souvent l’enfant a un TDAH associé à d’autres troubles et a déjà des rendez-vous pour ses apprentissages scolaires. Il n’est donc pas forcément nécessaire de lui ajouter une psychothérapie en TCC (sauf dans le cas d’une anxiété associée par exemple).

Pourquoi avoir recours à un Programme d’Entraînement aux Habiletés Parentales (PEHP) ?

Parce que les parents sont en souffrance, parce que vos capacités parentales sont souvent mises en doute par l’entourage, les relations conjugales sont souvent impactées. Vous subissez un haut niveau de stress, une baisse de l’estime de soi… Tout ceci peut entrainer un grand risque de burn-out et de dépression, une perte des relations sociales et/ou familiales. Il y a plus de conflits avec l’enfant. Et la fratrie en est souvent impactée aussi.

>> À lire : « Programme Mieux vivre avec un TDAH du CHU de Montpellier »

Programme Mieux vivre avec un TDAH du CHU de Montpellier

Les bases des PEHP

  • Modifier la réponse parentale pour changer le comportement de l’enfant
  • Aider les parents à porter attention aux comportements positifs de l’enfant que bien souvent on ne voit plus, car cela fait des années que c’est difficile. Lui transmettre des messages clairs adaptés à sa capacité attentionnelle.
  • S’appuyer sur : le renforcement positif des comportements souhaitables, le non-renforcement des comportements indésirables quand c’est possible
  • Ces programmes sont souvent en groupe et l’effet de groupe renforce les progrès des parents entre chaque séance.

Des exemples de PEHP

  • Programme de Barkley (Barkley, 1997) qui agit sur les comportements oppositionnels chez l’enfant qui a un TDAH. C’est celui que sur lequel Raphaëlle Scappaticci s’appuie dans ces guidances parentales et dont elle a parlé au cours de ce live.
  • PMT de Kazdin (2005)
  • Programme multi-propulsions (Hôpital Rivière-des-Prairies, 2011)
  • Incredible years (Webster-Stratton, 2003)
  • Parent-Child interaction therapy (Henschel, 2002)
  • Positive Parenting Program (3P) (Sanders 2003)

Les bénéfices d’un PEHP

À court terme : il produit un changement positif en termes de symptômes sur l’opposition, en termes de fonctionnement socio-adaptatif, de qualité de vie et de développement de l’autonomie. Les effets thérapeutiques sont confirmés dans le contexte clinique habituel. C’est-à-dire que le programme permet de mettre en place des actions à la maison qui seront ensuite reproduites à l’extérieur.

À long terme : un meilleur fonctionnement à l’âge adulte et une prévention de complications et rechutes puisque si cela devient à nouveau difficile, vous êtes outillés pour accompagner votre enfant.

Il y a également des bénéfices indirects : amélioration du fonctionnement et du climat familial, amélioration de la santé mentale parentale. Les enfants ont également un meilleur fonctionnement social et scolaire. Ils arrivent mieux à s’adapter.

La non-compliance de l’enfant TDAH face à une demande du parent

La non-compliance est très courante chez les enfants TDAH.

Vous (le parent) faites une demande (viens faire tes devoirs par exemple), l’enfant refuse. Vous répétez, il refuse toujours. Finalement, vous finissez par vous énerver, ou le punir, voire abandonner… La non-compliance a également tendance à se généraliser à d’autres situations et d’autres personnes (les pairs, les enseignants par exemple).

Elle a un effet indirect sur le fonctionnement familial avec un comportement coercitif des parents (hurler, menacer, punir…), une réduction des activités plaisantes de l’enfant (puisqu’il est puni régulièrement). Cela entraine également de la difficulté à porter attention aux comportements adaptés de l’enfant. C’est-à-dire si un jour vous l’appelez pour manger et qu’il vient du premier coup au lieu d’avoir à répéter 5 ou 6 fois, vous ne remarquerez pas forcément l’effort qu’il a pu faire pour venir du premier coup.

L’enfant a appris à un moment que lorsqu’il ne se plie pas à la demande, il obtient ce qu’il veut. Il va donc continuer. C’est un cercle vicieux. La bonne nouvelle est que ce sont des mécanismes d’apprentissages, il y a donc possibilité d’apprendre d’autres mécanismes.

Les étapes du programme Barkley

Ce programme s’effectue en douze séances de 1h30.

  1. Explications du TDAH
  2. La non-compliance
  3. Le moment spécial : on essaye de « renverser la vapeur » et de remettre en place chaque jour un moment sympa avec son enfant. Lors d’une séance de jeu avec l’enfant, le parent se concentre sur ce qui marche bien avec l’enfant et le félicite.
  4. Prêter attention à la compliance et donner des ordres efficaces
  5. Prêter attention à l’enfant lorsqu’il ne dérange pas
  6. Le système de récompenses et les jetons. Pour les enfants TDAH, il est important d’avoir une récompense immédiate.
  7. Le Time out – la gestion des crises
  8. Les devoirs, l’organisation et le lien avec l’école
  9. Les sorties dans les lieux publics
  10. Anticiper les comportements problèmes futurs

Ressources Hop’Toys pour vous accompagner

Pour mieux comprendre et accompagner les enfants avec TDAH, voici une sélection de livres à la fois pour les parents, les professionnels, mais aussi pour les enfants eux-mêmes !

Ressources TDAH

De gauche à droite et de haut en bas :

Retrouvez également notre sélection « TDAH : des solutions pour accompagner au quotidien »

Questions-réponses

Comment faire avec un enfant qui est en constante opposition, toujours en colère et avec qui rien ne marche ?

Pour les parents d’enfants qui ont un trouble d’opposition avec provocation (TOP) associé à leur TDAH, il faudra peut-être avoir recours à d’autres stratégies. Raphaëlle vous conseille de vous rapprocher d’associations pour avoir accès à des ressources, notamment l’association REACT.

Est-ce qu’il est trop tard pour faire le programme Barkley si mon enfant est un ado ?

Non, il est tout à fait possible d’aider un ado également, à condition qu’il n’y ait pas un TOP associé.

Que faire si le programme Barkley ne fonctionne pas ?

Rapprochez-vous du professionnel médical qui suit l’enfant pour voir pourquoi cela ne fonctionne pas. Est-ce que c’est trop sévère et cela a trop d’impact et il faut mettre en place une médication ? Ou est-ce qu’il a des troubles associés qu’il faut prendre en charge ? Par exemple, la guidance parentale d’un enfant TDAH et avec un trouble du spectre autistique n’est pas la même. C’est un programme beaucoup plus détaillé.

Où est-ce que je peux faire un programme de guidance parental ?

En général, les répertoires de professionnels formés sont tenus par les associations de famille. Vous pouvez vous rapprocher de l’association TDAH France qui a un répertoire de proximité au niveau national.

Un web documentaire à voir : Plongez en nos troubles pour des témoignages d’enfants TDAH et de leurs parents

Avez-vous des conseils pour les parents d’enfants avec TDAH qui ont des problèmes à l’école ?

Si vous en avez la possibilité, parlez-en avec les enseignant·e·s de votre enfant. Vous pouvez par exemple les informer des stratégies qui fonctionnent avec votre enfant.

>> À lire : « Conseils d’une AESH : accompagner les élèves avec TDAH »

Raphaëlle vous conseille également ce document rédigé dans l’équipe du service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Robert-Debré à Paris : Les enfants avec un Trouble Déficit de l’Attention / Hyperactivité et leur scolarité.

Document de l'hopital Robert Debré Les enfants TDAH et leur scolarité

Comment, en tant qu’adulte TDAH, gérer son ado TDAH et en même temps son propre trouble ?

C’est difficile effectivement de mettre en place des stratégies pour son ado quand on est soi-même dans une démarche d’essayer de gérer son TDAH, de s’organiser, de gestion des émotions. Une piste serait de se rapprocher de coach TDAH pour adultes.

Est-ce que vous avez des conseils quand le trouble de l’attention est associé à un trouble de l’anxiété ?

Le premier conseil est de bien évaluer qu’il s’agisse d’anxiété. Les troubles anxieux concernent environ un quart des enfants TDAH. Par exemple, quand un enfant dit « je suis nulle », il faut faire la part entre « est-ce de l’anxiété ? » ou « est-ce que c’est un manque de confiance en lui ? ». Lorsqu’un diagnostic de troubles anxieux a été posé, on peut alors les prendre en charge, notamment en thérapie comportementale et cognitive.

>> À lire : « Le TDAH et la gestion des émotions »

TDAH et gestion des émotions

Le diagnostic est long, peut-on faire quelque chose en attendant le diagnostic ?

Oui, vous pouvez déjà commencer des stratégies de guidance parentale. On peut déjà agir sur : la gestion des émotions, la notion du temps, structurer le quotidien, mettre en place des séquençages visuels, des routines, etc.

Est-ce que les pistes non médicamenteuses telles que le yoga, la sophrologie ou la méditation sont efficaces ?

Cela dépend du profil de l’enfant. Pour certains enfants, cela ne fonctionnera pas du tout. Il y a autant de TDAH qu’il y a d’enfants. Il faut qu’il trouve leurs propres stratégies de régulation. Profitez des centres d’intérêt de l’enfant pour trouver des stratégies qui fonctionnent.

Est-ce que les enfants TDAH sont plus sensibles à l’utilisation des écrans ? Y a-t-il des recommandations à ce niveau-là ?

Il est vrai que les enfants avec TDAH sont plus attirés par les écrans, néanmoins le problème n’est pas l’utilisation en soi, mais le temps passé dessus. Les parents doivent donc minuter le temps autorisé à passer sur les écrans de manière visuelle (avec un Time Timer par exemple) et leur expliquer ce qu’ils vont faire après. Il est également recommandé de regarder ce qu’ils font sur les écrans pour vérifier que c’est approprié.

>> À télécharger : Infographie « Quel écran pour quel âge ? »

En conclusion, il est important d’entendre que le TDAH est un facteur de stress pour le parent. C’est un trouble qui impacte tout le fonctionnement de la famille. Il faut que les parents passent dans une démarche proactive pour accompagner le TDAH de l’enfant au quotidien.

Revoir le live

Retrouvez notre sélection « TDAH : des solutions pour accompagner au quotidien »


L’intervenante : Raphaëlle SCAPPATICCI est docteure en psychologie, psychologue et psychothérapeute en thérapies cognitives et comportementales. Après avoir travaillé plusieurs années dans le service de pédopsychiatrie du CHU de Montpellier, elle exerce actuellement au sein du service de pédopsychiatrie du CHU de Lyon et en libéral. Sa pratique s’oriente essentiellement autour de l’évaluation et de la prise en charge d’enfants et d’adolescents TDA/H avec troubles associés (TOP, anxiété…) et de leurs familles.

Retrouvez-la sur sa page Facebook : Raphaëlle Scappaticci

Mathilde est coordonnatrice Tiers-Lieu chez Hop'Toys et rédactrice sur ce blog.

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