Pour la 2e année consécutive l’association Mosaïque d’enfance et la PEP 80 organisaient il y a peu à Amiens un colloque dédié aux professionnels de la petite enfance. Au cours de cette riche et enthousiasmante journée d’échanges, nous avons eu le plaisir d’assister à la conférence de Christine Schuhl au sujet les « douces violences » et à celle de Sidonie Fillion qui présentait les bienfaits des espaces Snoezelen.

Psychomotricienne, Sidonie Fillion a exercé pendant 11 ans auprès de jeunes enfants, de personnes âgées et d’adultes porteurs de handicap avant de se consacrer aujourd’hui principalement à la formation autour de thématiques liées à la petite enfance. Pendant toutes ces années au cours desquelles elle est intervenue dans les crèches, Sidonie Fillion a beaucoup observé les stratégies mises en place par l’enfant pour se développer, a formé des professionnels sur l’aménagement de l’espace, le respect du développement psychomoteur, l’accompagnement d’un enfant porteur de handicap.

Nous avons donc eu envie de l’inviter à nous livrer son point de vue sur la question de la stimulation sensorielle :
Quel type d’ambiance, de jouets, proposer à un jeune enfant pour accompagner son éveil au monde, pour encourager et respecter son besoin d’exploration sans pour autant le sur-stimuler ?
Car offrir à son bébé des jouets d’éveil, ce n’est pas transformer sa chambre ou la crèche en fête foraine !
Explications et conseils par Sidonie Fillion.

Un monde qui va trop vite ….

De mon point de vue, nous vivons dans une société qui va trop vite, où les individus ne s’écoutent plus, ne prennent plus le temps. Ils courent en permanence mais ne savent pas après quoi…
La même frénésie est imposée aux enfants. Dès leur naissance, leurs parents veulent que, le plus vite possible, ils puissent s’asseoir, marcher, courir, lire, écrire, compter avec l’idée sous-jacente que cela les rendra plus intelligents et, par conséquent, plus heureux …
Et pourtant, respecter chacune des étapes nécessaires a son développement a une importance fondamentale : à chaque fois qu’il vit et qu’il répète une expérience, il apprend et prend confiance en lui. Un enfant tombe environ 2500 fois avant de marcher de manière harmonieuse. Toutes ses tentatives lui font gagner de l’expertise ! (…)

Le jeune enfant vit dans un monde qui ne fonctionne pas avec les mêmes codes que celui de l’adulte. Il ressent les événements d’une manière qui n’est pas la même que celle de ses parents. Son univers est fait de sensations très intenses, de réactions émotionnelles instinctives (non pensées et non préméditées), d’instants présents et de communications non verbales.
Pourtant toute la journée nous lui demandons de s’adapter et de s’ajuster à un monde d’adulte fait de langage, de pensées, de compréhension, d’analyse, de maîtrise de soi et de repères dans le temps et dans l’espace où l’émotion, les sensations et le vide n’ont pas beaucoup de place !
Ce n’est pas tout. Nous lui faisons souvent des demandes qui, pour lui, sont incompréhensibles. Exemple : « Attends cinq minutes … L’enfant n’a pas conscience du temps avant 4 ans. »

Le sensoriel … ce n’est pas uniquement les cinq sens !

Évoquer le sensoriel chez l’enfant, c’est, de façon quasi systématique, faire exclusivement référence aux cinq sens qui nous permettent de recevoir des informations extérieures. Mais, par exemple, il faut deux ans en moyenne  pour que l’acuité visuelle du nouveau-né parvienne à maturité, alors que l’environnement que nous lui proposons est excessivement visuel, le sens que, nous adultes, privilégions.
On peut proposer aux bébés des éléments visuels contrastés qui vont être attractif pour lui, comme le tapis d’éveil contrasté :

Ce qui intéresse en priorité le jeune enfant, ce sont les sensations qui lui font prendre conscience de son corps :
– la proprioception (la perception de la position de ses différentes parties),
– plus tard la kinesthésie (la sensation du mouvement),
– le système vestibulaire (la notion d’équilibre),
– puis, enfin, le tact profond (la conscience de son enveloppe corporelle).

D’ailleurs, pendant la grossesse, il a déjà vécu de multiples expériences sensorielles:
vibratoires : la voix de sa mère, le battement de son cœur, les bruits extérieurs faisaient vibrer le liquide amniotique ;
vestibulaires : les mouvements de sa mère le faisaient se déplacer dans l’espace utérin ;
tactiles : il touchait la paroi utérine et il ressentait la densité du liquide amniotique.

Or, après sa naissance, l’enfant n’a plus que de rares occasions de vivre des expériences sensorielles de ce type (sauf quand il est installé dans une voiture en train de rouler ou quand un adulte le berce).
Il est opportun de pouvoir offrir à l’enfant dans son environnement des propositions qui lui rappellent cet environnement sensoriel sécurisant.

Par exemple

>> pour le vibratoire :
LE HOCHET VIBRANT ABEILLE, LE POLOCHON VIBRANT ou LE SINGE VIBRANT,



>> pour le vestibulaire : LA TOUPIE ROCKING BALL et son COUSSIN

>> pour le tactile profond : LE COUSSIN NOYAUX DE CERISE, LA BROSSE WILBARGER

>> pour reproduire les bruits intra-utérins : LE GRO HUSH 

>> Pour les plus grands, on peut proposer des jeux qui vont permettre de sentir son corps comme :

LA POUPEE DOUDOU BOUILLOTTE , LA PLANCHE DE SURF et le WOBBEL

 

 

Le trop est l’ennemi du bon ….

Nous recevons de cent à cent-cinquante informations sensorielles par seconde. Nous n’avons donc pas besoin d’être stimulés. À partir du moment où un enfant ne dort pas, il est … en éveil ! Il est déjà assez, voire trop, aiguillonné par le monde autour de lui.
Du fait de l’immaturité de son cerveau, le nouveau-né ne filtre pas et n’organise pas les informations sensorielles comme nous. Jusqu’à huit-neuf mois, son environnement sensoriel est très invasif. (…)
Il aura la pleine capacité de filtrer ces informations vers quatre-cinq ans, il est donc essentiel que les professionnels de la petite enfance comprennent que des néons trop lumineux, une ambiance sonore excessive, trop de jouets peuvent affecter le système nerveux des enfants…

L’enfant a besoin du regard bienveillant et enveloppant de l’adulte pour explorer le monde et se développer. (…) De ce point de vue, l’essentiel de l’accompagnement d’un enfant consiste à lui aménager un espace sécurisé et sécurisant et de lui accorder une présence attentive et prévenante.

En conclusion

Je préconise de s’adapter à la sensorialité du petit enfant. Il faut préférer l’entourer de peu de jouets mais de jouets en rapport avec sa sensorialité et lui offrir un environnement hypostimulant. Il convient qu’il bénéficie de la présence le plus souvent possible, d’un adulte auquel il puisse se référer.

 

A propos de l’auteur, Sidonie Fillion

J’ai obtenu mon diplôme de psychomotricienne (DE) en 2005 après une reconversion professionnelle. J’ai choisi ce métier parce que, passionnée d’équitation, j’avais envie d’utiliser le cheval comme médiateur thérapeutique et parce que, au cours de mes études, j’avais commencé à développer ma compétence en matière de relaxation. En l’exerçant, j’ai découvert combien cette profession, trop méconnue, m’apportait un enrichissement personnel bien au-delà de ce que je j’avais pu espérer.
Durant onze ans, je l’ai pratiquée auprès de jeunes enfants, de personnes âgées et d’adultes porteurs de handicap. J’ai travaillé dans des structures d’accueil de la petite enfance mais j’ai aussi participé à la création d’une association d’équithérapie (Trott’autrement). Je suis intervenue en EHPAD (Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes) et en foyers pour personnes adultes porteuses d’un handicap (mental et/ou psychique). J’ai également animé des ateliers pour l’association A3N (Accueil et Accompagnement Autour de la Naissance).
Mon regard et ma façon de travailler sont influencés :
– par mes formations sur le développement psychomoteur d’Albert Coeman, sur l’intégration sensorielle, sur la motricité libre ;
– par mon intérêt pour les travaux d’André Bullinger, d’Emmi Pickler, de Christine Schuhl et de Josette Serres…
– par mes échanges avec mes collègues du Réseau des psychomotriciens de la petite enfance.

 

Suivez  Sidonie Fillion sur Facebook : Sidonie Fillion psychomotricienne Formatrice

 

A retrouver sur le blog :
Le lookbook de Carole, psychomotricienne
5 stimulations sensorielles pour se relaxer avant le sommeil 

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