Astrid Lefrançois est orthophoniste dans l’Hérault. Depuis quelques mois, elle propose aux enfants qu’elle suit de participer à des ateliers coopératifs en petit groupe. L’idée est de leur offrir la possibilité d’échanger, de partager leur vécu, leurs difficultés, les stratégies qu’ils peuvent mettre en place pour compenser certains troubles, de permettre aussi à leurs parents de s’apporter pendant ce temps, de leur côté, témoignages et conseils. Au cours de ces ateliers, inclus dans la prise en charge orthophonique, les orthophonistes vont également inviter les enfants à tester du matériel qui pourra leur apporter une aide, à la maison ou à l’école. Hop’Toys a souhaité accompagner cette pratique coopérative en permettant à ces jeunes de découvrir certains produits et de tester lesquels étaient les plus adaptés à leur profil sensoriel.
En cette journée européenne de l’orthophonie, donnons la parole à Astrid Lefrançois pour un retour sur cette pratique coopérative et innovante. À un âge où être différent du groupe n’est pas bien vécu et peut entraîner un mal être, une anxiété, une tristesse, il m’a semblé primordial en leur permettant de participer à un atelier coopératif, de leur montrer qu’ils ne sont pas seuls.
Pouvez-vous nous expliquer comment vous est venue l’idée de proposer ces ateliers ?
Obligée de faire une pause dans ma vie professionnelle, pour raison de santé, j’ai pu prendre le temps, ce qui nous manque le plus aujourd’hui !… J’ai eu le temps de cultiver ce qui me paraît dorénavant essentiel : prendre soin de soi, apprendre à se connaître, à comprendre notre fonctionnement et nos réactions afin d’acquérir la capacité de s’adapter dans une situation que l’on n’a pas choisie.
Afin d’améliorer mon quotidien, je me suis formée à la pédagogie positive et, de fil en aiguille, à la méthode Montessori appliquée à l’orthophonie.
Lorsque j’ai repris mon activité d’orthophoniste en libéral ma façon d’appréhender chaque patient, de travailler avec lui a changé. (Passer un jour de l’autre côté du miroir est très instructif !).
Alors que j’ai été spécialisée pendant 20 ans en neurologie adulte, ma pratique s’est alors naturellement centrée sur le travail avec les enfants et adolescents (retards simples de langage oral et/ou écrit, dysorthographie/dyslexie, dysphasie, TDA/H etc…).
« Ils ne sont pas seuls. »
Isolés dans leur spécificité, dyslexique et/ou dysorthographique et/ou porteurs d’un trouble d’attention associé ou non à une hyperactivité (TDA-H), ils sont désemparés face aux exigences académiques et sociales. A un âge où être différent du groupe n’est pas bien vécu et peut entraîner un mal être, une anxiété, une tristesse, il m’a semblé primordial, en leur permettant de participer à un atelier coopératif, de leur montrer qu’ils ne sont pas seuls, non pas dans notre monde d’adultes mais dans leur monde à eux !
En pratique le bilan orthophonique permet de définir de façon précise les compétences (difficultés et qualités) d’un enfant/adolescent afin d’établir un plan de rééducation adapté. Or cette prise en charge n’est efficace qu’avec une participation active et motivée de l’enfant ! C’est souvent ce qui manque le plus à ces jeunes démotivés. Malgré une alliance pluridisciplinaire (neuropédiatre, orthophoniste, psychologue, psychomotricien(ne), ergothérapeute, orthoptiste) la prise en charge reste la plupart du temps individuelle. Or quel est notre but à tous, intervenants paramédicaux et parents ? Que nos enfants aient assez confiance en eux, retrouvent la joie de vivre pour s’intégrer, progresser, être heureux, à l’école et à la maison.
A travers ces ateliers coopératifs, j’ai souhaité les aider à valoriser leurs réussites, restaurer leur estime de soi, libérer leur créativité pour leur permettre de finalement s’approprier des savoir-faire adaptés à leur profil, qu’ils pourront utiliser en milieu scolaire ou à la maison.
Bien sûr, ce travail de groupe existe en CHRU, mais beaucoup n’y ont pas accès.
Sur quel(s) principe(s) reposent ces ateliers ?
Ces ateliers sont basés sur la coopération et la métacognition.
– La coopération, quand elle réussit, aboutit le plus souvent à des résultats auxquels on ne parviendrait jamais seul !
– La métacognition consiste à voir une activité mentale sur ses propres processus mentaux, c’est à dire à “penser sur ses propres pensées”.
C’est l’occasion de comprendre comment notre cerveau fonctionne et détermine nos comportements, comment nous vivons avec nos émotions, et, parfois, le stress qui en découle. Manipuler ensemble des outils adaptés, échanger verbalement avec les autres (sur notre expérience, nos façons de faire, les compensations que nous développons chacun à notre manière en fonction de notre sensibilité et nos compétences), découvrir la métacognition, apprendre à mobiliser nos ressources attentionnelles, développer les stratégies adaptées à notre profil cognitif et à la tâche à accomplir, réveiller notre confiance en nous !
Comment se déroulent ces ateliers ?
L’atelier accueille 8 enfants ou adolescents, 2 orthophonistes (moi-même et Magalie Vicedomini, orthophoniste à saint Jean-de-Védas) et parfois un(e) intervenant(t)e spécifique selon le thème de l’atelier). Il dure 2 heures avec une pause collation permettant aux participants d’échanger de façon libre et de créer du lien (lien qui parfois se prolonge au-delà de l’atelier).
Il est divisé en 10 temps :
- Jeu coopératif afin de faciliter la dynamique de groupe
- Tour de table sur les attentes de chacun
- Activité de partage (en binôme) de leurs expériences et techniques qu’ils ont mises en place pour compenser leurs difficultés spécifiques
- Affichage, pour chaque groupe, de leurs productions
- Mise en commun et classement des stratégies en fonction de leur nature, contexte d’utilisation etc…
- Diaporama sur l’anatomie et le fonctionnement du cerveau lors d’une tâche d’apprentissage
- Activités autour de personnages symbolisant les activités mentales
- Activités corporelles afin de mobiliser les ressources attentionnelles (Brain Gym/kinésiologie, yoga…), diminuer l’anxiété et recharger ses “batteries” (Pleine conscience, méditation..).
- Manipulation de matériel spécifique, prêté par Hop’Toys (tabouret Tilo, Busylegz, fidgets, tangle, Time timer, etc…), afin que chacun découvre l’outil qui lui permet d’apprendre tout en satisfaisant son besoin incessant d’occuper ses mains et/ou ses pieds !
- Valider que l’atelier ait répondu aux attentes posées au début de la séance.
Quels produits Hop’Toys les enfants ont-ils le plus appréciés au cours de cet atelier autour des troubles de l’attention ?
Je voulais tester certains produits pour voir s’ils avaient un effet apaisant, apportaient un exutoire à leurs besoins de mouvement, des produits également d’aide à la concentration comme les Tangle.
Je pensais qu’ils préféreraient le Busylegz, que je préfère personnellement au tabouret Tilo. Et bien on se rend compte que l’on est tous différents et qu’il ne vaut mieux pas faire de projections sur leurs besoins, attentes, envies ! Certains ont préféré le Busylegz, d’autre le tabouret.
Pour finir, laissons un des enfants présents à l’atelier nous donner ses impressions : « Les objets que j’ai le plus aimés : les grosses peluches (Manimo, ndrl), la veste lestée (on dirait que j’avais quelqu’un qui me serrait dans les bras) c’est mieux que mon traitement, le sable à modeler, et la boule pleine de billes marrons et trouvait le serpent et le Busylegz (…). J’ai adoré le pendentif à mordre parce que sinon je mords mes stylos, j’aime bien mordiller. «
Dans une ambiance de bienveillance partagée, la curiosité s’éveille et chacun redevient acteur des ses apprentissages sur un chemin de joie !