Chaque année en septembre a lieu la Journée européenne de la psychomotricité. À cette occasion, en 2019, nous donnons la parole à Charlotte, psychomotricienne. Elle décrypte chaque semaine son fabuleux métier sur Facebook et Instagram. Aujourd’hui, elle nous parle des troubles de la modulation sensorielle. Qu’est-ce que c’est ? Qui cela concerne-t-il ? Quelle prise en charge pour l’enfant ? Elle nous répond !

Les troubles de la modulation sensorielle

Qu’est-ce que c’est ?

Les troubles de la modulation sensorielle – dit aussi troubles de l’intégration sensorielle – correspondent à des difficultés de traitement de l’information sensorielle qui arrive jusqu’au cerveau. Cela peut s’exprimer par une hypersensibilité, c’est-à-dire que très peu de stimulations suffisent à activer les seuils neurologiques de la personne et ainsi à déclencher une réponse si besoin, ou bien par une hyposensibilité, correspondant à des seuils neurologiques hauts qui nécessitent un niveau de stimulation important pour déclencher une réponse.

>> Notre infographie « J’ai des particularités sensorielles »

Qui cela concerne-t-il ?

Beaucoup d’enfants avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA) présentent des troubles de la modulation sensorielle. Ils peuvent également concerner les enfants ou adultes présentant des troubles des apprentissages, certains syndromes génétiques, troubles relationnels, haut potentiel ou déficience intellectuelle également.

Ces troubles de l’intégration sensorielle peuvent générer des troubles du comportement, un évitement de certains aspects de l’environnement, un isolement social ou des rigidités comportementales excessives. Cela peut limiter l’accès de l’enfant aux apprentissages sociaux ou scolaires et altérer le développement psychomoteur. C’est pourquoi le psychomotricien est l’un des professionnels de rééducation inclus dans la boucle de soin des troubles de l’intégration sensorielle.

Des enfants en séance d'intégration sensorielle

>> En savoir plus sur la thérapie par l’intégration sensorielle

Quelle prise en charge chez l’enfant ?

En début de prise en charge psychomotrice concernant les troubles de la modulation sensorielle, il est important d’évaluer le profil sensoriel de l’enfant concerné (testé par le profil sensoriel de Dunn à remplir par le professionnel ou les parents). Il permet d’établir les domaines touchés : le sens visuel, tactile, vestibulaire, auditif, gustatif, proprioceptif et/ou olfactif.

L’objectif de prise en charge est ensuite de partir du niveau sensoriel de l’enfant et de l’aider très progressivement à modifier son traitement de l’information.

  • Si l’enfant présente une hypersensibilité sensorielle, il va falloir travailler dans le sens d’une désensibilisation, c’est-à-dire partir d’un niveau bas de stimulations et augmenter les stimuli, que ce soit en durée, en fréquence, en intensité ou en modalité.
  • Tandis que, si l’enfant présente une hyposensibilité, il faut travailler dans le sens d’une habituation des stimuli, soit partir d’un niveau haut de stimulations et les diminuer peu à peu jusqu’à obtenir la même réponse de la part de l’enfant.

>> Comment mettre en place une diète sensorielle ?

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Comprendre les troubles de la modulation sensorielle


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Zélie et Matis

Je travaille au sein d’un cabinet libéral ainsi que d’une association pour enfants présentant des difficultés ou handicaps divers. Je rencontre plusieurs enfants ayant des troubles de la modulation sensorielle.

Zélie

Depuis 3 ans, je reçois Zélie, 5 ans et demi, TSA. Zélie présente un trouble de la modulation sensorielle très important, dans le sens d’une hypersensibilité sur le plan de l’oralité et de l’olfaction (grande sélectivité alimentaire), sur le plan vestibulaire, tactile et légèrement dans les domaines visuel et auditif.

En psychomotricité, j’ai beaucoup axé ma rééducation sur la désensibilisation vestibulaire et tactile, car cela impactait beaucoup sur son développement psychomoteur par le manque d’exploration de l’environnement et la mise en place de rigidités comportementales. Zélie est suivie également en orthophonie pour aborder la communication et le travail de désensibilisation gustative et olfactive.

La désensibilisation vestibulaire

En ce qui concerne la désensibilisation vestibulaire, j’ai commencé progressivement par lui proposer des petits parcours moteurs qu’elle ne pouvait faire que si ses pieds restaient en contact avec le sol.

Elle refusait catégoriquement de s’approcher du coussin d’air géant ou de la toupie plate. Il a fallu tout d’abord qu’elle accepte de me regarder m’assoir dans la toupie puis, progressivement, qu’elle puisse s’en approcher afin de la toucher du bout du doigt. Ensuite, elle a pu s’assoir dedans sans que je la fasse tourner. Puis, au bout d’un an, elle a accepté que je tourne un peu la toupie, pour plusieurs semaines plus tard, faire plusieurs tours dedans !

Désormais, elle est un peu plus curieuse en ce qui concerne les structures de jeux dans les parcs, comme le toboggan ou la balançoire. Elle a gagné en autonomie et grimpe davantage sur le canapé chez elle ou sur la chaise haute Trip Trap dans la salle de psychomotricité.

Une salle de psychomotricité

>> Lire aussi : « Les toupies : l’avis des psychomotriciennes »

La désensibilisation tactile

En ce qui concerne la désensibilisation tactile, cela a été plus compliqué car l’hypersensibilité était encore plus importante. Il a fallu plusieurs mois pour que Zélie accepte que le pot de pâte à modeler reste posé, même fermé, sur la table durant la séance tant elle détestait la texture.

Volontairement, j’abordais la motricité fine avec des outils à textures différentes, toutes plus ou moins tolérées, comme la chenille à picots, la balle à grains multicolores, la balle à billes sonore, la balle pompon ou la balle tentacule. À l’aide de renforçateurs pour aider à la motivation, Zélie a peu à peu accepté de regarder les balles, poser le doigt dessus, puis les prendre entre deux doigts pour ensuite les prendre furtivement dans la main. Aujourd’hui, elle touche sans problème la pâte à modeler, prend les balles à pleine main pour me les lancer. Elle accepte de presser le coussin vibrant (qui fait appel à la proprioception également), qui l’apaise.

La proprioception

Zélie a besoin de diètes sensorielles faisant appel à la proprioception pour s’apaiser, se recentrer sur elle-même et être davantage disponible et attentive par la suite. Pour cela, je consacre quelques minutes aux pressions profondes sur tout son corps, soit avec mes mains ou avec des outils comme les animaux lestés ou couvertures proprioceptives, à utiliser avec précaution. En effet, la couverture ne doit pas excéder 10% du poids de l’enfant.

Une petite fille dans une toupie de psychomotricité

Mathis

En parallèle, je suis aussi le jeune Mathis, également TSA. Il présente une hyposensibilité visuelle et recherche constamment les stimuli visuels. Cela l’empêche de se concentrer sur d’autres activités ludiques et son attention est souvent captée par la lumière du soleil qui traverse les fenêtres de la salle de psychomotricité.

Les balles à picots lumineuses, baguettes lumineuses ou baguettes à paillettes l’aident à se nourrir sensoriellement et attirer son attention. Mon objectif est ensuite de diminuer les stimulations visuelles progressivement dans le sens d’une habituation, afin qu’il soit toujours aussi attentif et disponible dans l’attention conjointe sans qu’il ait besoin de rechercher de stimulations visuelles importantes.

Le mot de la fin

Je continue ma prise en charge avec Zélie et Mathis concernant leurs troubles de la modulation sensorielle, mais les progrès sont déjà notables. Zélie s’ouvre davantage à l’environnement, par son exploration motrice, son gain d’autonomie au quotidien et sa flexibilité face aux stimuli extérieurs notamment. C’est pourquoi il est important de ne pas laisser les troubles sensoriels s’installer dans le temps car, au fur et à mesure du développement de l’enfant, ils peuvent se renforcer.

Article publié le 25 février 2019. Mis à jour le 20 juillet 2022.


CharlotteCharlotte Dormoy est psychomotricienne libérale et travaille également au sein du centre de loisir Bulle d’Air, un lieu de détente et d’éveil adapté au rythme et aux capacités d’enfants en situation de handicap, où une Unité APSP (Accompagnement Pluridisciplinaire Spécialisé et Personnalisé) a ouvert.  Cet espace propose des temps de rééducation,  de stimulation et de socialisation où Charlotte accompagne les enfants. Elle a plusieurs pages sur les réseaux sociaux destinées à faire connaitre la psychomotricité et à partager son métier à travers différents articles et photos. 

Suivez-la sur Facebook : Psychomotricienne et Instagram : Psychomotricienne

2 Commentaires

  • Emilie dit :

    c’est gênant de lire que le travail de rééducation sensorielle est effectué que par les ergothérapeutes sur cette infographie !! En effet, les psychomotriciens sont également habilités à faire cette rééducation !! merci

  • Caroline dit :

    Bonjour Emilie ! Effectivement, sur l’infographie il est noté que cette rééducation sensorielle peut être effectuée par les ergothérapeutes, mais cet article permet de démontrer que c’est également une compétence qui revient aux psychomotriciens 🙂

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