Isabelle Babington est ergothérapeute, co-fondatrice de la MEEX (Maison des Enfants extraordinaires située à Sauve dans le Gard), et formatrice en Intégration neurosensorielle. Elle est l’auteure de L’Enfant extraordinaire, Comprendre et accompagner les troubles des apprentissages et du comportement grâce à l’intégration neurosensorielle » Editions Eyrolles, 2018. Nous avons souhaité partager avec vous le regard de cette professionnelle sur la période étrange que nous traversons, les clés de qu’elle nous apporte pour faire de ce confinement une opportunité de renforcer les compétences émotionnelles et relationnelles des enfants.

Et si nous regardions le confinement comme une opportunité de renforcer les compétences émotionnelles et relationnelles des enfants.

Des capacités qui se construisent dans l’échange humain

Des études récentes indiquent que la meilleure façon de préparer les enfants à être des « apprenants » sur le long terme est d’enrichir leurs interactions sociales durant leurs premières années. Par exemple, la capacité à être attentif de plus en plus longtemps commence lorsqu’on est en présence d’un autre humain, bien avant d’être capable d’avoir une attention prolongée sur un objet ou un jouet.

La capacité de l’enfant à résoudre des problèmes et trouver des solutions créatives commence lors des premiers échanges entre le tout-petit et ceux qui s’occupent de lui. Elle se poursuit lorsque l’enfant manipule, encastre, range, cherche, invente et que l’adulte répond positivement à ses actions.

La capacité à exprimer ses besoins ne peut se construire toute seul, il faut pratiquer dans l’environnement « sécure » d’une famille attentive avant de pouvoir le faire à l’extérieur puis dans le grand Monde.

La curiosité pour la nouveauté, qui motive le désir d’apprendre, commence avec la curiosité sociale : le bébé dévisage, le tout-petit touche le visage de l’autre, l’enfant pose des questions, a envie d’imiter, d’essayer ce qui semble passionner les autres.

L’envie de contribuer au collectif démarre à la maison, quand, avec l’aide de ses parents, l’enfant s’exerce à aider, selon ses capacités et ses préférences. Participer au collectif c’est se sentir utile, aider les autres, donner ; c’est une des pierres de base de la confiance en soi.

La capacité à s’organiser (dans le temps, l’espace, les idées) commence lorsque l’enfant trie ses jouets, assemble ses cubes, s’habille et plus tard vide le lave-vaisselle, plie le linge, range les courses, organise ses livres par thèmes, etc.

Alors que peut nous apporter ce confinement ?

Prendre le temps

Passer du temps ensemble, non parce qu’il est imposé mais parce que nous avons soudain – pour certains d’entre nous – la possibilité de prendre notre temps : le temps d’écouter – jusqu’au bout – ce que nos enfants nous racontent, le temps d’inventer des histoires ensemble, le temps de cuisiner/jardiner/bricoler à deux, en suivant nos goûts et notre inspiration plutôt qu’un cahier des charges.

Trouver des façons créatives de bouger son corps dans un espace restreint. Qui préfère les roulades et qui aime mieux danser ? Qui va imaginer un parcours d’obstacle, organiser une séance de derviches tourneurs, partir en balade à la recherche de beaux cailloux à peindre ?

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Quel plaisir de contempler, seul ou à deux : un papillon virevoltant, le mouvement des nuages, une fourmi en action, l’odeur du lilas, un beau morceau de musique… on peut demander aux plus grands de dessiner cet instant, voire de l’écrire (sans contrainte autre que d’être lisible). L’art et la poésie inspirent, et apaisent.

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S’inventer des rituels

Pourquoi ne pas inventer ou élaborer des rituels ? La routine rassure les enfants anxieux et organise les journées, permet de ponctuer le temps ; les enfants adorent aussi les rituels, qu’ils soient culturels ou inventés en famille, ils font partie de leur histoire personnelle et de leurs futurs souvenirs. Proposez un thème, une date et laisser libre cours à l’imagination, l’idée est de répéter ce rituel pour l’ancrer dans les temps familiaux, vos enfants vous en parleront encore quand ils seront adultes.

journal du confinement

Le journal du confinement : un rituel à partager en famille pour positiver

Jouer !

Après avoir rangé l’armoire qui débordait, nous avons retrouvé des jeux et, parce que nous avions le temps, nous avons fait une partie, puis deux. Les enfants développent tant de compétences en jouant et à tous les âges, surtout si nous adultes encourageons la coopération, la réflexion, la recherche de solutions et le goût de rire plutôt que la compétition.

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Apprendre à exprimer ses besoins… et ses désaccords

Bien sûr, il y a eu et il y aura encore des conflits. L’espace partageable étant limité, les mal-entendus ou déclarations spontanées mais maladroites peuvent dégénérer en disputes, chacun arguant qu’il/elle a raison. Peut-être est-ce là aussi une opportunité pour apprendre à exprimer ses besoins, expliquer pourquoi on a réagi avec émotion, tenter de comprendre l’autre et par là-même de nous comprendre nous-même. Aller jusqu’au bout de la discussion même si elle est difficile, pour entendre les différents avis, éventuellement accepter qu’on ne soit pas d’accord ou élaborer un compromis ensemble. Et toujours finir en se réconciliant, une réconciliation dans laquelle chacun se sent apaisé.

Et quand on a vraiment besoin d’aller « voir ailleurs » ? Les moments où l’on peut s’extraire de la famille sont indispensables à chacun, les hypersensibles ayant souvent besoin d’une plus haute « dose » que les autres. Alors il y a la balade en solo (ou avec le chien), le journal de bord qui permet de s’isoler et revenir à soi, une cachette-refuge, un bon livre dans une chaise longue, chanter sous la douche, une conversation sympa au téléphone avec un·e ami·e, ou avec mamie qui est si seule confinée chez elle…

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Une présence attentive pour les accompagner

Le monde change et nous nous sentons tous un peu perdus tant nous manquons de visibilité et de certitudes. Les enfants ont besoin de parents ancrés et ouverts, patients et pro-actifs. Nous ne pouvons pas être tout à la fois en même temps*, mais nous pouvons essayer de « tendre vers ». Nous pouvons, par notre « présence attentive » les accompagner à exprimer leurs besoins et idées, à avoir confiance en leur valeur, à devenir autonomes, à enrichir leurs interactions sociales, à développer leur résilience émotionnelle.

* Immense respect pour les parents obligés d’aller travailler à plein-temps et grâce à qui nous pouvons nous nourrir, nous soigner, communiquer, tous ceux qui permettent la continuité des choses matérielles pendant le confinement. Respect pour ceux qui télétravaillent tout en assurant un suivi scolaire, et particulièrement les parents solo qui cumulent toutes les tâches à la fois.

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