Mercredi 27 janvier 2021, nous vous avions retrouvé pour un nouveau Facebook live ! Cet atelier en ligne était consacré à comprendre en quoi consiste l’intégration sensorielle (IS) et comment elle se manifeste dans la vie quotidienne. Anne-Laure Cabon, et Magali Egreteau, ergothérapeutes formées en IS, ont analysé des situations de la vie de tous les jours pour nous aider à comprendre comment les troubles d’intégration sensorielle se manifestent. De plus, elles nous ont donné des pistes pour s’ajuster et mieux accompagner les enfants présentant des troubles dans le traitement des informations sensorielles. Voici le résumé de cette présentation riche, bonne lecture !

Qu’est-ce que l’intégration sensorielle ?

Les théories sur l’intégration sensorielle ont été développées à la fin des années 1960 aux États-Unis par Anna Jean Ayres, une ergothérapeute et Docteure en psychologie, puis par ses successeurs.

Depuis la conception de l’approche, la terminologie diffère légèrement. La plus récente classification a été proposée par Lucy J. Miller et se divise en trois sous-types :

  • la modulation (trouble de modulation, hyper et hypo sensoriel et recherche sensorielle),
  • la discrimination (troubles de la discrimination sensorielle),
  • et les troubles moteurs d’origines sensorielles qui peuvent entrainer les dyspraxies et les troubles posturaux.

Une construction dès la naissance

L’intégration sensorielle se construit dès les premiers jours de la vie à travers l’expérimentation et la confrontation à l’environnement. Les sens reçoivent de l’information puis le transmettent au cerveau >> le cerveau traite l’information >> le corps réagit à cette information.

L’intégration sensorielle se construit donc vraiment alors que l’enfant est tout-petit. Il faut donc avoir une vigilance particulière sur le fait de laisser explorer les tout-petits au niveau visuel, tactile, etc. La motricité libre est à privilégier dès le plus jeune âge pour renforcer les sens.

>> À télécharger : la motricité libre en une infographie

Infographie Motricité Libre

Non pas 5, mais 7 sens !

Mais quels sont ces 2 sens moins connus ? Le sens vestibulaire qui correspond au sens du mouvement et de l’équilibre et la proprioception qui correspond à la capacité de percevoir la position de son corps sans avoir recours aux autres sens.

Pyramid of learning (Pyramide des apprentissages) de William & Shellenberger

>> À lire également : L’IS expliquée en facilitation graphique

Ne pas confondre particularités sensorielles et troubles sensoriels

Tout le monde est concerné par le processus d’intégration sensorielle. On va parler de troubles quand il y a un impact dans la vie quotidienne. On peut avoir des particularités sensorielles et cela ne constitue pas forcément un trouble. Un professionnel pourra diagnostiquer un trouble. Quand il y a un doute, peu importe l’âge de l’enfant, il faut d’abord qu’un médecin vérifie l’intégrité organique, c’est-à-dire si la vision, l’audition, etc. fonctionnent correctement.

On peut noter également que les troubles de l’intégration sensorielle font partie du trouble autistique, qu’un trouble de l’attention peut avoir une origine sensorielle, notamment de la modulation sensorielle et qu’un trouble graphique peut être en lien avec un trouble moteur d’origine sensorielle.

Chez les tout-petits (avant 3 ans), si on soupçonne une hypersensibilité chez son enfant, il est tout de même important de lui proposer des stimulations sensorielles variées, même si certaines semblent plus complexes. On modulera alors pour proposer certaines stimulations plus douces et on les proposera toujours à travers le jeu. Magali rappelle néanmoins qu’il est important de ne pas forcer l’enfant à faire une activité. Il est préférable de le laisser aller et venir.

Ces sens qui permettent de se sentir bien

Les systèmes proprioceptif, vestibulaire et tactile permettent de réguler le système en sécrétant des hormones. C’est le cas de la proprioception qui permet de sécréter la sérotonine qui va inhiber le cervelet et permettre de mieux sentir son corps dans l’espace. Les pressions profondes libèrent également de la dopamine (=notion de plaisir) et cela a un effet anti-stress.

Certains enfants ne semblent pas apprécier les câlins doux comme nous avons l’habitude de les faire. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas leur faire de câlin, mais qu’ils préfèrent peut-être un câlin plus appuyé avec des pressions profondes, en les serrant très fort dans vos bras.

>> À télécharger : « Infographie : les bénéfices des câlins »

les bénéfices des calins

Mettre en place un régime sensoriel

Le régime sensoriel consiste à mettre en place une série d’exercices qu’on reconduit dans la journée avec des temps très courts de stimulation avec par exemple le serpent vibrant, les couvertures ou produits lestés, le sac de danse qui permettent d’apaiser le système, de diminuer ou d’ajuster les seuils de réactions aux stimulations sensorielles.

>> À découvrir également : « 20 mini-pauses proprioceptives »

20 mini-pauses proprioceptives

Mettons nos lunettes sensorielles

L’approche sensorielle nécessite une enquête, c’est-à-dire de faire une recherche sur ce qui convient et ne convient pas à l’enfant et d’adapter les solutions que l’on peut lui proposer.

Face à une activité, un enfant peut se comporter de différentes manières : repli, refus, agitation, agressivité, fatigue excessive. Nous vous proposons de mettre nos lunettes sensorielles pour découvrir ce qui pourrait gêner votre enfant dans différentes activités du quotidien et ainsi, pouvoir lui proposer des solutions.

Exemple : le port du masque

En ce moment, nous devons porter des masques. Si l’enfant ne veut pas porter son masque, il faut rechercher les causes sensorielles. Est-ce l’odeur du masque qui le dérange ? Dans ce cas, vous pouvez lui faire essayer plusieurs masques de différents fournisseurs. Est-ce le contact du tissu avec sa peau dans la zone orale ? Dans ce cas, il existe des petits accessoires à placer sous le masque pour éviter que le masque touche la peau. On peut également exercer des pressions profondes sur le visage avant le port du masque.

>> À lire aussi : « Faciliter le port du masque chez les enfants TSA »

Une enfant masque émotions

Exemple : les transports

Certains enfants présentent des difficultés dans les transports. Ils ne veulent pas monter, deviennent agressifs avec leurs frères et sœurs ou encore sont malades… Une fois encore, il faut chercher les causes sensorielles. Est-ce que le problème vient du bruit excessif ? Dans ce cas, on peut utiliser un casque anti-bruit ou des bouchons d’oreilles. Est-ce que ce sont les odeurs ? Vous pouvez aérer la voiture, supprimer les éventuels parfums synthétiques présents dans l’habitacle… L’enfant peut également être trop stimulé par le paysage qui défile, une solution serait alors d’installer un pare-soleil.

Enfant transport voiture

Exemple : le brossage des dents

Si votre enfant refuse de se brosser les dents, vous allez à nouveau faire une enquête sensorielle. Est-ce le goût ou l’odeur du dentifrice qui le dérange ? Testez différentes marques, goûts, textures pour voir si cela améliore la situation. Est-ce qu’il y a des difficultés visuelles ? Peut-être que le miroir le dérange ou que la luminosité est trop forte ou trop faible… Au niveau proprioceptif, l’enfant peut être gêné par les vibrations d’une brosse à dents électrique ou au contraire par le manque de vibration d’une brosse à dents manuelle. Vous pouvez également utiliser de petits outils vibrants comme le Z-vibe pour l’habituer à avoir une vibration au niveau de la bouche.

>> À lire aussi : « Autonomie : 10 conseils pour le brossage des dents »

z-vibe

Exemple : l’habillage

Certains enfants peuvent être gênés par les étiquettes ou les coutures des vêtements. N’hésitez pas à couper les étiquettes ou même à porter les vêtements du dessous à l’envers tel que la culotte, le caleçon, le maillot de corps ou le pyjama. Ainsi, les coutures gênantes seront sur l’extérieur.

Également, les enfants qui ont des difficultés proprioceptives et au niveau des sensations tactiles, peuvent être gênés par des vêtements qui sont trop serrés ou au contraire pas assez serrés. Choisissez donc ces vêtements en fonction de la situation. Au besoin, vous pouvez aussi tester des vêtements de compression.

T-shirt à compression

Tee-shirt à compression : Votre enfant a-t-il besoin de pression profonde pour se sentir bien ? Ce tee-shirt à compression apporte une stimulation proprioceptive douce en enveloppant bien le torse jusqu’aux hanches, créant un sentiment de bien-être et de sécurité. Particulièrement indiqué pour tous les enfants/ados ayant des troubles de la modulation sensorielle. Il peut se porter tous les jours et a une forme plus longue que les tee-shirts standards.

Exemple : le sommeil

Le sommeil peut poser problème avec certains enfants qui refusent de dormir dans le noir. Vous pouvez mettre une veilleuse ou laisser la lumière. Il y a également des enfants qui ont des difficultés au niveau de la proprioception. Si c’est le cas de votre enfant, vous pouvez lui proposer de dormir en sac de couchage ou dans des draps zippés sur le lit pour ne pas avoir de perte de repères.

>> À lire : « 5 stimulations sensorielles pour la relaxation avant le sommeil »

Draps ajustés pour compression

Draps ajustés pour compression

Exemple : les repas

Les enfants peuvent être gênés au moment des repas soit par la texture ou l’odeur des aliments. Pour ce type de problème, il faudra faire une rééducation sur la durée. Vous pouvez également travailler sur la proprioception et le vestibulaire en proposant aux enfants un coussin Dynair, une couverture lestée sur les genoux, un fidget pour les pieds comme le Busylegz.

Vous trouverez d’autres exemples de la vie quotidienne dans le replay de la vidéo concernant notamment les loisirs avec aller à la piscine et la vie sociale avec les files d’attente.

Solutions pour l’école

En milieu scolaire, il y a beaucoup de stimulations, souvent très intenses, au niveau de tous les sens (visuel, auditif, proprioceptif, etc.). De plus, les apprentissages scolaires demandent beaucoup de concentration. Comment aider les enfants qui ont des troubles sensoriels à l’école ?

On vous en parlait précédemment, mais il est d’autant plus intéressant de mettre en place un régime sensoriel à l’école. Grâce à ses petites pauses, les enfants récupèreront de l’énergie au fur et à mesure de la journée. De plus, certains outils existent pour répondre aux besoins vestibulaires et proprioceptifs des enfants. On vous en présente quelques-uns ci-dessous.

Des outils pour l'école

Au niveau tactile, vestibulaire et proprioceptif

Des couvertures lestées à poser sur les genoux ou sur les épaules.

>> À lire : Bien choisir et utiliser une couverture lestée

Le busylegz : On peut s’adresser au système vestibulaire avec le Busylegz. C’est l’outil indispensable pour les enfants ayant la bougeotte ! Placé sous une table, l’enfant positionne ses pieds de chaque côté et exerce des mouvements en toute discrétion. Idéal pour les enfants TDAH et présentant des troubles de l’attention.

Afin d’apporter un effet proprioceptif calmant, vous pouvez installer des élastiques sur la chaise de l’enfant. L’enfant viendra s’appuyer sur ses élastiques et cela permettra d’éviter qu’il se mette en danger en se balançant sur sa chaise.

La veste lestée permet un bien-être au niveau proprioceptif. A la voir, on ne devinerait jamais qu’elle est lestée ! Personnalisez cette belle veste en jean en la lestant discrètement à la taille et aux épaules grâce aux poids inclus.

Lorsqu’un enfant est en recherche de mâchouiller ses bouchons de stylos, ses cols ou manches de pull, c’est sans doute qu’il est en recherche de proprioception. Vous pouvez donc lui proposer de mâcher un chewing-gum, ou d’utiliser un bijou à mordiller.

Au niveau tactile, on peut proposer à l’enfant de manipuler des petits fidgets. Choisissez-les en fonction des préférences de l’enfant au niveau texture, au niveau de la résistance, mais également en prenant en compte l’environnement. À l’école, il vaut mieux privilégier un fidget silencieux par exemple.

>> À lire : « Quels fidgets pour la salle de classe »

Découvrir la sélection « Des fidgets pour tous »

Au niveau visuel, auditif et olfactif

Au niveau visuel, on peut mettre en place des petits paravents comme la barrière pop-up. On peut demander à l’enseignant.e d’épurer l’environnement ou de demander à ce que l’enfant change de place et soit placé à l’avant de la classe.

Au niveau auditif, on peut proposer le casque anti-bruit ou un casque audio pour s’isoler en écoutant de la musique de temps en temps.

Parfois, il peut y avoir une surstimulation au niveau olfactif. On pourra le déterminer lors de l’enquête sensorielle. En effet, l’enfant peut être dérangé par un parfum, par l’odeur de peinture ou de colle, etc.

Les points de vigilance

Certains objets et produits sont à utiliser avec beaucoup de précautions et après avoir consulté un professionnel. C’est le cas notamment des produits lestés et compressifs, car il y a un risque d’étouffement. Par exemple, la couverture lestée qui peut faciliter l’endormissement doit être enlevée ensuite pour la nuit. La préconisation est de 10 % du poids, mais on reste toujours prudent dans l’usage de ces produits avec une observation du comportement. On peut commencer avec un poids plus faible et augmenter progressivement en fonction de la réaction de l’enfant pour trouver le juste poids qui n’est pas forcément 10 % (limite supérieure).

Il faut également être très vigilant sur l’utilisation des huiles essentielles avec les enfants. Il est important de consulter un professionnel de santé pour vous guider dans leur utilisation et connaitre les contre-indications.

De même, certaines stimulations vestibulaires peuvent être totalement contre-indiquées pour certaines personnes comme les personnes épileptiques.

Attention, également, à ne pas suradapter l’environnement de l’enfant à ses difficultés sensorielles. En particulier, lorsque celui-ci est très jeune, car l’intégration à l’école risque d’être plus difficile.

Vous l’aurez compris, l’intégration sensorielle est une enquête qui se fait par essai-erreur et qui peut être très longue. Avec l’aide d’un professionnel formé en intégration sensorielle, il faut bien cibler où se situent les troubles sensoriels pour avoir une action efficace.

Découvrez la sélection « Intégration sensorielle et vie quotidienne : les outils indispensables »

Voir le replay de la vidéo


Anne-Laure Cabon est diplômée en ergothérapie en 1998. Après avoir exercé en gériatrie et service de maintien à domicile, elle intègre le service de soins à domicile pour enfants atteints d’un handicap moteur avec ou sans troubles associés. Parallèlement, elle s’installe en libéral en 2007.
Magali Egreteau est ergothérapeute depuis 2004. Après des expériences en rééducation fonctionnelle adulte et pédiatrique, elle intègre le même service de soins à domicile pour enfants atteints d’un handicap moteur avec ou sans troubles associés. Elle rejoint le cabinet d’Anne-Laure en 2011.

Toutes les deux exercent aujourd’hui encore au sein du cabinet « Maison des Korrigans » à Lesneven (29) et en SESSAD (Brest). Elles ont commencé à se former en intégration sensorielle en 2012, formation poursuivie jusqu’en 2018.

Les retrouver sur les réseaux : Instagram @ergo_maison_des_korrigans / Facebook : Cabinet d’ergothérapie – Maison des Korrigans

Mathilde est coordonnatrice Tiers-Lieu chez Hop'Toys et rédactrice sur ce blog.

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