À l’occasion de la Journée Mondiale des Sourds, ce 26 septembre 2020, nous avons voulu revenir sur les conséquences émotionnelles que pouvaient présenter ce handicap en vous permettant de (re)découvrir cet article.

Chaque année, en France, un millier d’enfants naît avec un problème de surdité (source INSERM). Les incidences de la surdité sur le développement de l’enfant varient bien sûr en fonction de plusieurs facteurs : profondeur de la surdité, âge de sa survenue, précocité du dépistage du diagnostic, milieu familial, etc. Pour autant, près de la moitié des personnes présentant des troubles auditifs – et pas nécessairement les plus élevés – se disent en détresse psychologique, soit trois fois plus que dans la population générale. Analysons ici les conséquences émotionnelles, psychologiques et comportementales que la perte d’audition peut entraîner. Et découvrons quelques outils pour contribuer à y remédier !

La nécessité d’un dépistage précoce

Nous ne reviendrons pas ici en détails sur les causes de la surdité. Celles-ci restent par ailleurs imprécises dans 30% des cas de surdité chez l’enfant. Deux cas de surdité sur trois sont d’origine génétique, mais des causes infectieuses ou traumatiques, de même qu’une naissance prématurée peuvent également être à l’origine de troubles auditifs.

>> Lire ici : Comment repérer la perte auditive chez l’enfant ?

Un handicap invisible

Comme tous les handicaps invisibles, les problèmes d’audition sont parfois difficiles à déceler. De fait, leurs conséquences, notamment psychologiques sont souvent sous-évaluées. Or les problèmes d’audition peuvent entraîner une fragilité émotionnelle chez les personnes sourdes et malentendantes. Ces dernières, notamment au moment de l’adolescence, se trouveront plus exposées à « une certaine détresse psychologique et au risque de suicide, du fait du manque d’interlocuteurs disponibles pour les accompagner dans leur future vie d’adulte », précise Didier Voïta, président de l’Association nationale des parents d’enfants déficients auditifs.

 >> Téléchargez notre infographie sur le handicap invisible 

De l’importante de traiter la surdité

Lorsqu’on parle de surdité, il faut bien sûr distinguer la surdité non corrigée et la surdité corrigée, au moyen d’un appareillage ou d’un implant cochléaire par exemple. Une surdité non traitée aura de graves conséquences tant physiques qu’émotionnelles. Elle pourra entraîner une déficience cognitive. Des études ont également montré que la perte auditive non traitée peut aggraver les cas de démence. Les conséquences émotionnelles et psychologiques sont nombreuses également. Lorsqu’un adulte subit une perte auditive, les efforts de concentration et d’attention supplémentaires qu’il doit fournir pour pallier sa déficience vont entraîner une fatigue pouvant devenir chronique et conduire à l’épuisement, voire à la dépression.

On pourrait donc penser que dès lors que la déficience auditive sera corrigée, les répercussions comportementales s’estomperont. Les progrès technologiques, notamment les implants cochléaires, ont certes facilité l’accès au langage oral de nombreuses personnes, les changements éducatifs ont facilité leur scolarité. Pourtant de nombreuses études (outre-Atlantique notamment) tendraient à démontrer que les personnes malentendantes ont souvent plus de problèmes comportementaux. À ce jour, la pose d’implant cochléaire n’a d’ailleurs pas permis de démontrer une baisse de troubles du comportement chez les enfants atteints de surdité.

Un papa s’est fait tatouer un implant cochléaire pour soutenir sa fille. Photo: Courtoisie Birmingham Children’s Hospital

>> À lire : Surdité : implant cochléaire et rééducation auditive 

Si le lien entre compétence de langage et problèmes de comportements peut bien être établi, il est cependant hasardeux de n’avancer que le facteur de la surdité pour expliquer que les enfants sourds aient davantage de problèmes de comportements que leurs pairs entendants. De multiples raisons, notamment familiales, peuvent bien sûr entrer en ligne de compte.

Intervention précoce : l’exemple du programme PATHS

Il en va de la surdité comme de bien des handicaps : c’est l’intervention, le plus précocement possible, qui fera la différence ! Ainsi le programme PATHS (Programmes de prévention et d’intervention favorisant les relations positives entre pairs chez les jeunes enfants) s’est révélé efficace auprès des enfants malentendants ou sourds. L’un des objectifs de ce programme est de renforcer les habiletés d’autorégulation qui peuvent contribuer à l’adaptation des enfants aux exigences comportementales et sociales du milieu scolaire notamment. Le programme s’est révélé efficace pour enseigner aux enfants malentendants et sourds le contrôle de leurs impulsions et les aptitudes sociales.

Audition = langage = communication

Une déficience auditive va entraîner une altération des compétences langagières et de communication. Dès lors, rien d’étonnant à ce que les personnes sourdes et malentendantes soient davantage exposées à des problèmes relationnels et comportementaux. Lorsque l’accès au langage est plus difficile, c’est la compréhension de ses émotions, mais aussi l’inhibition de ses propres pulsions qui sont entravés. L’audition, essentielle à l’acquisition du langage, va jouer un rôle sur l’ensemble du développement de l’enfant, puisque ce sens agit directement sur les interactions et la sociabilité.

Les difficultés de communication peuvent ainsi entraîner un isolement ou un vécu de solitude chez les personnes sourdes et malentendantes. Le risque est celui du renfermement sur soi, de difficultés relationnelles, qui ont des conséquences psychologiques qui peuvent parfois être sérieuses.

L’association Mieux entendre nous rappelle sur son site la vulnérabilité de l’enfant sourd. D’abord celui-ci ne percevra pas la voix de la mère qui rassure le tout-petit. Le sentiment d’incompréhension, la frustration qui s’ensuit, pourront donner lieu à de l’impulsivité, voire à de violentes colères  mais aussi à une décharge d’angoisse en cas de surprise par exemple. L’audition a en effet une fonction d’alerte. Chez une personne sourde, la vision devra prendra en charge cette fonction, mais elle ne le fera que partiellement et une personne sourde pourra être en proie à une véritable panique si quelqu’un arrive rapidement derrière elle par exemple.

La crainte du regard des autres, de se voir reprocher son incompréhension pourra faire perdre confiance en lui à l’enfant atteint de surdité. Ces « échecs de communication » peuvent également entraîner une perte de l’estime de soi et une tendance au repli sur soi.

Le bain langagier

Fait notable : les enfants sourds issus de familles sourdes présentent un développement plus comparable à celui de leurs pairs entendants que celui des enfants sourds issus de familles entendantes. En effet, au sein d’une famille entendante, les enfants sourds « peuvent être ou se sentir coupés de la communication du fait que des paroles leur échappent. Certains le ressentent comme une mise à l’écart, d’autres peuvent avoir tendance à se replier. A l’adolescence, la prise de conscience d’une spécificité par rapport aux entendants et la compréhension plus mature des conséquences peut s’accompagner de colère, de comportements turbulents ou encore d’angoisse ou de tristesse. » rapporte Surdi-Info

Entre parents malentendants et enfants malentendants, la barrière linguistique est moins importante. L’enfant acquiert le langage par imitation. L’enfant malentendant dans une famille malentendante sera directement immergé dans une langue lui étant accessible ; la communication pourra se mettre en place plus facilement. Tandis que les parents entendants auront besoin de temps pour s’initier à la communication visuelle et à la langue des signes.

Si la langue des signes est évidemment une précieuse alternative à la communication parlée, s’exprimer par ce moyen dans une société encore trop peu accessible reste « une difficulté concrète du quotidien qui peut entraîner du découragement, de la frustration, de la colère ou encore de l’abattement », rapporte encore Surdi-Info.

Les difficultés ne sont pas moindres pour les personnes malentendantes. En effet, celles-ci ont beaucoup de difficultés suivre une conversation de groupe puisqu’elles ont besoin d’être bien face à leur interlocuteur pour pouvoir effectuer une lecture labiale (lire sur les lèvres de celui-ci). Les efforts qu’elles doivent fournir pour deviner, déduire un mot non perçu vont les empêcher de suivre le reste de la phrase et entraver l’ensemble de leur compréhension.

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Mais les problèmes d’audition peuvent bien sûr apparaître plus tardivement. A la suite d’un accident ou tout simple du vieillissement. 16 % de la population mondiale serait ainsi atteinte de perte auditive.

La détresse psychologique des personnes devenues sourdes ou malentendantes (DSME)

Chez les personnes qui sont devenues sourdes ou malentendantes, en particulier chez celles chez qui la cécité est intervenue entre l’âge de 18 et 49 ans, soit au cours de la vie professionnelle, la détresse psychologique est particulièrement importante (détresse, pensées suicidaires, passages à l’acte). Maripaule Pelloux, dans un éditorial du Magazine 6 millions de malentendants détaille en effet le « bouleversement » auquel ces personnes doivent faire face dans leur quotidien, leurs habitudes, leurs relations familiales, sociales et amicales ; sans parler du « déni, [de la] souffrance cachée, et [du] deuil difficile d’une vie antérieure où entendre et comprendre allaient de soi sans effort… »

Le magazine 6 millions de malentendants  rapporte encore la liste des phénomènes comportementaux liés à la détresse psychologique de la personne devenue sourde, présentée par le rapport le Bucodes SurdiFrance. Parmi ces phénomènes, on note tout particulièrement :

  • l’image négative de la surdité : celle d’une personne colérique, irritable, dont on rit, qui est souvent étourdie…
  • le déni qui va amener à la mise en place des stratégies d’évitement et conduire progressivement à l’isolement.
  • le repli sur soi et la solitude ;
  • des difficultés sociales et affectives : le « DSME » (devenu sourd ou malentendant) va souvent éprouver des difficultés lorsqu’il y a du bruit… Or c’est justement là que sont les lieux de convivialité traditionnels ;
  • le peu d’accès aux loisirs : l’accessibilité étant encore rarement au rendez-vous ;
  • une très grande fatigue liée notamment à la suppléance mentale (combler les manques du message perçu) et à la lecture labiale qui demandent tous deux beaucoup d’énergie ;
  • le fait qu’un que la gravité du handicap soit souvent niée par l’entourage et le corps médical car il n’y a pas de souffrance physique ;
  • une compensation limitée : bien que les progrès en matière d’appareillage soient importants, ils ne restituent pas l’audition perdue ;
  • Enfin les acouphènes (qui accompagnent la surdité dans les 3/4 des cas)  et l’hyperacousie (dans un cas sur cinq environ) sont des facteurs aggravants de cette détresse psychologique.

Des solutions mieux communiquer ses émotions

On l’aura compris, pouvoir communiquer, malgré les troubles auditifs ou la surdité de l’enfant sera indispensable ! Pour permettre d’exprimer ses émotions, des solutions existent pour permettre à un enfant sourd et/ou non verbal de communiquer ses émotions, ses besoins à son entourage. Découvrez ici quelques outils précieuses pour éviter le repli sur soi et faciliter les interactions sociales.

Emoticartes enfants : un fabuleux outil ludo-éducatif pour aider les enfants à comprendre et à maîtriser leurs émotions ! L’enfant devra repérer l’émotion qui le traverse (désagréable ou agréable), la nommer et retrouver dans les cartes ressources ce qui lui permettra de mieux la gérer (à travers des jeux et activités). Le jeu devra être mené par un adulte. Age conseillé : dès 6 ans.

Mon kit 1re émotion : ce kit est idéal pour permettre à l’enfant d’exprimer ses premières émotions. Il est composé de jeux simples et ludiques qui développent l’intelligence émotionnelle des touts petits en leur permettant de symboliser leurs émotions.

Dis le avec tes mains : Dictionnaire français-LSF pour initier les enfants à la LSF. Pour chaque signe, vous trouverez une illustration, l’explication technique du signe avec l’image de la configuration (disposition des doigts de la main) et l’illustration du mot. Contient 250 signes-mots essentiels.

Dictionnaire bilingue lsf enfants : Après plusieurs années de recherche de l’équipe d’IVT, ce dictionnaire richement illustré, s’efforce d’offrir à l’enfant sourd, à ses parents et ses enseignants, un support graphique et ludique pour l’apprentissage de la LSF et du Français.


Sources :

Ressources https://-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Depistage_des_troubles_de_l_audition_chez_l_enfant.pdf
France assos santé, « Troubles auditifs et conséquences chez les jeunes enfants »

SurdiFrance
Surdi-info
6 millions de malentendants
, octobre 2011

Mieux entendre. fr
Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants,Programmes de prévention et d’intervention favorisant les relations positives entre pairs chez les jeunes enfants 

Signia Audition

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