Il y a quelque temps, nous avions invité Isabelle Babington, ergothérapeute, auteure de l’ouvrage L’enfant extraordinaire, à donner une conférence sur le thème : « Repenser les espaces avec l’intégration sensorielle ». Au cours de cette intervention, Isabelle nous a donné des pistes concrètes afin de repenser les espaces à l’école, en tenant compte des particularités neurosensorielles des élèves. Découvrez ses conseils !
L’intégration sensorielle dans la salle de classe
Dans une école idéale, un enfant hypersensible aurait accès à un casque anti-bruit en sachant qu’il a le droit de l’utiliser dans certaines situations bruyantes, notamment à la cantine (certains enfants ne vont pas à la cantine à cause du bruit).
En classe, les écrans de travail, durant certaines tâches, peuvent être très efficaces. En effet, durant une dictée ou un test, un écran qui le protège des distractions qu’il a du mal à ignorer peut aider un enfant à se concentrer. On peut aussi réfléchir à sa place en classe. On peut épurer la feuille en diminuant la quantité d’informations, d’exercices ou d’opérations. Il en va de même pour les instructions orales : énoncer une seule chose à la fois peut aider un enfant distrait.
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Les profs d’EPS doivent être sensibilisés au fait que certains enfants ont des handicaps invisibles. Si l’enfant ne présente pas de handicap moteur visible, on pourrait penser qu’il peut monter à l’échelle ou sauter dans la piscine… Sauf que chez certains, l’interprétation de la situation par leur système nerveux ne leur apporte pas les bonnes informations sur la relation entre leur corps et cet espace inhabituel ou effrayant. Si l’enfant semble figé par la peur, il est préférable de l’accompagner, sans le forcer ni le culpabiliser.
Des espaces de pauses adaptés
Il y aurait des lieux pour des pauses en solo. Les enfants en surcharge sensorielle auraient la possibilité de faire une pause dans un petit coin calme et éloigné des autres (dans une petite tente, sous un bureau, un placard, etc.). Dans une école idéale, il y aurait une petite salle de cantine séparée pour 4 ou 5 enfants hypersensibles au bruit (cela existe de temps en temps aux États-Unis). Et bien sûr, les enseignants seraient formés pour comprendre comment les troubles de l’intégration sensorielle impactent les comportements et les apprentissages.
Il faudrait pouvoir organiser des pauses motrices, des pauses actives, pour que les enfants bougent. Les enfants sont trop longtemps assis, trop souvent, et ce n’est pas toujours la meilleure position pour apprendre. Beaucoup d’enfants ont besoin de bouger pour intégrer une leçon : de manipuler, de déplacer, de se déplacer. On pourrait aussi mettre à disposition quelques coussins d’air, qui permettent de se procurer des sensations (non-dérangeantes pour les autres) De nombreuses expériences se font à l’étranger (Canada, Allemagne, Suisse, Australie…) pour inciter les enfants à bouger, leur proposer des options de positions, des bureaux debout, des petits vélos statiques…
L’intégration sensorielle dans la cour de récréation
Dans la cour de récréation, il y aurait des toboggans, des balançoires et des bacs à sable. On verrait le retour des cordes à sauter, des marelles, des élastiques, des structures pour grimper.
Grimper, sauter , tripoter des textures, se balancer, nourrit le cerveaux des enfants pour les apprentissages ultérieurs et participe à la modulation neuro-sensorielle. Mâcher – du chewing-gum par exemple – même si cela surprend les adultes encadrants, est une source de sensations régulatrices qui peut permettre à certains de mieux se concentrer. Aller en classe à pied ou à vélo, passer moins de temps devant les écrans aussi… Dans l’école idéale, il y aurait une cantine bio, sans sucre ajouté, sans alimentation industrielle.
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Rêvons à des espaces possibles !
Isabelle Babington est ergothérapeute. Elle a exercé en France et aux États-Unis où elle s’est formée à l’intégration sensorielle. Elle a été la première à enseigner cette approche en France. Isabelle est cofondatrice de la Meex (Maison des enfants extraordinaires) où elle consulte, coordonne des programmes et forme des professionnels. Elle est aussi l’auteure de l’ouvrage L’enfant extraordinaire, comprendre et accompagner les troubles des apprentissages et du comportement chez l’enfant.