Si on observe une salle de classe traditionnelle, il ne sera pas étonnant d’y observer un élève se balancer sur sa chaise, un autre gigotant derrière son bureau ou encore mâchonner son stylo. À travers ces comportements, le corps de l’enfant s’exprime : il a besoin de bouger ! Dans les écoles de demain, à l’instar de certaines pédagogies alternatives, pourquoi ne pas prendre en compte le corps et les sens dans les apprentissages ? C’est la thématique du 97ème congrès de l’AGEEM !
Pédagogies alternatives : une autre vision de l’éducation
Le terme « écoles alternatives » désigne toute école offrant un programme , un environnement d’apprentissage ou une prédisposition philosophique très différente de l’école ordinaire. Montessori ou Reggio sont des exemples typiques d’écoles maternelles et élémentaires alternatives. Très souvent, les écoles proposant ces pédagogies sont privées et donc les moyens d’accompagnement des élèves sont plus élevés et permettent des apprentissages personnalisés aux besoins de chacun. Cependant, on peut s’inspirer des approches proposées, se les approprier et les appliquer à sa classe.
Les écoles Reggio
À l’école Reggio, chaque jour offre d’innombrables possibilités d’exploration et de découverte. Le programme est conçu pour respecter le point de vue de l’enfant. Les élèves de la maternelle au primaire sont invités à contrôler l’orientation de leurs apprentissages et à diriger leurs activités quotidiennes, en s’inspirant de l’approche italienne développée par Loris Malaguzzi dans la ville de Reggio située dans la région Emilia. Cette approche encourage les élèves à s’exprimer de différentes manières : on parle des 100 langages.
Dans cette approche, le matériel occupe une place prépondérante. En effet, celui-ci doit favoriser l’exploration libre, la manipulation et doit stimuler les sens. L’adulte propose différents outils à l’enfant qui est libre de se les approprier comme bon lui semble, d’explorer ses différentes utilisations. On permet à l’enfant de s’exprimer, d’utiliser son corps et ses sens dans ses apprentissages.
Se lancer dans la pédagogie Reggio
Les écoles Montessori
Tout comme Reggio, dans la pédagogie Montessori l’enfant est acteur de ses apprentissages. L’environnement est pensé pour qu’il puisse se l’approprier librement, sans l’aide de l’adulte. L’environnement est proportionnel à la taille des enfants, favorisant ainsi l’indépendance de l’enfant dans le processus d’exploration et d’apprentissage. Il comporte des étagères basses, des tables et des chaises de différentes tailles où les enfants peuvent s’asseoir individuellement ou en groupe.
La salle de classe est divisée en zones thématiques où les documents et la bibliographie sont exposés sur les étagères, permettant une grande liberté de mouvement. La liberté et l’autodiscipline permettent à chaque enfant de trouver des activités qui répondent à ses besoins évolutifs. Les enfants peuvent travailler en groupe ou individuellement, en respectant leur propre style et rythme. Chaque enfant utilise le matériau qu’il souhaite en le prenant sur l’étagère puis le remet à sa place afin que d’autres puissent l’utiliser.
Les enfants travaillent avec des matériaux concrets conçus scientifiquement, qui leur fournissent les clés pour explorer notre monde et développer leurs capacités cognitives de base. Les matériels sont conçus pour permettre à l’enfant de reconnaître l’erreur par lui-même et de devenir responsable de son apprentissage. L’objectif est de favoriser la manipulation, l’expérience par le corps et la répétition afin de parvenir à l’apprentissage.
>> Pour aller plus loin : tout savoir les écoles alternatives
Repenser les aménagements
L’aménagement de la classe joue un rôle prépondérant dans les apprentissages. Il reflète les façons de travailler et la liberté accordée aux élèves. On trouve aujourd’hui de moins en moins de classe où les élèves sont assis seuls derrière un bureau face au tableau. Les enseignants aménagent différents espaces au sein de la classe permettant les regroupements, la coopération entre les élèves, les temps calmes, etc.
La classe flexible
Une classe flexible est une classe qui va proposer différentes surfaces de travail et différents types d’assises aux élèves pour leur permettre de bouger et maximiser ainsi leur attention et leur motivation en classe. Elle va également changer la posture de l’enseignant et sa façon d’enseigner.
La classe flexible est très populaire aux États-Unis et au Canada et de plus en plus d’enseignants se lancent également en France. En effet, ce modèle de classe a de nombreux avantages pour les élèves. Des études ont montré que de courtes périodes de mouvement dans la classe contribuent à une meilleure attention et une meilleure concentration. La plus grande amélioration ayant été justement observée chez les enfants qui avaient le plus de difficultés à rester concentrés au départ. En offrant la possibilité aux élèves de changer de position au cours de la journée, on crée donc ces opportunités de mouvement. En résulte, des élèves plus attentifs, plus concentrés et qui participent davantage.
>>Dans cet article, découvrez nos conseils et outils pour aménager votre classe flexible
Repenser la salle de classe avec l’intégration sensorielle
Isabelle Babington, ergothérapeute spécialiste en INS, partage avec nous ses conseils pour repenser les espaces de l’école en tenant compte de particularités neurosensorielles des élèves.
Les aménagements ne constituent pas une thérapie d’intégration sensorielle, et encore moins des recettes valables pour tous. Elles sont des idées pour améliorer la vie ensemble en permettant aux enfants en difficulté de s’adapter plus aisément. Tout le monde y gagne : les enfants sont moins désorganisés dans leurs réponses, les adultes plus sereins.
Divers outils peuvent être proposés tels que :
- le casque anti-bruit pour se couper des environnements bruyants.
- Les écrans de travail. Ils permettent à l’enfant de se couper des distractions visuelles qui pourraient le distraire.
- Des lieux de temps calme. Les enfants en surcharge sensorielle ont ainsi la possibilité de faire une pause dans un petit coin calme et éloigné des autres.
- Des assises dynamiques.
>> Retrouvez tous les conseils d’Isabelle Babington dans cet article.
Manipuler pour mieux apprendre
En manipulant, en explorant, l’enfant fait appel à ses sens et à son corps. Cette méthode est bien plus efficace pour les apprentissages. Découvrez quelques exemples de pratique faisant appel à cette méthode.
Toucher les lettres pour mieux les connaître
Une étude conjointe du laboratoire de psychologie et neurocognition de l’université de Savoie et de l’université René Descartes de Paris V met en avant les bénéfices de l’exploration haptique (=toucher) des lettres dans un entraînement de préparation à la lecture. À l’issue de l’étude, les résultats révèlent une amélioration de la lecture de pseudo-mots plus importante dans le cadre de l’entraînement incluant l’exploration haptique des lettres.
Les lettres rugueuses font partie intégrante du matériel d’éducation intellectuelle développé par Maria Montessori. Ce matériel très tactile (les lettres ont été découpées dans du papier de verre et collées sur une plaque) permet l’utilisation de la mémoire musculaire (impression au niveau du geste, préparation à l’écriture, correspondance graphie-phonie).
Maths : manipuler avec la méthode Singapour
Partout dans le monde, la méthode d’apprentissage des mathématiques adaptée de celle utilisée à Singapour gagne du terrain. 60 pays l’appliquent déjà. En France, ils sont désormais 120 000 élèves à l’utiliser, un chiffre en augmentation de 50 % en un an ! Serait-ce là, la clé ? Appliquer la méthode de Singapour, ou pour le moins s’en inspirer pourrait-il (re)donner le goût des maths à toute une génération d’élèves ?
Cette méthode explicite amène les enfants à :
- Raisonner, construire le sens – et de fait, à acquérir des connaissances plus profondément ancrées ;
- voir la présence des mathématiques dans leur vie ;
- aller progressivement vers l’abstraction.
Avec la méthode de Singapour, on aborde moins de notions, mais on les aborde en profondeur. À l’école, « Singapour » oblige à une progression un peu différente de celle habituellement appliquée. Au lieu de faire numération le lundi, résolution de problèmes le mardi, masse le jeudi, etc., on travaille « à fond » une notion de base pendant plusieurs semaines. Et on est en mesure de faire des divisions en CP ! Pourquoi ? Comment ? En invitant les élèves à être acteurs, à manipuler des cubes pour trouver comment, par exemple, répartir équitablement 15 cubes dans 3 verres, on leur permet d’accéder au sens de la multiplication et de la division… Avant de leur apprendre à « bien poser une opération » pour trouver le « résultat juste ». On donne aux élèves les outils nécessaires pour raisonner de manière autonome, pour appuyer leur raisonnement. Cette pédagogie explicite permet de pointer, de montrer concrètement le résultat.
Méthode de Singapour : les essentiels
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