Qu’il s’agisse de bousculades, de bagarres, d’insultes, d’intimidation, de publications de photos intimes sur les réseaux sociaux, ce sont 700 000 enfants qui subissent de façon répétée l’agressivité à l’école. En France, 10 % des élèves sont touchés par le harcèlement scolaire. Troubles du sommeil, phobie sociale, anxiété, dépression, autant de symptômes qui sont la conséquence directe du harcèlement scolaire. Pour les plus fragiles, ils peuvent conduire à des comportements suicidaires. Mais dans quoi le harcèlement prend-il ses racines ? Comment se développe-t-il dans la petite enfance ?
Génèse
Le harcèlement n’apparaît pas soudainement et mystérieusement chez les enfants. Lorsque de jeunes enfants entrent à l’école, ils amènent avec eux leur histoire familiale et les expériences qu’ils peuvent vivre au sein de leur foyer, que ce soit avec leurs parents, avec d’autres enfants, ou encore avec les écrans auxquels ils sont exposés. Ces expériences vont rendre les enfants plus ou moins susceptibles de se livrer à des comportements de harcèlement.
Le contexte et l’entourage
Dans certaines familles, les enfants peuvent subir ou observer des violences au quotidien : agression verbale ou physique, punition corporelle, chantage… Ces expériences dans le cadre familial peuvent amener les enfants, qui apprennent de l’exemple de leurs parents, à adopter des comportements agressifs et à être impliqués dans des actes de harcèlement, dès la petite enfance.
En dehors du contexte familial, l’enfant peut être au contact d’enfants l’intimidant ; que ce soit au parc, avec des voisins, des cousins. L’enfant va alors chercher à imiter et à expérimenter ce comportement dans un autre contexte, que ce soit à l’école ou avec ses frères et sœurs.
L’expérience et les facteurs extérieurs
L’accès libre aux écrans et à des programmes non recommandés pour la catégorie d’âge de l’enfant influe également sur la participation potentielle des enfants au harcèlement. Les enfants peuvent apprendre les comportements liés au harcèlement en regardant des films qui glorifient la violence et en jouant à des jeux vidéo qui récompensent les comportements violents.
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Le développement du harcèlement à l’école
En maternelle, les comportements agressifs ou d’intimidation apparaissent et se développent d’une façon bien construite ! Les plus jeunes, entre 2 et 4 ans, peuvent commencer à adopter ces comportements pour défendre leurs biens, leur territoire et leurs amitiés. Les plus âgés, entre 4 et 6 ans, adoptent ces comportements pour menacer ou intimider les autres enfants.
Ces comportements d’agressivité précoce se développent systématiquement en fonction de la réaction de l’enfant ciblé : s’il pleure, se soumet et cède le jouet, l’enfant « agresseur » est plus susceptible de cibler à nouveau le même enfant, et le harcèlement s’installera. Parfois, la soumission de l’enfant ciblé peut devenir gratifiante en elle-même et l’enfant « agresseur » peut sourire et prendre plaisir à blesser l’autre volontairement. Autorisés à continuer, ces comportements peuvent conduire à un véritable cas de harcèlement.
Le harcèlement est-il contagieux ?
Lorsque d’autres enfants de la classe observent une démonstration de pouvoir et de domination réussie d’un enfant harceleur, ils peuvent se joindre à lui et ainsi dominer la même victime à plusieurs reprises ou utiliser des tactiques similaires pour cibler et dominer leurs propres victimes. Si ces formes précoces de harcèlement direct sont laissées libres de se poursuivre pendant plusieurs mois par le corps enseignant et que rien n’arrête ces enfants, des hiérarchies de pouvoir peuvent se former, des groupes d’enfants dominants harcelant régulièrement d’autres enfants qui cèdent à leurs demandes en exécutant tout ce qui leur est demandé.
Filles et garçons égaux face au harcèlement ?
Pour les garçons, les agressions physiques et verbales sont les plus fréquentes, liées à des problèmes de pouvoir et de domination. Ces comportements, qui nécessitent une intervention immédiate, sont relativement faciles à détecter et à observer.
En revanche, les filles sont plus subtiles et indirectes et le harcèlement relève plus d’attaques et de moqueries relationnelles associées à des modèles d’affiliation et d’exclusion. Par exemple, les filles vont plutôt avoir tendance à manipuler leurs relations, à exclure leurs camarades de classe, à répandre des rumeurs, à révéler des secrets et à menacer de ne pas jouer si leurs demandes ne sont pas satisfaites.
Les enseignants doivent alors être attentifs aux jeunes enfants impliqués dans ce harcèlement relationnel. Plus difficile à détecter, il nuit tout autant, voire plus, que des formes plus directes de violence.
Prévenir le harcèlement en maternelle
Les enseignants de maternelle pensent souvent, à tort, qu’ils ne peuvent pas être confrontés au harcèlement dans leur classe. Ils peuvent penser que les jeunes enfants sont trop naïfs et innocents pour intimider qui que ce soit. Ils peuvent ignorer, inconsciemment, certains comportements en pensant que ce ne sont que des enfants, ou que certains sont juste plus « difficiles » que d’autres. Les enseignants peuvent également ne pas voir l’intimidation parce que cela se produit lorsque des adultes ne regardent pas. Il est difficile de comprendre que ces comportements de « pré-harcèlement », qui peuvent parfois sembler anodins à nos yeux d’adultes, peuvent se transformer en harcèlement dans quelques années.
Intervenir lorsqu’une situation de harcèlement se produit
Si les enseignants n’interviennent pas pour mettre fin à l’intimidation, les enfants retiennent que l’intimidation est une façon acceptable de se comporter.
Les enfants qui intimident continueront à intimider. Ils n’apprendront pas à s’engager dans des interactions utiles, solidaires et inclusives. Les enfants victimes continueront à être des victimes. Ils n’apprendront pas à se défendre, à avoir confiance en eux, et à demander l’aide d’amis et d’adultes. Sans l’intervention des enseignants, les schémas d’intimidation et de victimisation peuvent se développer et persister, non seulement dans les contextes de la petite enfance, mais également à un âge avancé, à l’adolescence, et même à l’âge adulte.
Lorsqu’une situation d’intimidation se produit :
Il faut agir immédiatement. Les enseignants peuvent alors saisir cette occasion pour en faire un moment d’apprentissage, pour façonner et changer les actions et les réponses des enfants lorsqu’ils sont agressés, en utilisant une stratégie spécifique :
- Les enseignants doivent immédiatement mettre fin à l’intimidation en disant « stop » et en accordant une attention minimale à l’enfant qui en intimide un autre. L’important est de se consacrer à la victime. Il ne faut pas prêter d’attention à l’enfant agresseur, même pour lui rappeler que son comportement n’est pas acceptable, cela ne pouvant qu’accroître le comportement négatif, et même être gratifiant pour lui. Plus tard, une fois que l’enfant victime est rassuré, écouté, il est en revanche important que les enseignants aient une discussion avec l’enfant « agresseur ».
- Les enseignants doivent aider l’enfant victime en se tenant à ses côtés et en l’aidant à réagir avec assurance.
- Les enseignants doivent inciter les enfants qui sont autour à soutenir l’enfant victime d’intimidation.
Après l’incident :
Les enseignants doivent faire un suivi auprès de chacun des enfants, séparément, parler ensemble de cet incident, de ses effets et de ses conséquences.
- Les enfants qui intimident doivent comprendre que l’intimidation n’est pas acceptable et n’est pas autorisée. Aidez-les à comprendre les attentes et les règles de l’école, à comprendre que l’intimidation fait du mal aux autres et à adopter des comportements sociaux positifs.
- Les enfants victimes doivent savoir que les adultes sont là pour les aider et les soutenir, qu’ils ne méritent pas d’être victimes d’intimidation et qu’ils peuvent demander à des adultes et à d’autres enfants de les aider.
- Les enfants qui passent autour doivent comprendre qu’ils ont le pouvoir de calmer la situation en demandant à l’intimidateur d’arrêter, en aidant la victime à s’en aller, en obtenant le soutien d’autres enfants, en demandant de l’aide à un adulte et en signalant l’incident. Discutez avec eux de ce qu’ils ont fait ou pas fait pour aider leur camarade victime.
Parler du harcèlement
Directement et ouvertement il faut parler de harcèlement avec les enfants. Cela leur permet de savoir que les adultes qui s’occupent d’eux prennent au sérieux le harcèlement et veilleront à ce que l’intimidation ne se produise pas dans leur classe de maternelle. Parler de la manière dont les adultes et les enfants peuvent travailler ensemble pour prévenir et mettre fin au harcèlement permet aux enfants de savoir qu’ils font partie d’un environnement sûr, coopératif et inclusif.
Dites aux enfants qu’il est important d’en parler. Encouragez-les à alerter leur enseignant s’ils pensent être victimes de harcèlement ou s’ils voient des copains de classe l’être. Écoutez-les attentivement, validez vos sentiments, demandez des détails, dites que vous pouvez les aider, parlez de solutions et suivez l’évolution des rapports entre chaque enfant.
Enseigner les compétences sociales aux enfants
Les enseignants de maternelle peuvent enseigner, modéliser et préparer les jeunes enfants à mettre en pratique les compétences dont ils ont besoin pour nouer des amitiés et contribuer à faire cesser et à prévenir les menaces et intimidation entre enfants.
Les compétences sociales peuvent être enseignées par le biais de poupées comme les poupées persona, au fil d’échange avec la classe, de contes et d’histoires, de vidéos, de jeux de rôle, de marionnettes, de jeux et d’activités pédagogiques adaptés à l’âge et au niveau de développement des enfants. Les jeunes enfants sont particulièrement curieux et impatients de mettre en pratique les aptitudes sociales qu’ils apprennent lorsqu’ils ont accès à des exemples concrets qu’ils peuvent comprendre et appliquer.
L’empathie, l’affirmation de soi et la résolution de problèmes sont trois des compétences sociales les plus importantes en matière de prévention du harcèlement :
- L’empathie : les enfants capables d’empathie réagissent avec compassion à ce que les autres pensent et ressentent. Ils comprennent que l’intimidation fait du mal à l’autre. Ils sont moins susceptibles d’intimider et plus susceptibles d’aider les enfants victimes de harcèlement. Les enseignants de maternelle peuvent sensibiliser et protéger les jeunes enfants en les aidant à comprendre ce que pourraient ressentir les enfants victimes de harcèlement et ce qu’ils ressentiraient eux-mêmes s’ils en étaient victimes.
- Affirmation de soi : les enfants qui s’affirment peuvent se défendre et défendre les autres de manière juste et respectueuse. Ils savent comment réagir de manière efficace et non agressive face à un enfant qui intimide les autres. Ils sont moins susceptibles d’être ciblés par des enfants « agresseurs ». Les enseignants peuvent aider les jeunes enfants à s’affirmer afin de prévenir les comportements d’intimidation et afin de résister à l’intimidation lorsqu’elle se produit.
- Résolution de problème : les enfants qui résolvent des problèmes savent comment analyser et résoudre les problèmes sociaux de manière constructive. Les enseignants peuvent aider les jeunes enfants à comprendre le problème et à utiliser diverses techniques de résolution de problèmes, constructives et non agressives, pour aider à faire cesser et à prévenir l’intimidation.
Faire des activités pour développer l’empathie
Les enseignants peuvent apprendre aux jeunes enfants à rejeter le harcèlement en les aidant à faire preuve d’empathie. Certaines activités peuvent apprendre aux jeunes enfants à comprendre ce que pourraient ressentir les enfants victimes de harcèlement et ce qu’ils ressentiraient eux-mêmes s’ils l’étaient aussi. Ils peuvent préparer les enfants à devenir des spectateurs utiles en les aidant à reconnaître une situation où un enfant est victime d’intimidation ou se sent blessé et la manière dont ils pourraient agir ou l’aider à se sentir mieux.
L’apprentissage des émotions
Demandez aux enfants de décrire quelles émotions ils pourraient ressentir face à ces trois situations :
- voir quelqu’un se faire brutaliser ;
- se faire malmener ;
- intimider quelqu’un.
Expliquez que l’intimidation peut entraîner des sentiments forts, tels que la colère, la frustration et la peur. Bien qu’il soit normal de ressentir par moment ces sensations, il n’est jamais acceptable de réagir en faisant des choses violentes, telles que blesser intentionnellement quelqu’un. Dites que si vous travaillez ensemble à prévenir et à mettre fin à l’intimidation, personne dans votre groupe n’aura jamais à ressentir ces sentiments à la suite d’une intimidation.
Marionnettes des expressions par 6 : ces 6 marionnettes à main, en feutrine de couleur, montrent des expressions faciales communes (content, triste, apeuré, en colère, surpris) et une expression neutre.
Jouons avec les émotions : conçu en complément de l’affiche des émotions, ce jeu propose 27 cartes représentant des émotions. Chaque carte présente, au recto, le visage et le nom de l’émotion et, au verso, une brève définition de l’émotion, formulée dans des mots d’enfants. Chaque carte présente également une suggestion d’activité ou de jeu.
>> À lire : 10 jeux pour développer l’empathie
Sensibilisation à la différence
Discutez avec les enfants des différences entre chaque être humain et pourquoi ces différences font notre force. Demandez-leur à quoi ressemblerait leur classe si tous les élèves étaient pareils ? Expliquez-leur que si au début ça peut être amusant, cela finirait par devenir ennuyeux… Cependant, si nous sommes tous d’accord, sur tout, nous n’essaierons jamais rien de nouveau !
Discutez du fait que les enfants « agresseurs » peuvent intimider d’autres enfants simplement parce qu’ils sont différents. Ils essaient de faire en sorte que les différences ressemblent à des faiblesses plutôt qu’à des forces.
My family builders : My family builders représente le monde tel qu’on le voit avec sa mixité et diversité ! Les enfants s’approprient et revisitent la notion de diversité. Les blocs de construction, magnétiques, permettent de faire travailler l’imagination. Un jeu idéal pour accompagner et faire grandir les enfants dans un monde d’ouverture et de tolérance.
Noa et Myla, les poupées exceptionnelles : des poupées avec les caractéristiques physiques des enfants porteurs de Trisomie 21. Elles permettent de sensibiliser les enfants à la différence. En effet elles permettent d’inclure la notion de handicap de manière naturelle dans les situations de jeux.
>> À lire : Des poupées pour apprendre l’empathie et lutter contre les préjugés
Valoriser les actes de bienveillance
Discuter ensemble des actes de bienveillance et de harcèlement pour souligner en quoi ils s’opposent. Les actes de bienveillance rendent heureux tandis que les actes de harcèlement rendent malheureux. Les actes de bienveillance donnent des sentiments positifs. Au contraire, les actes de harcèlement ou de violence, quelle qu’elle soit, enlèvent les sentiments positifs d’un enfant.
Demandez aux enfants de décrire un acte bienveillant ou une bonne action qu’ils ont pu faire pour quelqu’un d’autre. Qu’est-ce que l’autre personne a ressenti ? Qu’est-ce qu’ils ont ressenti ? Et si chaque enfant devait faire un acte bienveillant envers un autre enfant de la classe aujourd’hui ? Et si cela devenait un rituel chaque jour, jusqu’à ce que cela devienne une habitude ?
La règle d’or
« Ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse ». C’est une règle que nos parents nous ont transmise dans l’enfance. Et si vous en faisiez un jeu ?
Discutez avec vos élèves d’exemples liés à l’intimidation, au harcèlement, à la violence. Plus précisément, demandez leur ce qu’ils ne voudraient pas que les autres leur fassent. Dans un second temps, pourquoi ils ne feraient pas ces choses à d’autres. Par exemple :
Je ne voudrais pas…
- que quelqu’un dise que je suis bête, alors je ne dirai pas « Tu es bête » à quelqu’un.
- qu’on me tire les cheveux, alors je ne tirerai pas les cheveux à quelqu’un.
- qu’on dise des choses méchantes sur moi, alors je ne dirai pas des choses méchantes sur quelqu’un d’autre.
Discutez ensuite des choses qu’ils aimeraient qu’un autre enfant fasse pour eux et qu’ils pourraient faire en retour. Par exemple :
J’aimerais…
- que quelqu’un m’invite à jouer quand je suis seul, alors j’inviterai un copain à jouer si je vois qu’il est tout seul.
- qu’on m’aide lorsque je n’arrive pas à faire quelque chose, alors si je vois quelqu’un en difficulté, je l’aiderai.
Terminez l’activité en rappelant à votre classe de traiter les autres enfants comme ils voudraient être traités.
>> À lire : Et si on se moquait de moi ?
Des vidéos pour sensibiliser les plus petits
C’est quoi le harcèlement à l’école ?
« Un jour, une question » nous livre, ici encore, un super court-métrage animé. En effet il permet d’aider les enfants à comprendre le sujet difficile du harcèlement.
Non au harcèlement
« Ce n’est pas parce qu’on est petit qu’on a des petits problèmes »
Parce qu’il est important de sensibiliser, de prévenir, et de contrer le harcèlement à l’école, les enfants doivent comprendre que l’intimidation est inacceptable, blessante et évitable. Et les adultes doivent leur apporter les ressources pour y mettre fin. En France, une ligne téléphonique existe pour soutenir enfants, professeurs et parents face au harcèlement : le 3020. « Le harcèlement, pour l’arrêter, il faut en parler ! »
Article publié le 7 novembre 2019, mis à jour le 18 novembre 2021
Document très intéressant . Qui est l’auteur ?
Bonjour,
Il s’agit directement de Hop’Toys.
Bien cordialement,
Alexandra VALETTE
Bonjour,
Est il possible d’utiliser la vidéo « c’est quoi le harcelement » pour présenter à des élèves ?
Cordialement
Bonjour ! Nous ne sommes pas les créateurs de cette vidéo, nous la partageons seulement. Peut-être voir directement avec 1jour1actu, qui en est à l’origine ? En espérant avoir pu vous aider !
Bonjour,
En quelle année est né le blog hoptoys svp?
Bonjour Klervi ! Il est né en 2007.
Bonjour. Qui écrit les articles svp ?
Bonjour Klervi, nos rédactrices / rédacteurs en interne et externe mais aussi des professionnels et experts de leurs domaines.