Pourquoi est-il important d’aborder la question des émotions chez les enfants comme chez les adultes ? À quel moment de la vie est-ce profitable ? Comment ? Avec quels outils ? Marion Lafon, psychomotricienne et conseillère conjugale, répond à toutes ces questions.

L’importance d’évoquer les émotions dès le plus jeune âge

Dès son premier jour de vie, l’enfant ressent de nombreuses émotions. En revanche, celles-ci ne font pas sens pour lui. Il les exprime de façon anarchique, parfois avec des cris, des pleurs, des gestes, car il ne comprend pas ce qu’il ressent ni pourquoi il le ressent.  

Verbaliser les émotions

Pour commencer, la parole des parents (ou plus largement celle de chaque personne qui s’occupera de l’enfant) va être très importante. Verbaliser «Là je vois que tu es en colère car ton biberon n’est pas encore prêt » va aider l’enfant à comprendre que ce qu’il ressent est lié au fait qu’il a faim et que son besoin n’est pas assouvi. Aussi, il pourra associer ce ressenti à un mot qui le signifie : la colère. Plus tard, il pourra donc plus facilement dire « Là je suis en colère » car il reconnaitra ce ressenti. Bien évidemment, cela peut s’appliquer à chacune des émotions (joie, tristesse, peur, colère, surprise, dégoût, mais aussi toutes leurs déclinaisons).  

Reconnaître les signes physiques de chaque émotion

Il est également très important que l’enfant apprenne à reconnaître les signes physiques de chaque émotion. « Oh je vois que tu souris, tu dois être content·e » est une parole qui va lui donner une traduction physique d’un ressenti. Cela facilitera la reconnaissance et l’identification des émotions, tout en encourageant l’enfant à être plus à l’écoute de son corps, plus attentif à ses besoins. Arrivant à reconnaître s’il se sent bien ou non, il peut ainsi prendre plus facilement soin de lui. Il va également pouvoir se manifester s’il souhaite que l’adulte le réconforte ou réponde à son besoin.  

Des enfants expriment leurs émotions

>> À lire aussi : 3 ateliers pour « travailler » les émotions en classe ».

Faciliter la compréhension de l’autre

L’enfant peut donc comprendre et identifier ce qu’il ressent à l’intérieur mais aussi comment cela se manifeste à l’extérieur. En effet, en reconnaissant ses propres émotions, l’enfant apprend également à détecter celles des autres : sourire, sourcils froncés, yeux mouillés, etc. Cela facilite sa compréhension de l’autre et sa capacité à entrer en relation. La qualité de son empathie, propice à la création des liens, n’en est que renforcée.  

Une sécurité affective renforcée

De plus, si son entourage met des mots sur ses ressentis, l’enfant se sent compris. Cela renforce sa sécurité affective interne, son estime de lui-même et sa confiance en lui. Et un enfant qui a confiance en lui est un enfant qui est plus à même d’explorer son environnement, son corps, ses sens. De ce fait, le développement psychomoteur de l’enfant s’en trouve facilité. En effet, la curiosité de celui-ci va le pousser à expérimenter.  

Les répercutions à l’âge adulte 

Prendre en considération son état corporel et psychologique 

En grandissant et pendant toute sa vie d’adulte, un enfant qui a pu apprendre à connaître et reconnaître ses émotions deviendra un adulte qui prend en considération son état tant corporel que psychologique. Il peut donc respecter son rythme, ses envies, ses besoins, et se sentir aligné avec ses valeurs. Cela lui évite aussi de réagir de façon excessive lorsqu’il est en souffrance. Il sent son émotion arriver et cela l’encourage plutôt à trouver des moyens de s’apaiser.  

Être aligné avec ses émotions

À l’âge adulte, la personne peut également mieux identifier ce qu’elle ne souhaite pas. Cela est très important pour comprendre le réel sens du consentement, et cela a, de ce fait, sa place dans la prévention des violences, notamment des abus sexuels. En effet, être sensibilisé sur cette question des émotions permettra à la personne de mieux identifier les systèmes d’emprise auxquels elle pourrait être confrontée, pour elle ou pour quelqu’un de son entourage, dans son couple, sa famille, son travail, etc.

Aussi, cela évitera que l’adulte en question se soit construit une personnalité effacée, s’adaptant toujours à ses interlocuteurs sans se considérer. De nombreux diagnostics de formes graves de dépression ont pu être mis en lien avec ce manque d’écoute, d’estime et de confiance en soi. Être aligné entre ce que l’on ressent et ce que l’on comprend favorise à l’inverse l’entreprenariat et la créativité. 

Un enfant exprime ses émotions

>> À lire aussi : « Les émotions des enfants en contexte de crise ». 

Comprendre ses émotions est bénéfique à tout âge

En somme, s’interroger sur la nature et l’expression des émotions est intéressant et bénéfique, quel que soit l’âge. Rien n’est figé, tout évolue dans le temps. Certaines périodes de vie nous mettent plus à l’épreuve que d’autres et se pencher à nouveau sur ce type de questionnement nous encourage à l’introspection 

Adapter les supports à la personne concernée

Bien sûr, il est pertinent d’adapter les moyens et les supports à la personne concernée, son âge, ce qu’elle aime, sa personnalité. Les livres sont des supports particulièrement intéressants notamment pour les enfants car ils permettent de mettre des mots sur des sensations et parfois même d’y associer des images.

Le livre popup « La couleur des émotions » d’Anna Llenas est très bien pour cela et la beauté des graphismes plaît autant aux petits qu’aux grands. De même, le livre « Les émotions » de Brigitte Luciani et Eve Thariet est particulièrement bien construit. Il existe également des jeux de société qui encouragent les participants à raconter des souvenirs faisant appel à telle ou telle émotion.

Le livre des émotions

>> À télécharger aussi : « Le kit des émotions ».

Aussi, les avale-soucis proposés sur le site donnent la possibilité aux enfants d’écrire ou de dessiner ce qu’ils ressentent. Il s’agit de peluches avec une bouche fermeture éclair, qui avalent leurs émotions. En version adulte (ou enfant plus grand), il existe également les poupées à soucis qui sont capables d’absolument tout entendre. Il est cependant important de souligner que ces différents supports ne peuvent pas apaiser une crise. Ils sont à utiliser non pas quand l’enfant est débordé d’émotions mais lorsqu’il est calme et apaisé.  

L'avale-soucis

>> À lire aussi : « 3 exercices de sophrologie pour gérer vos émotions ».

Le mot de la fin

Qu’il y ait un support ou non et quel qu’il soit, partager ses émotions permet d’alléger le poids de la vie et de créer des liens plus forts avec les autres. Il est rare de ne ressentir qu’une seule émotion à la fois. Souvent, plusieurs cohabitent, même celles pouvant paraître complètement opposées. Et c’est bien ok ainsi ! Nous sommes tous et toutes faits d’émotions. Alors, au lieu de chercher à les faire taire, apprenons plutôt à bien vivre avec.  

Publié le 20 octobre 2021, mis à jour le 19 janvier 2022


J’ai 27 ans. Je suis psychomotricienne depuis bientôt 3 ans et je travaille également en tant que conseillère conjugale et familiale depuis août 2020 au planning familial de Saint-Etienne. J’ai fait une licence de psychologie, puis un diplôme d’état de psychomotricien (que j’ai validé en juillet 2018) en double cursus avec le master international en psychomotricité validé en juillet 2020. 

  

Alexandra, chargée de communication.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Taper la réponse pour valider votre commentaire * Time limit is exhausted. Please reload the CAPTCHA.