Agathe Seube, @agathe_ejemaispasque est une professionnelle de la petite enfance engagée et passionnée. Dans cet article, elle nous parle de la structure cabane tubes, cette structure simple et d’une grande richesse pour le développement des enfants. À travers son regard d’experte, elle nous invite à explorer la façon dont cet outil ludique et modulaire soutient la motricité libre, la créativité ainsi que la réflexion cognitive et affective. Un véritable terrain d’expérimentation où l’enfant engage son corps, ses émotions et sa pensée dans un espace à habiter.
La structure cabane tubes : un espace de liberté et de découvertes
À première vue, cette structure cubique en tubes peut sembler minimaliste. Pas de parois, pas de toit, pas de consigne d’usage bien souvent. Et pourtant, elle recèle une puissance pédagogique insoupçonnée : celle d’un cadre qui soutient sans enfermer, d’un volume qui invite à penser, sentir et agir en trois dimensions.
Chez les enfants, on observe qu’elle intrigue souvent, attire beaucoup, mais parfois inquiète un peu. On la traverse, on s’y cache, on en ressort en riant. Elle devient un support d’expérience. À travers elle, le jeune enfant apprend le monde, et surtout, il se découvre lui-même dans l’espace, dans la relation et dans le plaisir du mouvement libre.
Quelque soit le milieu d’accueil du jeune enfant, où les sollicitations sont souvent multiples et les espaces denses, qu’elle soit installée occasionnellement ou durablement, la structure cabane tubes est un repère structurant. Elle matérialise une limite sans l’imposer, un dedans sans cloison, un espace à explorer sans direction prédéfinie. Elle peut également servir de support à des créations immersives, permettre de suspendre des objets variés, ou devenir un point de départ pour inventer un univers sensoriel à l’intérieur comme à l’extérieur.
Le rôle de l’adulte
Aujourd’hui, le rôle de l’adulte dans l’accompagnement de la motricité libre est de plus en plus posé comme une présence ajustée, non intrusive. La structure cabane tubes en est une illustration parfaite : elle invite l’adulte à observer avant d’intervenir. Être là, en soutien, sans diriger. Cette posture permet de lire les initiatives de l’enfant, de repérer ses stratégies d’exploration, son rapport au risque ou à la nouveauté. L’adulte devient alors garant du cadre sécurisant, tout en laissant l’enfant être l’auteur de ses découvertes. Cette qualité de présence, fine et discrète, fait pleinement partie de l’expérience que l’enfant vit au sein de la structure.
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L’expérience sensorielle et motrice : une approche en trois dimensions
Dans les milieux d’accueil actuels, les espaces sont souvent très sollicités et les enfants peuvent être confrontés à une grande densité de stimuli. La cabane tubes trouve toute sa place dans ces environnements modernes en offrant un espace “respirant”, non saturé, favorisant la régulation sensorielle. Sa simplicité agit comme un contrepoids aux jouets très dirigés ou aux dispositifs technologiques. Elle propose un retour à l’essentiel : l’espace, le corps et le mouvement. C’est un support apaisant qui peut aider certains enfants à se recentrer lorsqu’ils sont surstimulés.
Se pencher sous les objets suspendus, se glisser, ou courir découvrir cette structure tubulaire est une expérience dans laquelle l’enfant y engage :
- son corps, qui s’oriente, se plie, s’adapte à la forme de l’espace ;
- sa pensée, qui anticipe, teste, corrige ;
- son affectivité, qui oscille entre le plaisir du jeu et la légère appréhension du passage.
De façon générale, à travers les jeux de tunnels ou de cabanes, l’enfant fait des hypothèses : « Est-ce que je vais passer ? », « Où suis-je quand je ne me vois plus ? », « Et si je sors de l’autre côté ? ». Il apprend par essais-erreurs, il ajuste, il se repère.
Le monde en trois dimensions : une construction progressive
Le cerveau de l’enfant apprend par inférence, c’est-à-dire en repérant les régularités du monde pour mieux les anticiper. Au départ, le bébé ne connaît pas encore les distances, les volumes, les profondeurs. Tout est à découvrir. C’est en observant, en manipulant, en se déplaçant dans le monde, que ce monde prend forme.
La structure cabane tubes participe à ce processus : elle introduit l’enfant à la vision tridimensionnelle de l’espace. Il y découvre :
- la profondeur, en observant la lumière changer selon son point de vue ;
- la distance, en repérant le temps nécessaire pour aller d’un bout à l’autre ;
- la forme, en sentant son corps contraint, enveloppé ou libéré.
Chaque passage affine les cartes mentales internes qu’il se construit de son environnement. En traversant le tube, l’enfant passe du plan au volume, de l’observation à l’expérience, du dehors au dedans. Il devient acteur de sa propre géométrie.
Ainsi, la structure cabane tubes est un formidable outil pour favoriser la pensée en 3D, essentielle au développement global :
- Pour le tout-petit : elle matérialise la profondeur, le volume, la distance ; il touche, contourne, évalue les espaces et ajuste ses gestes.
- Pour l’enfant qui aime le jeu symbolique : elle devient support d’expérimentation mentale et narrative ; il imagine, projette, combine.
- Pour l’adulte : elle offre une lecture précieuse du rapport de l’enfant à l’espace, à la limite, à la traversée ; certains y passent en riant, d’autres hésitent, d’autres la transforment en décor ou en refuge.

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La géométrie de la cabane
Le cube, par sa forme, est une structure stable. L’enfant peut ramper dessous, traverser entre les barres, observer les alignements, suspendre un objet, se cacher à demi, passer et repasser : chaque passage enrichit sa compréhension spatiale : dessus, dessous, dedans, autour, entre… C’est le langage de l’espace qui se construit. La structure invite aussi à l’expérimentation avec les matériaux : toucher le tube, manipuler des objets suspendus, observer les jeux de lumière et d’ombre, sentir les textures, tester l’équilibre et la coordination.
Les enfants plus âgés s’y appuient pour bâtir des scénarios symboliques : un cube peut devenir maison, véhicule, poste d’observation, ou tout simplement un support à leur univers intérieur. Il peut servir de point de départ à des créations modulables et à des expériences sensorielles combinant toucher, vue et motricité.
Un support de motricité libre
Les travaux actuels en neurosciences et en psychologie du développement confirment l’importance des environnements ouverts, modulables et non prescriptifs. La cabane tubes est en adéquation avec ces données : elle permet la plasticité cérébrale par l’action, la répétition et l’ajustement sensorimoteur. Les chercheurs mettent aussi en lumière l’importance de la liberté motrice pour la maturation des fonctions exécutives. À travers le passage, l’hésitation, le contournement ou l’exploration symbolique, l’enfant exerce sa capacité à planifier, inhiber, persister et s’autoréguler. Le cube devient un véritable laboratoire du développement.
Sur le plan moteur, la structure cabane tubes soutient la motricité libre chère à Emmi Pikler.
L’enfant y progresse à son rythme, sans consigne, sans direction imposée. Il s’y engage quand il se sent prêt, selon sa confiance intérieure, selon son besoin de défi ou de réassurance.
Chaque passage devient un acte volontaire, porteur d’un apprentissage moteur (coordination, équilibre, tonicité), mais aussi d’un apprentissage mentale : « je choisis, le décide, j’y arrive ». Cette autonomie nourrit le sentiment de compétence et renforce la confiance en soi.
Le professionnel, en observant, peut lire beaucoup dans ces allers-retours :
- la prise d’initiative ou la retenue,
- la capacité à attendre ou à partager l’espace,
- le plaisir d’agir seule ou le besoin de validation.
C’est tout l’art du professionnel de la petite enfance : maintenir la structure tout en laissant l’enfant la traverser, la détourner, la réinventer. Elle peut aussi devenir un support pour observer les interactions entre enfants, la coopération, l’attente ou le partage de l’espace.

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La structure cabane tubes comme terrain d’observation cognitive
L’enfant classe, regroupe, catégorise : il fait l’expérience des régularités. Il remarque que « si je pousse fort, ça avance », ou que « quand il y a trop de copains dedans, je dois attendre ».
Il fait des liens de cause à effet, anticipe ajuste. Ces micro-événements participent au développement des fonctions exécutives : attention, inhibition, planification.
Petite à petit, l’enfant se construit un monde cohérent. Il apprend à reconnaître ce qui est familier et ce qui est nouveau. Il anticipe les séquences d’événements : « Quand je rentre, il fait sombre ; quand je ressors, la lumière revient ».
Quelques pistes d’aménagement
La structure cabane tubes est un support malléable, qui se prête à une infinité de déclinaisons sensorielles. Nous pourrions dire que la richesse de cette structure réside dans sa neutralité. Elle s’adapte tous les besoins, à chaque projet, chaque environnement :
- Pour les bébés : suspendre des éléments naturels (plumes, rubans, feuilles, galets percés, coquillages…) à hauteur d’exploration visuelle et tactile. On peut aussi disposer à l’intérieur des objets sensoriels légers ou des supports pour manipuler et découvrir des textures et sons différents.
- pour les petits marcheurs : on peut l’utiliser comme parcours moteurs léger : passer dessous, contourner, attraper un objet suspendu, se hisser à genoux.
- pour les plus grands : laisser le cube devenir support de construction symbolique (maison, véhicule, cabane imaginaire), base pour créer des mondes (tissu, images, guirlandes, etc…). Il peut servir d’espace de jeu coopératif, où les enfants inventent des règles et interagissent autour d’un projet commun.
- En extérieur : suspendre des éléments sensoriels naturels qui réagissent au vent, à la lumière.
- En salle sensorielle : projeter lumières, ombres, textures. On peut également introduire des éléments changeants pour stimuler la curiosité cordes souples, tissus à déplacer, ou objets-hochets suspendus modulables.
L’idée n’est jamais de faire faire, mais de laisser habiter l’espace, en laissant l’enfant entrer, sortir, détourner et réinventer la structure. Chaque configuration devient un support pour l’imagination, l’exploration sensorielle et la motricité libre.
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Quelques autres idées pour compléter
- Jeu de lumières : placer à l’intérieur des guirlandes LED ou une lampe (à l’éclairage doux, et non surstimulant) pour jouer sur la transparence et l’ombre.
- Matières naturelles : disposer des tissus en coton, des coussins de lin pour varier les textures au toucher et à la vue, suspendre de vraies feuilles de toutes les couleurs est un incontournable en automne.
- Observation partagée : inviter les enfants à attendre leur tour, regarder un copain passer, commenter ou encourager. C’est l’expérience du regard et du lien.
- Temps calme : proposer parfois la cabane tube comme refuge, non plus pour jouer, mais pour s’y poser ensemble et se recentrer.
La structure cabane tubes est un espace à habiter, un support vivant d’exploration où l’enfant engage trois dimensions du développement : corporelle, affective et cognitive.


